Maltraitance animale : nouveaux moyens d'action pour les vétérinaires

En cas de suspicion de telles situations, les vétérinaires peuvent noter leurs doutes sur le dossier de l'animal.

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Maud LAFON

Protection animale

Le lien entre maltraitance animale et humaine a été démontré et la réaction d'un vétérinaire face à une suspicion de maltraitance dans le cadre de son exercice n'est donc pas anodine. Si la maltraitance est devenue une possibilité diagnostique pour les vétérinaires dans les années 2000, la nouvelle loi contre la maltraitance animale lui donne davantage de moyens d'action.

La loi n° 2021-1539 a changé la donne pour les vétérinaires en ce qui concerne les possibles réactions en cas de suspicion de maltraitance animale. Dans ce nouveau contexte législatif, la Prévention médicale, association qui a pour objet la prévention des risques médicaux et paramédicaux, a convié nos confrères Michel Baussier, ancien président du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, et Anne-Claire Gagnon, présidente de l'Association contre les maltraitances animales et humaines (Amah), à un webinaire, le 1er juin, au cours duquel ils ont précisé la conduite à tenir dans cette situation.

Michel Baussier a rappelé que le bien-être animal, qui est l'objectif, était dépendant de la bientraitance (les moyens) mise en oeuvre par les humains à l'égard de l'animal.

« Les vétérinaires doivent apprendre à connaître et à détecter les situations de maltraitance vis-à-vis des animaux de compagnie, d'autant qu'elles sont souvent liées à de la maltraitance humaine », a-t-il souligné. Cette cooccurrence est avérée dans 10 % des cas selon les études.

Situations variées

Les situations de maltraitance peuvent être très diverses et insidieuses. « Un propriétaire qui laisse reproduire sa chatte sans se préoccuper du devenir des chatons est déjà maltraitant puisque, trop souvent, cette première porté surprise est une cause d'abandon des chatons et souvent de la chatte », a indiqué Anne-Claire Gagnon.

Des nuances existent bien sûr entre la négligence et les cas de maltraitance volontaire, qu'elle soit physique, émotionnelle (brimades infligées à un chien) ou sexuelle.

Leur dépistage implique la connaissance des signaux d'alerte : animal qui a peur de son maître en consultation et est plus rassuré avec l'équipe soignante, mauvais entretien du pelage, blessures à des endroits inhabituels, animaux agressifs...

« Les vétérinaires ne sont pas formés en psychologie mais, pour mener l'entretien dans une telle situation, ils doivent s'inspirer de la pédopsychiatrie : être vigilant, poser des questions ouvertes, ne jamais porter de jugement », a expliqué notre consoeur.

S'il recueille les confidences du propriétaire, par exemple vis-à-vis d'une personne maltraitante dans le foyer ou de violences domestiques, le vétérinaire devra là encore s'exempter de tout jugement et proposer l'aide de professionnels.

Recueillir des éléments factuels

« Vis-à-vis des forces de l'ordre, le vétérinaire est là pour recueillir des éléments factuels et biologiques pouvant servir à instruire une plainte », a-t-elle ajouté. Elle a regretté l'absence de formation à la médecine légale et indiqué qu'une telle option était en cours de mise en place à VetAgro Sup.

L'Amah propose à ce sujet un guide de repérage des maltraitances animales inspirées des données britanniques (disponible sur le site : www.amah-asso.org, lire DV n° 1589).

L'intégration de la maltraitance dans le diagnostic des vétérinaires s'est produite dans les années 2000.

Le guide aide les vétérinaires à réaliser un signalement au procureur ou à la DDPP* en cas de suspicion de maltraitance grave (sévice grave, atteinte sexuelle, maltraitance, acte de cruauté), ce signalement étant une nouvelle possibilité introduite par la loi n° 2021-1539.

Etre exemplaires

Elle a rappelé aussi que les vétérinaires devaient eux-mêmes être exemplaires vis-à-vis de la maltraitance et faire attention par exemple lors de la contention des animaux (ne plus prendre un chat par la peau du cou).

Les publications étayant le lien entre maltraitance des animaux de compagnie et maltraitance humaine sont nombreuses, la première datant de 1983, aux Etats-Unis, et de 2013, en France. Elles sont beaucoup plus rares en ce qui concerne les animaux de rente.

97,9 % des publications identifient une association entre violence animale et violence humaine (sur des échantillons très variables). La plus récente, uniquement vétérinaire, à Taïwan, recense 10 % de maltraitance humaine identifiée par le vétérinaire quand la maltraitance animale est diagnostiquée.

La maltraitance sur les animaux est ainsi souvent un marqueur de la maltraitance que peuvent subir les enfants d'un foyer même si ce n'est pas systématique.

Par ailleurs, les enfants ayant grandi dans un foyer violent vis-à-vis de ses animaux ont un risque majoré de devenir eux-mêmes maltraitants.

Consigner ses suspicions

Aussi, en cas de suspicion de telles situations, Anne-Claire Gagnon a enclin les vétérinaires à noter leurs doutes sur le dossier de l'animal. Elle a rappelé l'arbre décisionnel DVDR (voir schéma) pour :

- demander : interroger le patient/client sur d'éventuelles maltraitances ;

- valider par un examen clinique plus approfondi ;

- documenter : consigner par écrit en décrivant les signes et symptômes, si besoin en ajoutant des photos ou radios ;

- référer la victime à des spécialistes de la violence domestique et/ou rapporter la maltraitance aux autorités compétentes.

« Parfois le détenteur peut être l'agresseur et il faut donc être prudent dans la façon de conduire l'entretien et ne pas prendre de risque », a-t-elle rappelé.

Quand la suspicion de traumatisme non accidentel est confirmée, le vétérinaire peut faire appel au référent bien-être animal de son conseil régional de l'Ordre.

Si aux Etats-Unis le signalement croisé entre maltraitance humaine et animale est autorisé, ce n'est pas encore le cas en France. Néanmoins, « l'un peut aider l'autre et il n'y a pas de frontière entre les médecines », a conclu notre consoeur.

Encore plus d'infos !

Amah : www.amah-asso.org, webinaire disponible en rediffusion : https://cutt.ly/LJvlzh9.

* DDPP : Direction départementale de la protection des populations.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1626

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