Les plates-formes de régulation des urgences pointées du doigt : le SNVEL réagit
Mercredi 28 Mai 2025 Vie de la profession 53341Les plates-forme de régulation permettent d'évaluer la nature de l'urgence et sa réalité.
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Exercice
Une propriétaire, habitant à Brézé, près de Saumur (Maine-et-Loire), a lancé une pétition contre les plates-formes de régulation vétérinaire suite à une mauvaise expérience qu'elle aurait connue avec ses deux chiennes. A deux reprises, dans la nuit du 2 au 3 mai puis quelques jours plus tard, elle a cherché à joindre un vétérinaire et a dû passer par la plate-forme de régulation des urgences Alvetis. Elle aurait alors eu du mal à obtenir gain de cause et juge le service coûteux et inefficace. Plusieurs autres propriétaires ont ensuite témoigné en ce sens. Notre confrère David Quint, président du SNVEL*, s'est exprimé sur le sujet et a expliqué, sur les réseaux sociaux, l'utilité de ce système. Au 26 mai, la pétition lancée début mai n'avait toutefois recueilli que 431 signatures.
■ Pourquoi les vétérinaires font-ils appel à ce genre de plate-forme ?
David Quint, président du SNVEL* : De plus en plus de vétérinaires choisissent de s'appuyer sur des plates-formes spécialisées pour assurer la gestion des appels d'urgence en dehors des horaires d'ouverture. Ce choix s'explique par la nécessité d'organiser une permanence efficace tout en préservant l'équilibre de vie des équipes vétérinaires.
Ces plates-formes jouent un rôle de tri et d'orientation. Elles permettent d'évaluer la nature de l'urgence et la réalité de celle-ci, d'informer les propriétaires sur les modalités d'accès au service de garde et de transmettre les appels au vétérinaire de garde quand le cas le nécessite et uniquement dans ce cas.
En choisissant de déléguer la réception des appels de nuit et de week-end, les vétérinaires offrent une réponse professionnelle (ce sont des équipes vétérinaires qui répondent) à toute heure (y compris en pleine nuit, les week-ends et les jours fériés) mais en limitant les sollicitations inutiles qui peuvent nuire à leur capacité à assurer leurs missions de soin en journée et à l'équilibre de leur vie personnelle.
■ Quels sont les avantages et les inconvénients de ces plates-formes ?
D.Q. : Comme je l'ai dit plus haut, ces plates-formes présentent plusieurs avantages majeurs :
- elles permettent de filtrer les vrais cas d'urgence, évitant ainsi de mobiliser inutilement le vétérinaire sur des situations qui peuvent attendre ;
- elles garantissent, comme le font les vétérinaires qui assurent eux-mêmes cette gestion, une réponse immédiate (et professionnelle à toute heure), ce qui répond au besoin des propriétaires et les rassure le plus souvent ;
- elles permettent l'organisation du service d'urgence au sein des cliniques et facilitent la vie des équipes vétérinaires.
Cependant, ce dispositif a aussi ses limites :
- il représente un coût pour la clinique vétérinaire, qui doit être intégré dans le modèle économique du service ;
- il peut créer une certaine distance entre le vétérinaire et ses clients, notamment si ces derniers ont l'habitude d'un contact direct et personnalisé.
■ Comment s'organise à l'échelle d'une ville ou d'un département un service de garde vétérinaire ?
D.Q. : Il est important de commencer par rappeler qu'il ne s'agit pas d'un Samu vétérinaire, autrement dit d'un service public ! La gestion des services de garde repose sur un modèle privé : ce sont les cabinets et cliniques vétérinaires qui prennent à leur charge l'organisation de ce service.
Le service de garde vétérinaire peut parfois s'organiser à l'échelle d'un territoire, quand il s'agit d'une ville ou d'une agglomération. Les vétérinaires se regroupent alors pour établir un planning de garde qui répartit équitablement les périodes de permanence entre les différentes structures.
Mais ce n'est pas toujours possible et dans de nombreux territoires, chaque clinique assure ou organise le service de garde pour ses clients. Certains vétérinaires se retrouvent de garde à une fréquence élevée, ce qui génère un travail très important et une charge forte, déséquilibrant le temps disponible pour la vie personnelle.
Dans ces cas, un certain nombre d'établissements délèguent alors soit la gestion des appels aux plates-formes dont nous avons parlé auparavant et ne reçoivent que des urgences filtrées, soit la réception des urgences à des structures dont c'est le coeur d'activité (maisons des urgences ouvertes que dans ces horaires, centres hospitaliers vétérinaires, etc.).
Le public est alors informé des modalités d'accès au service d'urgence via le répondeur de la clinique habituelle ou la plate-forme mutualisée qui oriente les appels vers la clinique ou le vétérinaire de garde désigné.
■ Quelles sont les obligations déontologiques des vétérinaires en matière de service de garde ?
D.Q. : Les vétérinaires ont l'obligation déontologique d'organiser la continuité et la permanence des soins pour les animaux qui leur sont confiés. Cette obligation peut être assurée de manière individuelle ou collective (être organisée en partenariat avec une autre structure, comme on l'a vu plus haut). Les vétérinaires s'assurent ainsi que les propriétaires d'animaux peuvent obtenir une réponse en dehors des horaires d'ouverture habituels, notamment la nuit, le week-end et les jours fériés.
Pour autant, quand le vétérinaire habituel d'un animal confie ses gardes à une autre structure, les vétérinaires alentours qui n'ont pas contractualisé avec le vétérinaire qui suit l'animal ne sont pas tenus d'accepter (hors urgence vitale) de recevoir le client qui ne souhaite pas aller là où le vétérinaire habituel l'a référé.
■ Quels conseils donner aux propriétaires d'animaux en cas d'urgence de nuit ?
D.Q. : Nous conseillons aux propriétaires d'animaux de toujours commencer par appeler le numéro habituel de leur vétérinaire, même en dehors des heures d'ouverture. Un message vocal ou une plate-forme d'accueil les orientera vers le service de garde ad hoc en fonction de la situation. Je le redis : les vétérinaires alentours qui n'ont pas d'accord avec le vétérinaire habituel (tous ceux vers qui il n'oriente pas ses clients) ne sont pas tenus d'accepter de recevoir le client. Ils n'ont en effet rien demandé et sont souvent les victimes collatérales du stress d'un propriétaire inquiet ! Mais rien ne justifie les incivilités trop souvent constatées dans ces cas là...
Il est important de ne pas se déplacer sans avoir appelé au préalable afin de s'assurer que la structure est bien ouverte et que l'animal sera bien pris en charge à cet endroit.
Nous recommandons également de préparer les informations utiles : symptômes observés, traitements en cours, comportement de l'animal. Il est aussi important de rappeler que les tarifs sont généralement majorés la nuit et les jours fériés, en raison des contraintes spécifiques liées à ces interventions et du service rendu qui représente un coût pour la structure. ■
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
Gros Plan : Pourquoi un centre de régulation ? : Alvetis répond aux accusations
Hélène LÉTARD
Associée Émergence (Alvetis-VetoAdom-Maisons des urgences)
Tous ceux qui font ou ont fait des gardes savent que 75 % des appels en dehors des heures d'ouverture de nos structures ne sont pas réellement urgents. Cependant, ils nous réveillent et parfois nous empêchent de nous rendormir...
Nous permettons à chacun de nos utilisateurs de mieux vivre ces gardes (qui, bien que nécessaires, sont devenues un véritable fardeau) en assurant une régulation professionnelle et adaptée, sans compromettre la santé animale.
Concernant la pétition qui circule sur les réseaux sociaux, elle émane d'une personne qui a des propos mensongers concernant son expérience avec Alvetis : l'enregistrement de son appel prouve que notre régulatrice a fait son travail en posant toutes les questions nécessaires (l'appel dure plus de 8 minutes) pour comprendre, qu'à 4 heures du matin, il n'était pas nécessaire de déranger un vétérinaire de garde pour un début de cystite. Elle donne, cependant, les coordonnées d'une clinique ouverte 24 heures sur 24, certes éloignée mais que la cliente connaissait. Ce que cette cliente n'a pas compris, c'est qu'en pleine nuit, nous appliquons un filtre choisi par nos vétérinaires utilisateurs.
Eléments erronés
Les autres éléments erronés des différents articles parus à la suite de cet incident sont :
- les appels payants sont facturés 3 euros l'appel et pas 3 euros la minute : nous ne touchons absolument rien sur ces 3 euros ; c'est un filtre supplémentaire choisi ou non par nos référents ;
- le forfait du service est désormais de
19,90 euros (longtemps gratuit chez Alvetis) puis la facturation se fait à l'appel ; il ne s'agit pas d'un abonnement à 500 euros...
Alors, oui, nous sommes convaincus de l'utilité de notre plate-forme de régulation : nos consoeurs et confrères qui l'utilisent nous remercient chaque jour et certains auraient probablement arrêté leur pratique sans notre travail pour les aider.
En tant que vétérinaires, nous devons collectivement préserver la qualité de notre exercice, sans mettre en péril notre santé mentale ni celle de nos équipes. Supprimer les services de régulation reviendrait à nier cette réalité et à fragiliser davantage une profession déjà sous tension. ■