Les corps cétoniques chez le chien et le chat en pratique
Samedi 18 Mars 2023 En pratique 46953© Ludovic Siméon
Ludovic SIMÉON
L'auteur de cet article déclare participer à la réalisation de conférences et de webinaires sur les gaz du sang et les électrolytes pour le laboratoire Nova Biomedical®.
Pour beaucoup d'entre nous, dans notre pratique quotidienne en canine, les corps cétoniques sont synonymes de diabète acidocétosique (DAC). Pour les mettre en évidence, dans un contexte de diabète sucré, nous utilisons la plage « corps cétoniques » sur la bandelette urinaire. Mais quelle est la sensibilité de cette méthode diagnostique ? Y'a-t-il d'autres causes d'augmentation des corps cétoniques ? Ces causes sont-elles les mêmes chez le chien et le chat ? Pour répondre à ces questions, cet article va présenter, après des rappels physiologiques sur la cétogenèse et sur la cétose, comment doser les corps cétoniques chez le chien et le chat, puis comment interpréter une augmentation des corps cétoniques chez le chien et le chat. Cet article est la suite de deux précédents articles : « Les déséquilibres acidobasiques ou les gaz du sang pour tous » 1 et « L'ionogramme en pratique chez le chien et le chat » 2.
PHYSIOLOGIE DE LA CÉTOGENÈSE 3
La cétogenèse se déroule dans le foie (cf. fig. 1). Au sein des hépatocytes, une série de réactions permet de convertir l'acétyl-CoA (ou AcCoA, issu du glucose par glycolyse ou des acides gras libres par béta-oxydation) en BétaHydroxyButyrate (BHB), en Acéto-Acétate (AcAc) et en Acétone (Ac). Ces trois molécules forment les corps cétoniques.
Dans les hépatocytes, chez l'animal sain, les teneurs en BHB et en AcAc sont à l'équilibre. Lors de diabète sucré, la teneur hépatocytaire en BHB devient majoritaire. Le BHB et l'AcAc circulent sous leur forme anionique car les pKa de l'acide bétahydroxybutyrique (4,7) et de l'acide acétoacétique (3,6) sont inférieurs aux valeurs physiologiques du pH sanguin du chien (7,4) et du chat (7,35). L'augmentation de leur concentration dans le sang entraîne une augmentation du trou anionique (cf. ci-après).
La cétogenèse est stimulée par les hormones hyperglycémiantes (comme le glucagon, le cortisol, les catécholamines ou l'hormone de croissance) et inhibée par l'insuline (la seule hormone hypoglycémiante).
Les corps cétoniques ont une excrétion rénale ; ils aident l'organisme à excréter les protons H+ par voie urinaire. Lors de cétonurie prolongée, une excrétion rénale de cations est associée : Na+ et K+, pouvant conduire à une hyponatrémie et à une hypokaliémie.
PHYSIOPATHOLOGIE DE LA CÉTOSE
Une augmentation de la concentration des corps cétoniques dans le sang est nommée cétonémie. La symptomatologie associée est appelée cétose. La cétose peut être le résultat de deux procédés physiopathologiques 3.
Le premier est une lipolyse excessive qui entraîne la production d'AcCoA en quantité supérieure à celle pouvant être utilisée par le cycle de Krebs. L'excès d'AcCoA, particulièrement lors d'excès de glucagon ou lors de défaut en insuline, promeut alors la cétogenèse qui produit l'AcAc qui peut être converti soit en acétone soit en BHB. Les corps cétoniques étant des anions organiques et des acides endogènes 1, une acidose métabolique à trou anionique augmenté se développe : ceci caractérise le DAC 3. En condition normale, l'insuline limite la lipolyse mais lors de diabète cétosique (DC, c'est-à-dire diabète sucré associé à une cétose mais sans acidose, cf. ci-après) ou de DAC, les affections concomitantes favorisent les hormones qui stimulent la cétogenèse et la lipolyse : glucagon, cortisol, catécholamines et hormone de croissance 4.
Le second procédé physiopathologique est la conséquence de la néoglucogenèse lorsque la balance énergétique de l'organisme est négative ; en effet, lorsque l'organisme a une balance énergétique positive, l'Acétyl-CoA issu de la béta-oxydation des lipides se combine à l'oxaloacétate dans le cycle de Krebs (cf. fig. 1) avec production d'ATP ; mais lorsque cette balance énergétique est négative, l'oxalo-acétate est utilisé pour la néoglucogenèse, ce qui conduit à une accumulation d'AcCoA qui promeut alors la cétogenèse ; ce processus s'observe lors de jeûne prolongé, associé ou non à une affection métabolique 3.
Chez le chat, une étude démontre l'existence de ces deux procédés physiopathologiques. Lors de DAC, les valeurs de BHB et celle de la glycémie sont corrélées : la cétogenèse est liée à la carence en insuline ou à la résistance à son action. En revanche, chez les chats malades non diabétiques et présentant un bilan énergétique négatif (lors de lipidose hépatique ou d'insuffisance rénale chronique ou d'hyperthyroïdie), les valeurs de BHB et celle de la glycémie ne sont pas corrélées : la cétogenèse n'est alors pas liée à une carence en insuline 5.
DOSAGE DES CORPS CÉTONIQUES 3
En pratique, chez le chien et le chat, deux techniques de dosage sont utilisées : une semi-quantitative sur les urines ou sur le plasma, et une quantitative sur sang total ou sérum/plasma.
La plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires : dosage semi-quantitatif
La plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires met en évidence la présence d'AcAc ou d'Ac dans les urines ou le plasma : il s'agit d'un test semi-quantitatif reposant sur la réaction du nitroprussiate de sodium. Cependant, il faut bien retenir que le BHB ne réagit pas avec cette technique de dosage 3.
La norme est l'absence de corps cétoniques sur la bandelette urinaire, que ce soit dans le plasma ou dans les urines (ce qui correspond à une couleur « rose chair » de la plage réactive « NEG. », cf. photo 1).
Lors de réaction positive, la présence de corps cétoniques varie de
« Traces » ou « +/- » (soit 0,05 g/l ou 0,5 mmol/l, correspondant à une couleur lavande ou rose violacé de la plage réactive, cf. photo 1) à « Fort » ou « ++++ » (soit 1,6 g/l ou 16 mmol/l, correspondant à une couleur violet foncé de la plage réactive, cf. photo 1) 3.
Des faux-positifs peuvent avoir lieu avec l'aspirine, le captotril, la N-AcétylCystéine (NAC), le mesna 6 et la pénicillamine 7, ou lorsque les urines sont très pigmentées 8.
Des faux-négatifs sont également observés lorsque les bandelettes urinaires ont été exposées trop longtemps à l'air libre, ou lorsque le pH des urines est acide (notamment lors de traitement à la vitamine C), ou lors de cystite bactérienne 9. De plus, lorsque le pH sanguin est acide (lors d'acidémie), l'AcAc, en captant des H+, se transforme en BHB, qui sont non détectables à la bandelette, ce qui peut conduire à des faux négatifs 7. Enfin, à température ambiante, la concentration d'AcAc dans le prélèvement diminue et des faux négatifs sont alors possibles ; alors que la concentration du BHB est stable 6.
Le dosage sanguin du BHB : technique de dosage quantitative
Des lecteurs rapides de BHB sont désormais disponibles, notamment chez Abbot® ou Nova Biomedical® 10,11,12 (cf. photo 2). Ils permettent une mesure quantitative et immédiate du BHB sur sang total. Cette méthode repose sur l'utilisation de bandelette électrochimique utilisant la BHB déshydrogénase catalysant la conversion du BHB en AcAc. Par la suite, les valeurs sanguines de BHB mesurées par lecteur rapide seront désignées par BHBLR.
Ce type d'analyse est également possible en laboratoires d'analyses vétérinaires (par spectrophotométrie) mais l'intérêt est moindre du fait du délai alors nécessaire pour obtenir les résultats. Par la suite, les valeurs sanguines de BHB mesurées par spectrophotométrie seront désignées par BHBsp. Il y a une bonne corrélation entre les lecteurs rapides et la méthode de référence par spectrophotométrie tant chez le chien que chez le chat 11 ; même si les lecteurs rapides ont tendance à surestimer légèrement les valeurs réelles de BHB 13. Avec la méthode de référence spectrophotométrique, la corrélation est excellente jusqu'à BHBsp = 4 mmol/l, puis les lecteurs sous-estiment la valeur de BHB, ce qui n'a pas d'impact en pratique (cf. ci-après) 6.
Les lecteurs de BHB sont utilisables sur sang capillaire ou sang veineux, sur sang total ou hépariné mais l'EDTA est à éviter 6.
L'hémolyse ou la vitamine C 10 peuvent être à l'origine d'une diminution des valeurs de BHB mesurées. La valeur de l'hématocrite, en revanche, n'a aucun effet sur ces valeurs 6. Le BHB est stable dans le sérum (plusieurs heures à température ambiante 6, une semaine à 4°C, plus si congelé 3).
Chez un animal sain, les valeurs sanguines de BHB varient si l'animal est à jeun ou non. Plus le jeûne est important, plus la concentration sanguine en BHB augmente.
Chez le chien sain, non à jeun, les valeurs usuelles sont : BHBLR < 0,1 mmol/l 14, mais sur un chien à jeun depuis au moins dix heures, il faut utiliser comme norme : BHBsp < 0,4 mmol/l 15.
Chez le chat sain, non à jeun, les valeurs usuelles sont : BHBLR < 0,1 mmol/l 16), mais sur un chat à jeun depuis douze heures, il faut utiliser comme norme : BHBsp < 0,49 mmol/l 8.
En pratique, la limite de détection des lecteurs rapides de BHB est 0,1 mmol/l 10. Donc, chez un animal sain, non à jeun, BHBLR est indosable car indétectable 17.
Chez un animal présentant un diabète sucré :
- si BHBLR > 3,5 mmol/l chez le chien et > 2,4 mmol/l chez le chat, un DAC est très probable 17 (cf. chapitres ci-après sur le DAC chez le chien et le chat) ;
- mais si BHBLR < 1-2 mmol/l, même si l'animal est cétosique, un DAC est très peu probable 17.
Enfin, lorsque des corps cétoniques sont présents dans le sang, ils le sont généralement également dans les urines. Néanmoins, il peut arriver que la concentration en BHB soit élevée dans le sang et dans les urines sans que la plage « corps cétoniques » de la bandelette urinaire ne soit positive sur les urines (cf. ci-après). Ainsi, le meilleur indicateur de cétonémie chez le chien et le chat est le dosage de BHB sanguin 6 (cf. encadré 1).
LES CAUSES D'AUGMENTATION DE LA CONCENTRATION DES CORPS CÉTONIQUES (CÉTONÉMIE, CÉTONURIE) 3
Chez les carnivores domestiques, l'augmentation de la concentration des corps cétoniques dans l'organisme peut être secondaire soit à un diabète sucré soit à un jeûne (ou une anorexie) prolongé associé ou non à une affection métabolique. Mais des causes physiologiques de cétonémie existent également.
Chez le chien
- Causes physiologiques
Chez le chien, une cétonémie peut être observée en fin de gestation (particulièrement lors de sous-nutrition), lors de lactation (rare) ou lors de course d'endurance 3.
- Lors de de diabète sucré
Chez le chien (comme chez le chat), le DAC est une complication du diabète sucré. Le DAC est généralement associé à la présence d'une affection concomitante. Le pronostic du DAC est réservé et demande une prise en charge adaptée 10.
Si le diabète sucré est associé à une augmentation de la concentration des corps cétoniques sans acidose métabolique associée, on parle de DC ; si une acidose métabolique est également présente, on parle alors de DAC. La grande différence est la prise en charge thérapeutique entre un DC (en ambulatoire et à la maison, généralement l'animal n'ayant pas d'autres signes cliniques que ceux du diabète sucré) et un DAC (en hospitalisation, voire en soins intensifs, avec des coûts très élevés) 18. Lors de DAC chez le chien, les signes cliniques les plus fréquents sont une polyuro-polydypsie (PuPd, dans 80 % des cas), un abattement avec anorexie et vomissements (70 % des cas), une perte de poids (50 % des cas) et de la diarrhée (28 % des cas) 4. La clinique du DAC étant généralement équivoque, son diagnostic repose sur l'association d'une hyperglycémie associée à une glycosurie, à la présence de corps cétoniques associée à une acidose métabolique (à trou anionique augmenté) 18.
Lors de DAC, le manque ou le défaut d'action de l'insuline (seule hormone hypoglycémiante) associé à une augmentation des hormones hyperglycémiantes (glucagon, catécholamines, glucocorticoïdes et hormone de croissance) liée à une affection concomitante, entraine une hyperglycémie 10. Ces hormones hyperglycémiantes augmentent également la lipolyse des acides gras libres en corps cétoniques 10. Lors de DAC, le BHB peut être produit en quantité cinq à dix fois supérieure à celle de l'AcAc, ce ratio pouvant même aller à 20:1 lors d'hypovolémie, d'hypoxie tissulaire ou d'acidose lactique 6. Par conséquent, même la présence légère de corps cétoniques à la bandelette urinaire (sur plasma ou urines) doit être prise en compte 10. Par la suite, lorsqu'une insulinothérapie est initiée, la concentration sanguine en BHB diminue plus rapidement que celle d'AcAc. Chez les carnivores domestiques, les augmentations majeures de la concentration sanguine en BHB sont associées à un DAC.
Lors de DAC, une affection concomitante est présente dans 70 % des cas chez le chien, les affections les plus fréquentes étant la pancréatite aiguë (41 %), les infections du tractus urinaire (20 %), l'hypercorticisme (15 %) 17, le dioestrus associé ou non à un pyo-mètre 18, ainsi que les néoplasies, l'insuffisance rénale, l'insuffisance cardiaque et les pneumonies 4.
Lors de DAC, dans 57 % 4 à 65 % 19 des cas, le chien n'était pas suivi auparavant pour un diabète sucré. L'âge d'apparition est de huit ans en moyenne 19. Le taux de survie varie de 30 % 19 à 70 % 19avec une durée d'hospitalisation de six jours en moyenne 19.
CHEZ LE CHIEN DIABÉTIQUE :
- Avec un lecteur rapide, BHBLR < 2,8 mmol/l permet de conclure qu'un DAC est très peu probable, alors que si BHBLR > 3,5 mmol/l, le DAC est très probable 14.
Une étude récente a montré que lors de DAC chez le chien, la valeur seuil de 2,55 mmol/l de BHBLR a une sensibilité de 100 % et une spécificité de 82 % 27.
- En spectrophotométrie (en laboratoire d'analyses), un DAC est exclu si BHBsp < 1,9 mmol/l (avec une sensibilité de 100 %) et un DAC est confirmé si BHBsp > 4,8 mmol/l (avec une spécificité de 100 %), avec BHBsp = 3,8 mmol/l ayant une sensibilité 72 % et une spécificité de 95 % 18.
CHEZ LE CHIEN DIABÉTIQUE SANS ACIDOSE MÉTABOLIQUE 20:
- si BHBsp < 0,3 mmol/l : pas de DC (avec une sensibilité de 100 %) ;
- si BHBsp > 1,3 mmol/l : DC (avec une spécificité de 100 %).
Le BHB dans le sang est un meilleur indicateur de DC ou de DAC chez le chien diabétique que la plage « corps cétoniques » de la bandelette urinaire sur urines (performance globale de 97 % pour BHB contre 81 % pour la bandelette urinaire) 14.
Le BHB est également un meilleur marqueur de suivi du traitement du DAC que la plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires sur urines ou plasma. En effet, si la prise en charge du DAC est optimale, les valeurs sanguines du BHB diminuent ainsi que l'acidose métabolique mais alors le BHB se transforme en AcAc dont la concentration augmente au départ dans le plasma puis dans les urines, ce qui peut avoir pour conséquence une prolongation inutile du temps (et donc des coûts) d'hospitalisation de l'animal 7.
Désormais, en pratique, un protocole de traitement du DAC chez le chien permet d'avoir recours à des injections d'insuline Lispro (Humalog®) en IM sans avoir besoin d'utiliser des insulines rapides IV (plus chronophages et donc plus coûteuses) et avec des résultats identiques (cf. encadré 2) 20.
- Lors de pancréatite aiguë 15
Chez le chien, lors de pancréatite aiguë, dans 23 % des cas, les valeurs sanguines en BHB, mesurées avec un lecteur rapide, sont supérieures à la limite supérieure de l'intervalle de référence (BHBLR < 0,4 mmol/l, chez des chiens sains à jeun depuis au moins 10 heures). Aucun de ces chiens à pancréatite aiguë ne présentait d'acidémie associée (en moyenne, le pH était égal à 7,41, les normes étant comprises entre 7,35 et 7,45). Ainsi, en pratique, on ne peut pas confondre une pancréatite aiguë avec un DAC chez le chien du fait de la mesure de BHB, l'augmentation n'étant que légère lors de pancréatite aiguë (BHBLR < 1 mmol/l dans 98 % des cas).
- Lors de lymphome multicentrique 21
Une étude a montré que chez le chien présentant une polyadénomégalie avec un diagnostic cytologique ou histologique de lymphome multicentrique (le type et le grade n'étant pas précisés), mais sans signe clinique associé (donc de sous-stade a) et n'ayant reçu aucun traitement (ni corticoïde ni chimiothérapie), la valeur plasmatique du BHB, en spectrophotométrie, était en moyenne de 2,59 mmol/l ; contre 0,77 mmol/l dans le groupe témoin de chiens sains (à jeun depuis 10 à 24h). Une balance énergétique négative est donc fortement suspectée chez les chiens à lymphome multicentrique.
Chez le chat
Chez les chats malades, 27 % présentent une cétonémie 8. Ils présentent alors comme signes cliniques les plus fréquents : une dysorexie ou une anorexie (dans tous les cas), une perte de poids (un tiers des cas), un ictère (un sixième des cas) et une PuPd (un huitième des cas). Les deux affections les plus fréquemment associées à une cétonémie sont le diabète sucré associé ou non à un DAC, et la lipidose hépatique 8.
- Lors de de diabète sucré
Lors de DAC félin, une affection concomitante est présente dans 90 % des cas : une lipidose hépatique, une insuffisance rénale chronique (IRC), une pancréatite aiguë, une infection ou une néoplasie 17. Lors de DAC chez le chat, les signes cliniques sont (du plus fréquent au moins fréquent) : abattement, anorexie/dysorexie, vomissements et hypothermie 9. Le diagnostic d'un DAC repose sur l'association d'une hyperglycémie, d'une glycosurie, d'une fructosaminémie élevée et de la présence de corps cétoniques associée à une acidose métabolique (à trou anionique augmenté). En l'absence d'acidose métabolique associée, on parle comme chez le chien de DC 9.
Lors de suspicion de DAC chez le chat, la plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires utilisée sur plasma est un très bon moyen pour exclure un DAC, contrairement à la même méthode utilisée sur urine : en prenant pour le plasma la plage « ++ » (ou > 4 mmol/l), la sensibilité est de 100 % ; en prenant pour les urines la plage « + » (ou > 1,5 mmol/l), la sensibilité est de 82 %.
En résumé, il y a plus de faux négatifs sur les urines que sur le plasma 9.
En revanche, la plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires utilisée sur urine est un bon moyen pour confirmer un DAC par rapport au plasma : en prenant sur les urines la plage « + » (ou > 1,5 mmol/l), la spécificité est de 95 % ; en prenant pour le plasma la plage « ++ » (ou > 4 mmol/l), la spécificité est de 88 %. En résumé, il y a plus de faux positifs sur le plasma que sur les urines 9.
Cette différence de sensibilité de la bandelette entre plasma et urines s'explique par l'existence d'un seuil d'excrétion rénale pour l'AcAc : la plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires se positive pour des concentrations plasmatiques en AcAc supérieures à 4 mmol/l (soit « ++ » ou plus à la bandelette). Par voie de conséquence, lors d'insuffisance rénale associée à un DAC, les corps cétoniques étant filtrés et réabsorbés par les reins, la bandelette urinaire peut alors se révéler négative 9.
Chez le chat, même si le BHB a une bonne sensibilité pour le diabète sucré (la plupart des chats diabétiques ayant des BHBLR dosables), le dosage de BHB seul ne peut pas suffire au diagnostic de diabète sucré 17. En effet, le BHB a une mauvaise spécificité pour le diabète sucré chez le chat : une grande proportion des chats à lipidose hépatique (cf. ci-après) et ceux diabétiques ont des BHBsp qui se chevauchent, comprises entre 0,5 et 2 mmol/l 8. Par conséquent, le diagnostic de diabète sucré chez le chat doit être confirmé par le dosage de la glycémie et de la fructosamine plasmatique 8.
Lors de DAC félin, deux valeurs seuils peuvent être utilisées avec un lecteur rapide :
- 2,4 mmol/l de BHBLR avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 87 %, qui permet d'exclure un DAC chez le chat 16 ;
- 4,05 mmol/l de BHBLR avec une sensibilité et une spécificité de 100 %, qui permet de confirmer un DAC chez le chat 27.
Ainsi, en pratique, une étude récente propose de définir un DAC chez le chat si BHBLR > 2,55 mmol/l avec clinique évocatrice (vomissements, anorexie, léthargie), hyperglycémie (Glu > 270 mg/dl) et acidose métabolique à trou anionique augmenté 22.
Lors de DAC chez le chat, comme chez le chien, le BHB est un meilleur marqueur diagnostic que la détection des corps cétoniques urinaires 8,9.
Lors de diabète sucré chez le chat, le taux de survie dépend des valeurs sanguines de BHB à l'admission. Le taux de survie est de :
- 100 % si BHBLR < 0,2 mmol/l (donc en l'absence de cétonémie) 16 ;
- 84 % lors de DC (avec des valeurs de BHBLR = 0,2 mmol/l, jusqu'à 6,8 mmol/l, sans acidose métabolique) 16 ;
- 48 % lors de DAC (avec acidose métabolique et BHBLR tous > 3,8 mmol/l) 16.
D'autres études rapportent des taux de survie lors de DAC chez le chat de 80 % 22.
Lors d'insulinothérapie, tout comme chez le chien (cf. ci-dessus), les valeurs sanguines de BHB diminuent bien avant la concentration en AcAc dans le plasma et dans les urines. Pour le suivi thérapeutique des chats à DAC, il faut privilégier la mesure de BHB sanguine à l'utilisation de la plage « corps cétoniques » de la bandelette urinaire 16. Les critères pour juger de l'efficacité de la prise en charge d'un DAC chez le chat (réanimation dont insulinothérapie) sont : une reprise d'appétit et BHBLR < 2,55 mmol/l 22. Alors le dosage des gaz du sang n'est plus nécessaire par la suite, ce qui diminue au final les coûts de la prise en charge. Lors de DAC, la réanimation repose sur la fluidothérapie, la prise en charge des affections concomitantes et l'insulinothérapie. Désormais, un protocole permet d'avoir recours à des injections d'insuline Glargine en SC et en IM sans avoir besoin d'utiliser des insulines rapides IV (plus chronophages et donc plus coûteuses) et avec des résultats identiques (cf. encadré 3) 22.
- Lors de maladie associée à une balance énergétique négative (non associée à un diabète sucré), on peut également observer une cétonémie (plus rarement une cétonurie) 8.
- Lors de lipidose hépatique
Chez le chat, lors de lipidose hépatique, la concentration sanguine en BHB est augmentée dans 73 % des cas (la norme étant BHBsp < 0,11 mmol/l) et peut atteindre 2,78 mmol/l 5. Ainsi chez un chat malade, si BHBsp < 0,54 mmol/l, une lipidose hépatique est peu probable et si BHBsp > 1,08 mmol/l, une lipidose hépatique est très probable 8. Par conséquent, chez le chat, le BHB est un bon marqueur de lipidose hépatique (avec une sensibilité de 85 %) 8
Lors de lipidose hépatique féline, dans 90 % des cas, une affection est associée : cholangites, affections intestinales (maladie inflammatoire chronique intestinale, ...), pancréatite, néoplasies, maladies rénales et diabète sucré 23. Sinon, on parle de lipidose hépatique primaire. Chez le chat, lors d'anorexie ou de diminution drastique de l'apport alimentaire (par défaut d'accès, par refus d'une nouvelle alimentation ou lors de régime trop sévère), la lipidose hépatique peut se mettre en place en une à deux semaines 23. Le foie contient alors 43 % de triglycérides contre 1 % chez un chat sain 23. La L-Carnitine, par voie orale, semble avoir un effet protecteur sur le développement de cétose secondaire à un jeûne chez le chat prédisposé à l'obésité 24.
- Lors d'IRC
Chez le chat, lors d'IRC (stade 2 ou 3), la concentration sanguine en BHB est augmentée dans 21 % des cas mais cette augmentation est faible (BHBsp = 0,3 mmol/l, la norme étant BHBsp < 0,11 mmol/l) 5.
- Lors d'hyperthyroïdie
Chez le chat, lors d'hyperthyroïdie, la concentration sanguine en BHB est augmentée dans 20 % des cas mais cette augmentation est également faible (BHBsp = 0,6 mmol/l, la norme étant BHBsp < 0,11 mmol/l) 5.
Il faut noter qu'aucun de ces chats (en lipidose hépatique ou en IRC ou en hyperthyroïdie) n'avait de corps cétoniques détectables dans leurs urines à la bandelette urinaire.
CONCLUSION
Lors de cétonémie chez le chien et le chat, le meilleur marqueur est le dosage de BHB sanguin. Si ce dosage n'est pas disponible, la plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires peut être utilisée : sa sensibilité est meilleure sur le plasma, et sa spécificité est meilleure sur les urines.
Lors de DAC chez le chien et le chat, le dosage du BHB sanguin est à préférer à la plage « corps cétoniques » des bandelettes urinaires tant pour le diagnostic que pour le suivi du traitement (voir les cas cliniques).
D'autres affections que le diabète sucré peuvent s'accompagner d'une cétonémie : pancréatite aiguë et lymphome multicentrique chez le chien ; lipidose hépatique, insuffisance rénale chronique et hyperthyroïdie chez le chat.