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Le rôle central du vétérinaire sanitaire dans la lutte contre la rage

© D.R.

Henri TOUBOUL

Formateur SNGTV dans le cadre de la formation des vétérinaires sanitaires sur la rage et I-Cad

Santé publique

Le récent cas de rage canine de Courcouronnes prouve l'efficacité de l'organisation de la surveillance de la rage sur notre territoire, d'autant plus difficile en raison de la rareté des cas. Le vétérinaire sanitaire joue un rôle capital dans la lutte contre cette zoonose. Il est utile de rappeler les principes de la prévention et de la surveillance de la rage. La validité de la vaccination dépend du vaccin utilisé. Il est donc fondamental de bien connaître les RCP.

La France est officiellement indemne de rage (hormis la rage des chiroptères) depuis 2001 malgré la découverte d'un nouveau cas de rage le 27 octobre dernier dans un refuge de Courcouronnes, en région parisienne, grâce à la vigilance d'un de nos confrères qui a émis la suspicion de rage (DV n° 1637). Voilà donc l'occasion de se remémorer le rôle du vétérinaire sanitaire dans la lutte contre la rage.

Le vétérinaire prévient, surveille, détecte et informe.

La prévention débute avec la vaccination des carnivores. Nous vous rappelons qu'au préalable, l'animal doit être identifié et que, en cas de vaccination contre la rage, un passeport lui est attribué. Le vétérinaire indique, le jour de la création de celui-ci, si l'identification est lue ce même jour ou s'il s'agit d'une première identification.

La validité de la vaccination dépend du vaccin utilisé. Il est donc fondamental de bien connaître les RCP (résumés des caractéristiques produits) des vaccins qui sont dans nos réfrigérateurs.

La durée de vaccination varie selon les espèces

Pour la majorité d'entre eux, l'âge minimal pour la primovaccination est de 12 semaines mais attention, pour certains, elle est de 3 mois. De même, pour la majorité des vaccins, l'immunité est acquise 21 jours après cette première injection mais, pour certains, elle n'apparaît qu'après 4 semaines selon le RCP.

Quant à la durée de validité de la vaccination, elle varie selon les espèces. Un vaccin peut avoir une primovaccination valable 3 ans pour un chien quand elle n'est que de 1 an chez le chat.

Il faut signaler ici une procédure que de nombreux vétérinaires méconnaissent. Lorsque le rappel antirabique est réalisé avec un vaccin différent de celui utilisé lors de la vaccination précédente, ce rappel (même s'il est effectué avant la fin de validité de la précédente) est considéré par notre ministère de tutelle comme une primovaccination, donc valable au mieux 21 jours plus tard et si un titrage d'anticorps avait été valablement réalisé, il doit être de nouveau dosé 30 jours plus tard.

Nous répétons donc qu'il est très important de relire les RCP de ces produits. N'oublions pas aussi que cette vaccination n'est valable que reportée sur le passeport et que seul un vétérinaire européen peut certifier cette vaccination. De plus, en France, ce vétérinaire doit avoir obtenu son habilitation sanitaire.

Rendre infalsifiable la vignette

La vignette doit être rendue infalsifiable par l'apposition d'un scotch sur celle-ci. Enfin, il faut reporter le numéro de passeport lors de sa délivrance sur un registre.

La prévention passe aussi par un titrage d'anticorps antirabiques (qui doit être supérieur à 0,5 UI/ml de sang) pour les chiens qui voyagent à l'étranger. Il est exigé par certains pays et, surtout, pour revenir des pays hors Union européenne, hormis ceux dits à rage maîtrisée comme le Royaume-Uni, la Russie... La liste de ces pays se trouve sur le site du ministère de l'Agriculture « Gare à la rage » ainsi que la liste des laboratoires agréés pour réaliser ce titrage.

Le sang doit être prélevé au moins 30 jours après la vaccination antirabique mais il ne faut pas attendre trop longtemps après cette date car chez certains animaux, le taux d'anticorps chute rapidement. Le résultat du titrage est reporté sur le passeport.

Enfin, il est nécessaire de conseiller aux propriétaires du carnivore de réaliser ce test avant de partir car, la France étant indemne de rage, le titrage est valable dès réception du résultat. S'il est effectué à l'étranger dans un pays où la rage sévit encore, il faudra attendre 3 mois après le titrage pour voyager afin d'être certain que les anticorps sont bien d'origine vaccinale et non dus à un virus sauvage.

Repérer les importations non conformes

La détection consiste en deux actions distinctes : repérer les importations non conformes et déclarer la suspicion de la rage dont les symptômes polymorphes ne sont pas toujours pathognomoniques. Tout est rage et rien n'est rage !

Concernant les animaux introduits sur le territoire, il faut les enregistrer dans le fichier national d'identification des carnivores domestiques (I-Cad) s'ils séjournent plus de 3 mois sur notre territoire. Le vétérinaire recherche alors si l'animal vient d'un pays de l'Union européenne (on parle alors d'échange intracommunautaire) ou s'il est importé d'un pays hors Union.

De plus, il faut savoir si cette introduction est ou non commerciale. Elle l'est lorsqu'elle concerne plus de 5 animaux (sauf dérogation comme une exposition ou une compétition...) et s'il y a changement de détenteur. C'est le cas lorsque le nom du propriétaire qui demande l'enregistrement dans le fichier national est différent du nom indiqué sur le passeport ou le certificat sanitaire qui accompagne l'animal.

Les documents nécessaires lors de l'enregistrement du carnivore seront différents selon le type d'introduction. L'interface d'I-Cad facilite cette démarche en demandant les documents réglementaires pour l'introduction. I-Cad peut aussi détecter les non conformités comme par exemple une vaccination antirabique non valide.

Connaître les modalités de la surveillance

La DDPP* du département du détenteur est directement avertie de la non conformité par un courriel d'I-Cad mais nous ne saurions trop conseiller au vétérinaire de contacter directement le responsable du service santé et protection animales de celle-ci afin d'exposer de vive voix les faits relatifs à une introduction non conforme. Il faut recueillir un maximum d'informations sur l'animal, son détenteur et le type d'introduction sur notre territoire.

C'est à partir de ces éléments que la DDPP prend (ou non) un APMS (arrêté préfectoral de mise sous surveillance) de l'animal introduit illégalement avec les conditions de cette surveillance ad hoc.

Sachez toutefois qu'elle peut durer jusqu'à 6 mois durant lesquels l'animal est présenté au vétérinaire sanitaire à 4 reprises, à 1 mois puis 2, 3 et 6 mois après l'introduction. Afin de remettre l'animal en conformité, il sera vacciné contre la rage à la dernière visite (il est interdit de procéder à une vaccination antirabique pendant la mise sous surveillance). L'enregistrement des visites sanitaires est grandement facilité lorsqu'il est réalisé via le site d'I-Cad. Le résultat de cette surveillance est directement envoyé par I-Cad à la DDPP.

Le vétérinaire intègre la rage dans son diagnostic différentiel lorsque le carnivore présente des symptômes évocateurs qui ne peuvent être reliés de façon certaine à une autre affection. C'est le cas notamment lors d'encéphalomyélite inexpliquée, de troubles du comportement, d'aggravation de ces symptômes qui ne rétrocèdent pas mais aussi lors de mort subite inexpliquée.

La rage n'entraîne jamais d'amélioration, toujours une aggravation rapide. Certains éléments comme l'importation de l'animal depuis un pays où la rage sévit, une absence de vaccination antirabique... sont autant d'éléments de renforcement de suspicion de rage.

Seconde visite : 7 jours après la morsure

Enfin, le seul diagnostic de certitude est l'analyse du cerveau par l'institut Pasteur (en cas de personnes mordues) ou l'Anses** de Nancy. Dans tous ces cas, il faut dialoguer avec la DDPP du lieu de détention de l'animal afin de prendre rapidement la décision adaptée à la suspicion.

La surveillance par le vétérinaire sanitaire concerne aussi les carnivores mordeurs et/ou griffeurs. Nous rappelons ici que la France étant officiellement indemne de rage, cette surveillance ne concerne que les animaux ayant mordu ou griffé un humain. Le but est de détecter le plus rapidement possible des symptômes compatibles avec la rage car si l'humain mordu est traité précocement (on parle de prophylaxie post-exposition), il ne développera pas la rage alors que, malheureusement, s'il présente les symptômes de la maladie, sa guérison sera alors impossible.

Le Code rural stipule que tout animal domestique (dont le chien et le chat surtout, vaccinés contre la rage ou non) qui mord ou griffe une personne doit être placé par son détenteur (et à ses frais) sous surveillance par le même vétérinaire sanitaire pendant une période de 15 jours. Durant cette période, l'animal mordeur ou griffeur consultera à 3 reprises le vétérinaire sanitaire responsable de la surveillance dans les 24 heures, 7 jours et enfin 15 jours après la morsure.

La seconde visite est réalisée 7 jours après la morsure et non 7 jours après la première visite car il a été démontré que si le carnivore ne présente aucun symptôme de rage dans les 7 jours suivant la morsure, il n'était très probablement pas excréteur du virus rabique au moment de la morsure (ou griffure). Cependant, on préfère assurer une surveillance durant 15 jours après celle-ci afin d'être certain de l'absence d'excrétion.

Surveillance facilitée par I-Cad

A l'issue de chaque visite, le vétérinaire remet au détenteur trois exemplaires du certificat de surveillance (un pour lui, un pour la personne mordue, un pour l'autorité investie des pouvoirs de police qui a été informé des faits : le maire, la gendarmerie).

Le détenteur de l'animal doit maintenir son chien à l'attache, ne pas laisser divaguer son chat, les promener en laisse... Il doit aussi informer au plus vite le vétérinaire d'une fugue, d'apparition de symptômes ou de la mort de l'animal. Il a interdiction de se dessaisir de son animal ou de le faire euthanasier sans l'autorisation du directeur des services vétérinaires. Évidemment, comme pour toute surveillance sanitaire de la rage, il est interdit de vacciner l'animal contre cette maladie au cours de la période de surveillance.

Enfin, le propriétaire d'un chien ayant mordu un humain a aussi l'obligation de soumettre son chien à une évaluation comportementale pendant le délai de surveillance sanitaire vétérinaire. Tout professionnel dans l'exercice de ses fonctions (vétérinaire, médecin, gendarme...) doit prévenir le maire de la commune de détention de l'animal mordeur. Là encore, l'enregistrement de cette surveillance est grandement facilité lorsqu'il est réalisé via le portail I-Cad, qui permet aussi l'édition des certificats sanitaires et envoie directement ceux-ci à la DDPP.

Informer sur le risque de rage à l'étranger

Dans toute situation, lors d'euthanasie ou décès d'un animal, le vétérinaire s'assure que celui-ci n'a pas mordu ou griffé une personne dans les 15 jours précédant la mort ou l'apparition des symptômes et le conseil est de faire signer un document au propriétaire certifiant cette absence de morsure/griffure et dégageant ainsi la responsabilité du vétérinaire.

Le vétérinaire peut aussi informer sur le risque de rage dans le pays de destination des propriétaires qui voyagent, même sans leur animal, et donner les recommandations associées, comme par exemple de ne pas laisser les enfants s'approcher des animaux errants.

Pour cela, il peut s'appuyer sur différents supports Internet comme « Gare à la rage » du ministère de l'Agriculture, Anivetvoyage, I-Cad et enfin les sites des ambassades des pays de destination. Nous devons rendre hommage à tous nos confrères qui ont découvert des cas d'animaux enragés et aux services de l'Etat qui les ont gérés.

Le dernier cas de Courcouronnes prouve l'efficacité de l'organisation de la surveillance de la rage sur notre territoire. C'est d'autant plus difficile en raison de la rareté de ces cas mais leur grande dangerosité l'impose. Cette surveillance a permis de détecter précocement ces animaux et ainsi d'éviter une contamination par morsure ou griffure d'un humain en France métropolitaine, où aucun cas de rage autochtone n'a été recensé depuis 1924.

Penser aux chiroptères

Le vétérinaire doit aussi penser à la rage lors du contact entre un animal ou un humain avec une chauve-souris. La rage des chiroptères, due à un Lyssavirus différent de celui de la rage des carnivores, peut aussi contaminer des carnivores : les vétérinaires ont détecté plusieurs cas de rage sur notre territoire sur des chats qui ne sortaient pas mais qui se sont contaminés dans des greniers (lire DV n° 1530).

A l'automne 2020, le Centre national de référence de la rage a confirmé que le décès suite à une encéphalite, en août 2019, d'un patient hospitalisé au CHU de Limoges était lié à la transmission du virus de la rage par une chauve-souris (lire DV n° 1557). Même s'il s'agit d'un cas exceptionnel, il faut y penser !

Pour en savoir plus, nous vous conseillons d'assister aux formations à l'habilitation sanitaire, proposées dans tous les départements par les DDPP et les OVVT***, présentées par un binôme vétérinaire praticien et représentant du ministère de l'Agriculture et ouvertes à tous les vétérinaires sanitaires.

Deux formations s'intéressent à la rage : « Carnivores domestiques : la rage et vous » et « Utilisation d'I-Cad dans le cadre d'importation illégale de carnivores domestiques et de la gestion des animaux mordeurs ou griffeurs ».

* DDPP : Direction départementale de la protection des populations.

** Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

*** OVVT : organisme vétérinaire à vocation technique.


Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1643

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