Le prurit de la dermatite atopique canine responsable de troubles du comportement ?
Mercredi 30 Septembre 2020 Animaux de compagnie 37361Tests d'allergie positifs. La dermatite atopique canine est le plus souvent associée à une réaction allergique vis-à-vis d'allergènes de l'environnement.
© E. Bensignor
Emmanuel BENSIGNOR
Spécialiste en dermatologie
Consultant à Cesson-Sévigné (35510), Paris (75003) et Nantes (44000)
Dermatologie
La dermatite atopique canine est une maladie d'origine génétique très fréquente en consultation spécialisée de dermatologie vétérinaire. Une étude, publiée en 2019, a montré une corrélation entre la sévérité du prurit et une augmentation de certains comportements anormaux. Ces éléments suggèrent l'intervention d'un stress chronique de faible intensité et les auteurs proposent que la prise en charge de ce paramètre fasse partie intégrante de la gestion du prurit associé à la DAC.
Des troubles du comportement seraient souvent associés au prurit de la dermatite atopique canine (DAC), selon une étude* publiée en 2019.
Pour rappel, la dermatite atopique canine est une dermatite inflammatoire prurigineuse d'origine génétique, le plus souvent associée à une réaction allergique vis-à-vis d'allergènes de l'environnement.
Il s'agit d'un motif extrêmement fréquent de consultation en dermatologie vétérinaire : à notre consultation spécialisée, elle représente environ 70 % des diagnostics.
Il s'agit d'une maladie multifactorielle dont la pathogénie fait intervenir à la fois un défaut de la barrière cutanée ( « xérose » ), un état inflammatoire chronique lié aux lymphocytes T et une réaction allergique aux aéro-allergènes.
Diminution de la qualité de vie
Plusieurs études ont clairement démontré une diminution de la qualité de vie chez les chiens atteints mais également chez leurs propriétaires.
Chez l'Homme, l' « eczéma » est une maladie très semblable, pour laquelle il a été mis en évidence un rôle important du stress, voire des troubles comportementaux liés au prurit chronique.
Chez le chien, peu d'études se sont intéressées à cet aspect « psychologique » de la dermatite atopique.
Dans cette étude anglaise, les auteurs ont comparé deux groupes de chiens (343 atopiques et 552 contrôles sains) pour déterminer si la présence d'une dermatite atopique était plus souvent associée à des anomalies comportementales ou non.
Un score spécifique (C-BARQ) a été calculé pour chaque cas, correspondant à une série de 100 questions cotées sur une échelle allant de 0 à 5, en fonction de l'intensité et de la fréquence de l'anomalie détectée. Quelques exemples de questions sont rapportés dans le tableau.
Mastication, hyperactivité, coprophagie
Les résultats observés montrent clairement une corrélation entre la sévérité du prurit et une augmentation de certains comportements anormaux : mastication, hyperactivité, coprophagie, polyphagie, demande accrue d'attention, excitabilité, facilité de dressage.
Ces éléments suggèrent l'intervention d'un stress chronique de faible intensité et les auteurs proposent que la prise en charge de ce paramètre fasse partie intégrante de la gestion du prurit associé à la DAC.
Ils suspectent également qu'à terme, des troubles obsessionnels compulsifs puissent apparaître. Toutefois, il est difficile de déterminer si les anomalies comportementales rapportées ici sont primitives (par exemple, des chiens présentant des troubles du comportement seraient prédisposés à la DAC) ou secondaires au prurit engendré par la DAC.
Dans notre expérience, la plupart des dermatoses prurigineuses, allergiques ou non, peuvent s'accompagner dans les stades chroniques et/ou sévères d'altérations du comportement : la seconde hypothèse est donc plutôt à privilégier.
Si tel est le cas, la prise en charge comportementale ne serait donc qu'un traitement additionnel plutôt qu'une réelle thérapeutique étiologique.
Il serait, dans ce contexte, intéressant de déterminer si les chiens atopiques traités conventionnellement (par exemple avec le lokivetmab, l'oclacitinib ou la ciclosporine) retrouvent un état psychologique normal une fois leur dermatite atopique gérée, sans avoir recours à des thérapeutiques comportementales.
Des études supplémentaires sont donc nécessaires : il reste beaucoup à chercher (et à trouver). ■
* Harvey ND et al. Behavioural differences in dogs with atopic dermatitis suggest stress could be a significant problem associated with chronic pruritus Animals, 2019 ; 9, 813.