Le dosage de la SDMA intéressant pour le diagnostic et la gestion de la maladie rénale chronique

Le sacré de Birmanie est une race prédisposée aux lithiases du haut appareil urinaire.

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Cécile LEFEBVRE

Marqueur

Nouveau marqueur de la fonction rénale, la SDMA (diméthylarginine symétrique) est un outil appréciable dans le diagnostic et le suivi thérapeutique du patient atteint de maladie rénale chronique. Marqueur précoce intéressant, il ne doit cependant pas être interprété isolément mais dans un contexte global.

Plusieurs confrères ont été réunis à Nantes grâce au laboratoire Idexx, le 2 juin, pour une série de conférences sur l'apport de la SDMA (diméthylarginine symétrique) dans la prise en charge des maladies rénales. Notre consoeur Christelle Maurey, maître de conférences à l'école vétérinaire d'Alfort, a précisé l'apport du dosage de la SDMA dans le diagnostic et la gestion de la maladie rénale chronique (MRC).

Généralités sur la MRC

Le terme MRC est utilisé depuis quelques années et doit être différencié de l'insuffisance rénale chronique (IRC, dépistable facilement par prise de sang).

En effet, dans les cas de MRC, des lésions du rein peuvent être présentes sans que des modifications de la fonction rénale ne soient observées.

Ce sont ces MRC, qui n'ont pas encore évolué en IRC, qu'il est nécessaire de dépister précocement. En termes de classification IRIS, il s'agit d'animaux au stade 1, ayant une MRC débutante sans azotémie.

L'IRC correspond à une baisse du débit de filtration glomérulaire. Il s'agit d'une maladie évolutive. Il n'est donc pas toujours évident de connaître la lésion primitive, en raison des mécanismes adaptatifs compensateurs, qui provoquent des lésions de fibrose interstitielle. La lésion primaire n'est donc pas fréquemment identifiée (dans 16 à 50 % des cas selon les études).

De très nombreuses lésions sont possibles (glomérulonéphrite, amyloïdose, pyélonéphrite chronique, néoplasie, néphrocalcinose, hydronéphrose, maladie familiale, cicatrisation défaillante d'une IRA, néphrite granulomateuse...).

Certaines de ces maladies sont facilement identifiables par imagerie ou par la présence de marqueurs biologiques. La protéinurie, si elle est importante (PU/CU {>}2), persistante et d'origine rénale, suggère la présence d'une glomérulopathie.

Cependant, la cause la plus commune chez le chat est la néphropathie tubulo-interstitielle, pour l'instant toujours considérée comme idiopathique, et associée à un vieillissement précoce du rein.

Elle est surtout amorphe, non spécifique et associe des lésions interstitielles (fibrose, inflammation, minéralisation), tubulaires (dilatation, atrophie) et/ou glomérulaires (expansion mésangiale, glomérulosclérose). Les sédiments urinaires associés sont passifs, peu protéinuriques.

A l'échographie, les reins sont parfois petits et fibrotiques.

Dans ce contexte, c'est un marqueur fonctionnel et non lésionnel qui va paradoxalement permettre plus facilement le diagnostic de cette lésion.

Le diagnostic de MRC peut donc être :

- lésionnel : épidémiologie (races prédisposées : bull-terrier et glomérulopathie par exemple), clinique (asymétrie ou néphromégalie lors de la palpation rénale), test génétique, mais surtout examens complémentaires : protéinurie, marqueurs tubulaires (glucosurie sans hyperglycémie), imagerie (échographie mais aussi radiographie, à ne pas négliger pour la visualisation des calculs), examen histologique (biopsie) ;

- fonctionnel : mesure du débit de filtration glomérulaire, baisse de la densité urinaire, fractions d'excrétion, marqueurs statiques : urée, créatinine, SDMA.

Présentation de la SDMA

La SDMA dérive de la méthylation des protéines et est quasiment exclusivement éliminée par excrétion rénale, constituant donc un très bon marqueur de la fonction rénale. 

Les études ont prouvé une bonne corrélation au débit de filtration glomérulaire et à la créatininémie, chez le chien comme chez le chat. Il s'agit également d'un marqueur précoce, avec des durées de précocité variant selon les publications, mais généralement de plusieurs mois par rapport à l'élévation de la créatinine.

Exemple d'utilisation de la SDMA lors de MRC

- SDMA et dépistage de MRC dans un contexte de prédisposition raciale

Le sacré de Birmanie et le ragdoll sont des races prédisposées aux lithiases du haut appareil urinaire, et de façon générale aux néphropathies tubulo-interstitielles. Comment dépister une éventuelle MRC débutante chez un chat asymptomatique de cette race ?

L'examen clinique n'est malheureusement que peu sensible. Une asymétrie rénale ou une néphromégalie ne sera mise en évidence que dans 30 % des cas à la palpation. C'est cependant un examen spécifique car lorsqu'une anomalie est palpée, elle est fréquemment confirmée par les examens d'imagerie.

La densité urinaire peut se révéler frustrante chez le chat. En effet, sur les stades 2 à 4 de la classification IRIS, il y a effectivement une baisse de la densité urinaire, qui est alors inférieure à 1.035. Cependant, sur un stade 1, il est fréquent d'avoir des densités urinaires à 1 040 ou 1 045.

A noter que ce n'est pas le cas chez le chien, chez qui la baisse de densité et la PUPD (polyuro-polydypsie) sont souvent très précoces et peuvent apparaître longtemps avant l'élévation des paramètres rénaux.

La perte de la capacité à concentrer les urines en cas de MRC est donc plus tardive chez le chat que chez le chien, ce qui fait de la densité urinaire chez le chat un mauvais marqueur précoce de MRC.

Des études ont prouvé que la valeur physiologique de créatininémie chez des chats sains variait selon la race, et était plus élevée par exemple chez le birman ou le ragdoll. Ainsi, une créatinine à 22 mg/l chez un chat de ces races pourrait être tout à fait physiologique et n'est pas nécessairement un indicateur de MRC débutante.

L'imagerie permet souvent de visualiser des anomalies de taille et de structure, ainsi que la présence d'éventuelles lithiases.

Qu'en est-il de la SDMA dans ce contexte ? Permet-elle de diagnostiquer plus précocement ces calculs rénaux ?

Une étude rétrospective s'est attachée à comparer l'augmentation de la SDMA et celle de la créatininémie chez des chats atteints de lithiases rénales.

La créatininémie s'est révélée augmentée dans 17 à 31 % des cas, la SDMA était augmentée dans 74 à 92 % des cas. Le temps moyen d'élévation de la SDMA par rapport à la créatininémie était de 33 mois dans cette étude.

Une SDMA augmentée alors que la créatinine reste normale peut donc être un indicateur d'une MRC débutante et doit inciter à réaliser des examens complémentaires, en particulier d'imagerie.

Il sera aussi recommandé de doser le calcium ionisé, une hypercalcémie (le plus souvent idiopathique) étant associée dans environ 30 % des lithiases du haut appareil urinaire (qui sont des lithiases calciques dans presque 90 % des cas).

Des questions se posent cependant concernant les facteurs de variation de la SDMA.

Ainsi, de récentes études se sont intéressé aux variations raciales de la SDMA. Une étude de 2017* chez des birmans sains (à l'imagerie), montre que la SDMA est légèrement plus élevée dans cette race que chez le chat sain mais avec des variations beaucoup moins importantes que pour la créatininémie. Une élévation modérée de la SDMA dans cette race doit donc être analysée avec prudence et peut être physiologique.

Se pose aussi la question de la variabilité analytique. Il a ainsi été prouvé sur des mesures répétées d'un même échantillon, sur le même analyseur, que des variations de 1 microg/dl étaient possibles dans 43, 8 % des cas, et des variations de 2 microg/dl, dans 20,8 % des cas (les élévations supérieures étaient beaucoup plus rares).

Une élévation de la SDMA de quelques points au-dessus de la valeur de référence doit donc également être interprétée avec prudence.

Il n'y aurait cependant a priori pas d'effet du stress sur la SDMA. L'anesthésie, en revanche, en baissant le débit de filtration glomérulaire, provoque une légère augmentation de la SDMA : il est donc nécessaire de faire la prise de sang immédiatement après l'anesthésie. Dans ce cas il n'y a pas de variation.

Si dans ce contexte de prédisposition raciale la SDMA se révèle un marqueur précoce intéressant, il convient de ne jamais l'interpréter isolément mais dans un contexte global et avec l'appui d'autres examens complémentaires, en particulier d'imagerie.

- SDMA et gestion thérapeutique lors de MRC

Lors de MRC avec forte protéinurie, il est impératif d'essayer de faire baisser celle-ci avec comme objectif, d'après les recommandations, d'obtenir un PU/CU < 0,5 (PU/CU : protéine urinaire/créatinine urinaire) ou de faire baisser ce ratio d'au minimum 50 % (ce qui n'est pas toujours évident à atteindre).

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IECA) sont un des moyens thérapeutiques à disposition (avec une escalade de dose de 0,5 à 2 mg/kg/j). Il faudra cependant vérifier l'impact positif sur le RPCU, l'absence d'augmentation de la créatininémie de plus de 30 %, l'absence d'augmentation du potassium et enfin l'absence d'hypotension. Les sartan peuvent également être utilisés.

L'alimentation de soutien rénal est également une possibilité de traitement. S'il existe un consensus sur ses bienfaits sur les stades IRIS 2, 3 et 4 (avec une réduction de la mortalité et des crises urémiques), ce n'est pas aussi clairement le cas sur le stade 1.

Expérimentalement, sur les stades 1 avec protéinurie, l'utilisation d'une alimentation spécifique a permis de faire baisser la protéinurie en comparaison avec une alimentation de maintenance.

Dans les cas des stades 1 sans protéinurie, les études étaient rares avant l'utilisation des marqueurs précoces comme la SDMA. Depuis, certaines études ont montré un intérêt de l'alimentation de soutien rénal y compris dans ces MRC très débutantes, avec une baisse sur un an de la créatininémie et de la SDMA. Cependant, il n'y a pas à l'heure actuelle de preuve de l'impact de l'utilisation précoce de cette alimentation sur l'espérance de vie des animaux atteints de MRC en stade 1 sans protéinurie.

Le diagnostic précoce d'une MRC grâce à la SDMA permet donc une prise en charge thérapeutique la plus précoce possible de la maladie rénale.

La SDMA permet aussi d'évaluer rapidement les effets iatrogènes de certains traitements chroniques (exemple : phénylpropanolamine, diurétique...) et donc de les adapter. Une augmentation de la SDMA suite à la mise en place d'un traitement potentiellement néphrotoxique doit alerter.

Il convient cependant de noter qu'une étude récente indique qu'il existe chez le chien une variation analytique de 1,34 microg/dl, donc toute variation reste à interpréter dans un contexte global.

Enfin, dans le cadre du suivi sur le long cours d'un animal atteint de MRC, la SDMA présente un réel intérêt par rapport à la créatinine : elle n'est pas affectée par la masse musculaire. Les animaux ayant souvent tendance à perdre de la masse musculaire au fur et à mesure de l'évolution de la MRC, avoir un marqueur dont la mesure est indépendante de cette masse musculaire se révèle extrêmement intéressant.

Ainsi, sur un animal atteint de MRC s'amyotrophiant, une baisse de créatinémie pourrait, à tort, être interprétée comme une réponse positive au traitement.

Le dosage de la SDMA peut permettre dans ce contexte un suivi plus pertinent de la MRC et va même parfois aboutir à un reclassement IRIS du patient : un animal classé stade 2 d'après sa créatininémie mais en fonte musculaire pourrait être reclassé en stade 3 si sa SDMA est supérieure à 25 microg/dl.

Conclusion

La SDMA est un nouveau marqueur de la fonction rénale, précoce, indépendant de la masse musculaire, qui est un outil très appréciable dans le diagnostic et le suivi thérapeutique du patient atteint de MRC, y compris lors de stade très débutant.

Il reste cependant de très nombreux éléments à découvrir et son interprétation devra toujours être réalisée dans un contexte clinique et paraclinique global.

* Paltrinieri S. et al, 2017 : Serum symmetric dimethylarginine and creatinine in Birman cats compared with cats of other breeds. J Feline Med Surg.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1460

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