« Le Conseil d'Etat fait une lecture du droit structurante pour la profession », selon l'Ordre des vétérinaires

Structurer et responsabiliser sont finalement les deux maîtres mots des décisions du Conseil d'Etat, explique l'Ordre.

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Exercice

Les décisions du Conseil d'Etat du 10 juillet sur les radiations de sociétés rachetées par des groupes vétérinaires étaient très attendues pas le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires qui a prononcé ces sanctions. Interrogé le jour même, celui-ci nous a fait parvenir ses commentaires que nous publions intégralement ci-dessous. Le Conseil d'Etat ayant confirmé les décisions rendues, l'Ordre des vétérinaires a déclaré qu'il procéderait rapidement à la notification de radiation des quatre sociétés d'exercice vétérinaire dont l'effectivité était prévue huit jours après réception de la notification. Il nous a confirmé, par la suite, le 21 août, que ces notifications avaient été effectuées par les Conseil régionaux ordinaux concernés.

« En confirmant la radiation administrative de quatre sociétés d'exercice vétérinaire pour non conformité aux obligations auxquelles la loi subordonne l'exercice, par une société, de la médecine et la chirurgie des animaux en France, le Conseil d'Etat fait une lecture du droit structurante pour la profession vétérinaire et certainement au-delà pour les professions de santé », a réagi, à la suite des décisions du Conseil d'Etat du 10 juillet, notre confrère Jacques Guérin, président du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, dans la revue de l'Ordre des vétérinaires d'août. « Structurer et responsabiliser sont finalement les deux maîtres mots de ces quatre décisions majeures du Conseil d'Etat que je vous encourage vivement à lire », conclut-il dans son éditorial.

Le jour même de la parution de ces décisions, l'Ordre nous avait fait parvenir les commentaires suivants que nous reproduisons intégralement et dans lesquels il admet que le Conseil d'Etat ne l'a pas suivi dans la totalité de ses raisonnements, notamment sur la question des conflits d'intérêt entre certaines sociétés et les géants de l'agro-alimentaire Mars et Nestlé :

« - Le Conseil d'Etat suit les arguments exposés par l'Ordre des vétérinaires quant à l'interprétation de l'article L 241-17 II 1° par lequel la majorité du capital et des droits de vote doit être détenue par les vétérinaires en exercice au sein des sociétés d'exercice vétérinaire et garantie tant par les dispositions statutaires que dans la réalité des faits.

Autrement dit, le pacte d'associés ou les conventions ne peuvent pas, par des mécanismes de contournement, défaire ce que la loi oblige sans aliéner l'indépendance professionnelle des vétérinaires.

- Le Conseil d'Etat affirme la conformité de l'article L 241-17 du Code rural au droit européen sans qu'il soit nécessaire de porter le débat devant la Cour de justice de l'Union européenne.

- Le Conseil d'Etat considère que l'indépendance professionnelle des vétérinaires ne se résume pas à la seule indépendance dans la réalisation des actes techniques de médecine, de chirurgie ou de pharmacie vétérinaire.

- Le Conseil d'Etat ne suit pas le raisonnement tenu par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires sur la question des conflits d'intérêt considérant que le Conseil national n'a pas sérieusement contredit la société d'investissement lorsqu'elle soutient ne fournir que des « services supports » à destination des sociétés d'exercice vétérinaire ; et considérant d'autre part que les sociétés qui fabriquent et commercialisent des aliments pour animaux, dont la délivrance est une activité accessoire à l'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux visée aux a) et b) du 2° du II de l'article
L 241-17, n'est pas de nature à interdire à la société d'investissement d'être au capital de la société d'exercice vétérinaire.

Pour autant, le Conseil d'Etat conclut que la méconnaissance des dispositions du 1° du II de l'article L 241-17 justifie à elle seule la mesure de radiation prise.

Enfin, la décision du Conseil d'Etat relative à la décision de la Chambre nationale de discipline est remarquable dès lors qu'elle précise la notion de vétérinaire en exercice au sein d'un domicile professionnel d'exercice. Certes l'appel du président du Conseil national concernant les sociétés d'exercice vétérinaires est rejeté sous couvert d'être insuffisamment motivé ; mais là n'est pas l'essentiel de la décision.

L'attention des vétérinaires est attirée sur ce passage de la décision : «  Enfin, si ces dispositions n'édictent aucune limitation expresse du nombre de domiciles professionnels d'exerce que peut déclarer une société d'exercice vétérinaire libéral, elles ne sauraient permettre aux associés d'une telle société, dont l'objet (..) est l'exercice en commun, par ces associés, de la profession de vétérinaire au sein des domiciles professionnels d'exercice déclarés par leur société, de déléguer de façon permanente, en méconnaissance des dispositions de l'article R 242-66 du même code, la gestion d'un domicile professionnel d'exercice à un vétérinaire salarié ou collaborateur libéral. Il découle ainsi de l'ensemble de ces dispositions qu'une société d'exercice libéral doit justifier qu'au moins un de ses associés exerce, au minimum à temps partiel, dans chacun de ses domiciles professionnels d'exercice ».

Au surplus, le Conseil d'Etat renchérit en précisant que :  « l'obligation pour une société d'exercice libéral de justifier qu'au moins l'un des associés vétérinaires exerce de manière effective, au minimum à temps partiel, au sein de chacun de ses domiciles professionnels, outre qu'elle est inhérente à l'objet même d'une telle société (..), a pour objet et pour effet de réduire les risques qu'une telle société adopte des stratégies économiques, animées essentiellement par un objectif de rentabilité, susceptibles de porter atteinte à l'objectif de protection de la santé publique et de la santé animale et d'assurer l'effectivité du respect, par la société et par l'ensemble des vétérinaires qui exercent en son sein, des obligations déontologiques qui régissent l'exercice de la profession vétérinaire, en particulier l'interdiction, énoncée au XVIII de l'article R 242-33 du CRPM, de pratiquer la profession vétérinaire comme un commerce ou de privilégier l'intérêt du vétérinaire ou de la société par rapport à celui des clients ou des animaux qui sont pris en charge, ce dont doivent s'assurer personnellement les vétérinaires associés sous peine de voir leur propre responsabilité disciplinaire engagée ».

Le Conseil d'Etat ayant confirmé les décisions rendues, l'Ordre des vétérinaires procédera rapidement à la notification de radiation des quatre sociétés d'exercice vétérinaire dont l'effectivité est prévue huit jours après réception de la notification. L'interdiction d'exercice vétérinaire vaut pour les sociétés d'exercice vétérinaire. Elle ne concerne pas les vétérinaires en exercice en son sein sauf à considérer qu'ils ne peuvent exercer sous couvert d'une société d'exercice vétérinaire radiée sous peine de contrevenir à leur Code de déontologie.

L'objet des démarches engagées par l'Ordre des vétérinaires depuis plus de cinq années n'est pas de fermer des sociétés d'exercice vétérinaire, ni des établissements de soins vétérinaires, mais bien que l'ensemble des vétérinaires, personnes physiques et personnes morales, inscrits au tableau de l'Ordre respectent les lois et les règlements applicables en France à la profession réglementée de vétérinaire. »

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1672

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