La leptospirose canine : peut-on encore choisir un vaccin ?
Samedi 19 Octobre 2019 Médecine préventive 34283Incidence de la leptospirose canine en Suisse (conférence Thierry Francey, congrès ECVIM 2019).
© Christophe Hugnet
En France métropolitaine, la leptospirose est une préoccupation majeure en médecine humaine pour certains individus à risque, en particulier en milieu professionnel (forestier, égoutiers) ou en activités de loisirs de plein air (triathlètes).
Dans d'autres parties du monde telles que la France ultramarine, en Asie et en Afrique, les préoccupations sanitaires sont ou devraient être majeures.
Malgré cela, il n'existe que trois pays (France, Cuba et Japon) dans lesquels un vaccin non adjuvé est proposé pour la protection des hommes contre l'infection aux leptospires du sérogroupe Leptospira interrogans icterohaemorrhagiae.
En médecine vétérinaire, pour la protection canine, nous disposons depuis plusieurs années de trois types de vaccins différents : bivalents, trivalents ou tétravalents).Comment choisir les vaccins à proposer aux détenteurs de chiens ?
Situation épidémiologique
Pour choisir les vaccins à proposer aux détenteurs de chiens, il convient d'abord de connaître la situation épidémiologique de la leptospirose canine dans sa clientèle ou sa zone géographique.
Quelle est l'incidence de la maladie sur une population d'animaux non vaccinés et sur une population de chiens vaccinés ?
Quelle forme de leptospirose retenir dans cette évaluation épidémiologique ? En effet, outre les formes sévères (insuffisance rénale aigüe, hépatite, ictère, entérite hémorragique, hémorragies pulmonaires) qui conduisent à envisager la leptospirose dans le diagnostic différentiel, il existe de nombreuses formes peu spécifiques ni sévères de type syndrome fébrile. En général, dans les études épidémiologiques, malheureusement peu nombreuses, seules les formes sévères de leptospirose sont incluses en critères de sélection. Par ailleurs, ces études sont souvent menées soit à l'échelle d'un pays, soit à celle de grandes régions ; il devient alors difficile d'extrapoler pour un bassin d'activité vétérinaire les données analysées.
Les études épidémiologiques reposent sur la caractérisation sérologique par la technique de micro-agglutination (MAT). Seulement une vingtaine de sérovars sont testés en routine par les laboratoires d'analyse. On dénombre actuellement près de 230 sérovars répartis en environ 25 sérogroupes pour les leptospires pathogènes (il existe des leptospires saprophytes et des intermédiaires).
Le mode de vie du chien
Le mode de vie du chien (activités extérieures à risque, voyages en zones humides) doit impérativement être pris en compte dans le choix des valences vaccinales. Dans le sud-est de la France métropolitaine, le risque est très inférieur aux régions plus humides telles que la Normandie, les Pays de Loire ou en Guadeloupe.
Les sérovars émergents et historiques
Ces dernières années, plusieurs études semblaient indiquer une augmentation de l'incidence de la leptospirose canine dans plusieurs pays du continent européen 4,5,6, avec des sérovars émergents tels que Australis, Automnalis, Bratislava, Grippotyphosa, Panama, Pomona, Pyrogenes, Sejroe pour les principaux, en plus des sérovars historiques Icterohaemorrhagae et Canicola. Malheureusement, certaines études ne concernent pas que des animaux malades mais prennent en compte des enquêtes sérologiques « d'exposition ».
Contrairement à la médecine humaine, nous disposons de très peu d'études chez le chien visant à identifier des expressions cliniques particulières à un sérovar, voire à un sérogroupe. Ces éléments pourraient contribuer à aider le praticien à déterminer les valences les plus adaptées.
En Suisse, il semblerait que depuis l'arrivée des vaccins tétravalents, il soit observé une diminution des cas cliniques dans une structure de référé (Université de Lausanne) (cf. photo 1). Cependant, pour l'instant, nous ne disposons pas de données concordantes pour confirmer ou non un recul de la maladie en Europe chez les chiens vaccinés avec ces vaccins tri- ou tétravalents 7.
Le dogme d'une protection vaccinale uniquement orientée vers un sérogroupe auquel est rattaché un sérovar semble être remis en question par une étude rétrospective 8. Les auteurs concluent que les vaccins bi-valents confèrent non seulement une protection significative contre les souches d'un sérogroupe homologue mais également une protection précoce, bien qu'imparfaite et de courte durée, contre des souches pathogènes de sérogroupes hétérologues.
Surveillance par un système de pharmacovigilance
Enfin, la surveillance et la déclaration des effets indésirables via le système de pharmacovigilance permettra non seulement de caractériser la réalité des effets secondaires (douleur, inflammation au point d'injection, hyperthermie...) mais également de révéler les cas de manque d'efficacité lors d'utilisation des différents vaccins proposés, permettant ainsi de limiter les informations alarmantes et souvent non fondées véhiculées par de nombreuses éleveurs de chiens refusant tel ou tel vaccin contre la leptospirose canine...
Certains vaccins sont adjuvés dans le but de stimuler la réponse immunitaire. Il est possible d observer des réactions inflammatoires transitoires post vaccinales non spécifiques dans un nombre de cas plus important que pour un non adjuvé.