La contractualisation, nouveau modèle de la relation vétérinaire-éleveur

Ce nouveau modèle dans la relation vétérinaire-éleveur peine à se développer et à s'imposer dans la majorité des clientèles rurales.

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Julien LE TUAL

Vice-président du SNVEL*

Exercice

Nouveau modèle dans la relation vétérinaire-éleveur, la contractualisation peine encore à s'imposer dans les clientèles rurales. Elle permet pourtant de renforcer le lien vétérinaire-éleveur et le maillage vétérinaire et aux élevages, de gagner en résilience. Les éleveurs peuvent ainsi se libérer d'une charge mentale.

Le bilan de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) lancé en 2022 pour accompagner les territoires touchés par la dégradation du maillage vétérinaire a été présenté le 22 février en présence de Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, et des organisations professionnelles agricoles et vétérinaires.

Dans les différentes solutions à explorer, la contractualisation est « souvent citée, rarement approfondie » comme indiqué dans la synthèse du rapport de l'AMI.

Ce nouveau modèle dans la relation vétérinaire-éleveur peine à se développer et à s'imposer dans la majorité des clientèles rurales. Des freins sont certainement à lever d'un point de vue vétérinaire et également du côté des éleveurs.

Deux thèses vétérinaires portant sur le sujet ont été soutenues ces deux dernières années.

La première, par Nicolas Courdent (Lyon 2021), La contractualisation, un partenariat rémunérateur pour le vétérinaire en pratique rurale , aborde dans une première partie la distinction entre contractualisation et conventionnement.

La confusion entre ces deux modes de facturation est souvent un premier frein pour les vétérinaires dans leur perception de la contractualisation.

Augmentation du chiffre d'affaires de la clinique

La contractualisation est un mode de facturation individuel dans lequel une clinique passe un contrat avec un éleveur contrairement au conventionnement, dans le lequel un contrat unique lie une clinique et une association d'éleveurs.

La contractualisation apporte une plus grande souplesse dans sa mise en place, son contenu et les rapports entre les parties.

Cette thèse aborde ensuite l'approche économique de la contractualisation et se base sur l'étude de la rentabilité avant et après le passage des éleveurs en contrat.

Il en ressort que le chiffre d'affaires global de la clinique a augmenté de 20 % dans les exploitations après le passage en contrat, ce qui montre que c'est un réel moyen de développer le chiffre d'affaires de l'activité rurale dans une période de déprise agricole.

Il a également été constaté que le nombre moyen d'interventions en garde dans les exploitations a diminué de 54 % après passage en contractualisation. Cet aspect, réellement significatif, n'est pas celui auquel on pense quand on parle de contractualisation mais est fondamental vis-à-vis des attentes des vétérinaires dans l'organisation de leur vie personnelle, surtout pour les jeunes générations.

En conclusion, Nicolas Courdent donne « trois bonnes raisons de vous lancer dans la contractualisation ».  Tout d'abord, d'un point de vue financier, il a démontré que la contractualisation est tout à fait rentable pour la clinique vétérinaire et cette approche est sûrement valable pour les éleveurs grâce à une baisse des pertes et des gains de productivité.

Partenariat gagnant-gagnant

Ensuite, au delà de l'intérêt financier, elle permet d'initier une nouvelle approche dans la relation éleveur-vétérinaire et renforce une confiance qui doit malgré tout déjà exister au préalable.

A plus long terme, c'est une démarche qui vise un objectif commun qui est de favoriser la prévention et réduire le nombre d'interventions du vétérinaire, ce qui est un partenariat gagnant-gagnant.

La seconde thèse sur le sujet, Gagner en réactivité et en prévisibilité grâce à la contractualisation éleveur-vétérinaire : une source de productivité et de sérénité en élevage bovin laitier, a été soutenue par Julien Andrieux (Nantes 2022).

Cette « étude repose sur des entretiens semi-directifs avec 3 vétérinaires et 14 éleveurs » . À la suite des entretiens avec les vétérinaires, plusieurs points clés sont apparus.

La première conclusion de ces échanges est que le contrat cible en priorité trois catégories d'éleveurs :  « les jeunes installés, les éleveurs en difficulté sanitaire et les éleveurs en recherche d'efficacité ». Les contrats sont tous différents tant au niveau du prix que du contenu entre les différentes clientèles mais ils doivent avant tout être simples pour être très facilement compris par les éleveurs.

Nombreux choix à faire

Sont également ressortis l'intérêt et les motivations des vétérinaires pour les contrats : ils apportent un confort de travail dans la relation éleveur-vétérinaire et un accroissement de l'activité et des revenus pour les cliniques comme l'a démontré la thèse de Nicolas Courdent : « Cependant, deux visions distinctes sont présentes sur les contrats incluant les soins : l'une où le contrat se suffit à lui-même avec une généralisation envisagée, l'autre où le contrat est un produit d'appel pour développer des services plus rémunérateurs ».

Cela démontre toute la variété et l'approche différente qu'il existe dans les différentes cliniques sur la mise en place des contrats et leurs objectifs mais, à contrario, cela peut apparaître comme une difficulté pour se lancer dans la contractualisation car il existe de nombreux choix à faire pour élaborer son modèle.

A partir des entretiens réalisés auprès de 13 éleveurs, voici les impacts qui ont pu être mis en évidence à la suite du passage à la contractualisation...

- Impact de la contractualisation sur les pratiques d'élevage

On observe une levée du frein économique pour une intervention précoce du vétérinaire avec souvent des pronostics moins sombres et des traitements plus adaptés et plus efficaces.

On peut constater également une mise en place plus rapide de plan de prévention à l'échelle du troupeau et une approche plus globale.

- Impact de la contractualisation sur les performances d'élevage

La mise en place du contrat permet une amélioration du suivi des performances et une grande réactivité du binôme vétérinaire/éleveur qui « apporte une véritable capacité de résilience ».

Les conseils du vétérinaire sont davantage suivis par l'éleveur, aboutissant à de meilleures performances de production.

Trois types d'intérêts initiaux

Les entretiens ont également permis de dégager les « intérêts initiaux à la mise en place de la contractualisation » qui sont de trois types. Le premier est vis-à-vis des frais vétérinaires par une meilleure visibilité ainsi qu'un effet assurantiel en cas de difficulté sanitaire.

Le deuxième est la recherche d'un appui technique en cas de changement dans la structuration de l'élevage par un agrandissement, une fusion... ou dans un but d'amélioration de productivité. La troisième motivation est un souhait de changement de rapport avec le vétérinaire pour aller vers plus de conseils et moins d'interventions en urgence.

Des conclusions ont pu être ressorties des entretiens sur « la prise en main de la contractualisation par les éleveurs ».

Les éleveurs trouvent normal qu'un contrat papier existe ; les aspects juridiques ne sont pas un frein. Ils trouvent que la contractualisation est simple à prendre en main et en ont une définition proche de celle proposée par la clinique.

Un gros frein pour les vétérinaires à la mise en place de la contractualisation dans leur clinique est levé car le risque de débordement par les éleveurs est faible. En effet, ils doivent toujours prendre du temps en cas d'appel et les médicaments sont facturés au passage du vétérinaire.

Evolution des intérêts des éleveurs pour la contractualisation

Voici les motivations des éleveurs pour la contractualisation après la prise en main de la contractualisation :

- ils trouvent l'appui technique attendu et une simplicité dans la relation de travail avec un partenaire de confiance qui connaît bien leur exploitation ;

- ils découvrent également une sérénité dans leur travail en délégant une partie plus grande de la responsabilité de l'état sanitaire de leur troupeau et cela améliore leur confort de travail via la meilleure gestion du troupeau qui s'ensuit.

Tous ces avantages permettent de passer au second plan l'augmentation des frais vétérinaires engendrée par le passage en contrat. La contractualisation a également un impact non négligeable « sur les enjeux sociétaux ». Cette relation plus proche entre éleveurs et vétérinaires permet un soutien de la part du vétérinaire des éleveurs touchés par l'agribashing.

La meilleure prise en charge des cas individuels ainsi que le suivi de l'élevage plus régulier par le vétérinaire donnent à l'éleveur une vision extérieure permettant d'améliorer le bien-être animal dans le long terme.

La contractualisation permet également une approche et une sensibilisation des éleveurs sur les enjeux liés à l'utilisation des antibiotiques et des antiparasitaires, permettant un accompagnement pour un usage plus raisonné et efficace de ces molécules.

A travers ces deux thèses, on voit donc tout l'intérêt que peut apporter la contractualisation par les expériences de plusieurs clientèles pour renforcer le lien vétérinaire-éleveur, le maillage vétérinaire et permettre aux élevages de gagner en résilience et aux éleveurs, de se libérer d'une charge mentale.

Encore plus d'infos !

Ces deux thèses sont consultables par ces liens : https://urlz.fr/lPWm et https://urlz.fr/lPWq

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Différences entre la contractualisation et le conventionnement

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1666

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