« L' objectif à conserver est que l'utilisation de Calypso soit sans conséquence financière ou de temps pour les praticiens »

Laurent Perrin est président du SNVEL.

© Jacques Graf

Suite au lancement de Calypso le 14 mars, le président du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL) rappelle l'objectif défini par les organisations professionnelles vétérinaires : ce nouvel outil doit rester sans conséquences financières et de temps pour les vétérinaires en ce qui concerne notamment la remontée de l'utilisation des antimicrobiens. Sur ce dernier point, Laurent Perrin soulève le problème qui demeure entier de la demande des remontées des données de prescriptions qui n'existent pas toujours dans les logiciels de gestion, en particulier pour ce qui est des prescriptions au chevet du malade en activité en élevage.

La Dépêche Vétérinaire : Le lancement de Calypso le 14 mars s'opère, dans un premier temps, avec deux modules : la formation médicale continue et la remontée de l'utilisation des antimicrobiens (antibiotiques et anticoccidiens). Pour cette dernière fonction, organisations professionnelles vétérinaires (OPV) et administration s'efforcent à ce que les enregistrements soient indolores en coût et en temps pour le praticien par l'interfaçage avec les logiciels de gestion. Le défi est-il relevé selon vous ?

Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL) : Nous avons toujours au SNVEL porté cette demande : cette nouvelle contrainte de remontée des utilisations d'antimicrobiens (des antibiotiques dans ce texte) a été inscrite dans la loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 et c'est justement parce que les outils disponibles pour le faire de manière indolore n'existaient pas que les textes d'application n'avaient pas été publiés.

Pour autant, si la remontée des cessions d'antimicrobiens s'annonce indolore par la transmission des données qui sont déjà dans nos logiciels (pour ce que nous délivrons), la demande des remontées des données de prescriptions (dans le but de suivre les doses reçues par telle ou telle catégorie d'animaux, les durées et les posologies) pose plus de problèmes car ces données n'existent pas toujours dans nos logiciels, en particulier pour ce qui est des prescriptions au chevet du malade, en activité en élevage. Celles-ci sont encore majoritairement manuscrites. Dans ce cas, ce sont souvent seulement les données de facturation des unités délivrées qui sont saisies, a posteriori .

D.V. :  Les ordonnances manuscrites au chevet du malade risquent en effet d'échapper à l'enregistrement pour le moment. Le problème pourrait être surmonté par un système « d'informatique embarquée ». Dans quelles conditions une telle mise en place pourrait-elle être réalisée ?

L.P. : Nous avons effectivement été entendus sur l'impossibilité de répondre à cette obligation en l'état. Mais le problème reste entier et c'est ce que nous dénonçons.

À terme, il est probable qu'une solution d'informatique embarquée sera disponible et des propositions ont été faites dans ce sens par le SNVEL et l'ensemble des OPV à vocation technique à l'administration mais il n'est pas acceptable que le déploiement de telles solutions repose sur les seules épaules (ou plutôt sur la seule poche) des praticiens.

Pourrons-nous bénéficier comme les médecins d'aide financière pour nous équiper ? Je tiens à rappeler et à signaler que jusqu'à maintenant, les efforts couronnés de succès de réduction d'usage des antibiotiques ont été faits par la profession sans aide et sans récompense.

D.V. : Les pharmaciens et les fabricants d'aliments médicamenteux doivent aussi participer à l'enregistrement des données sur les antimicrobiens. La participation des pharmaciens vous paraît-elle acquise ?

L.P. : Les discussions sont engagées avec les pharmaciens et nous ne pouvons pas préjuger de leur engagement.

Le travail sur l'interfaçage de leur logiciel métier avec Calypso semble à ce jour être remis à plus tard, les sujets relatifs à la santé humaine semblant être plus importants en ce moment.

Pour autant, je ne vois pas comment il pourrait être envisagé que seuls les vétérinaires soient soumis à cette contrainte. Une telle évolution serait de nature à remettre en cause l'implication des vétérinaires.

D.V. :  Cet outil est le fruit d'un financement à la fois par les OPV et par l'administration. Estimez-vous que le décalage avec la médecine humaine, où l'État prend tout à sa charge, est injuste ?

L.P. : Je ne sais pas si nous devons parler d'injustice mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a une inégalité de traitement entre des professionnels confrontés aux mêmes enjeux.

D.V. : Le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires (Cnov) privilégie une approche incitative plutôt que coercitive face à l'obligation réglementaire d'enregistrement des antimicrobiens qui interviendra selon un calendrier échelonné (2024 pour les porcs et volailles, 2027 pour les autres animaux de rente et les équidés, 2030 pour les animaux de compagnie). Est-ce la bonne approche et encouragez-vous les vétérinaires à jouer le jeu dès maintenant pour toutes les espèces ?

L.P. : Les vétérinaires doivent répondre à une contrainte liée au règlement européen 2019/06 et qui date de 2014 et, en professionnels responsables, comme toujours, je n'imagine pas qu'ils n'y répondent pas.

Nous avons échangé de nombreuses fois avec le Cnov sur ce point et il partage notre vision. C'est probablement la raison pour laquelle le moyen d'atteindre les objectifs a été fixé comme cela.

Pour ce qui est du décalage de la contrainte suivant l'espèce, les remontées de données seront automatiques et, donc, échelonner ou pas suivant la filière concernée n'a pas particulièrement de sens.

Nous avons du temps mais plus nous serons rapidement en mesure de répondre à la contrainte, mieux cela sera pour tous.

Il nous faut cependant garder, je le redis, comme objectif que cela soit sans conséquence financière ou de temps pour les consoeurs et les confrères.

D.V. : Au-delà de la formation et de la remontée de l'utilisation des antimicrobiens, d'autres fonctions à venir se profilent. Quelles sont les perspectives qui vous semblent les plus intéressantes ?

L.P. : Calypso est un outil qui doit permettre d'améliorer et de fluidifier les échanges de données avec l'administration et avec les éleveurs. La digitalisation de certains actes administratifs (demande de mandat sanitaire à la DDPP*, validation de la demande d'un éleveur pour être son vétérinaire sanitaire...), l'accès aux données des cheptels par la connexion à la BDNI... permettront notamment de gagner du temps.

Calypso doit également servir d'interface avec les outils du quotidien des vétérinaires (I-Cad...) et la gestion de la formation continue, désormais opérationnelle, est une première étape. 

*DDPP : Direction départementale de la protection des populations.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1656

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