L'Autorité de la concurrence pointe des tarifs des soins vétérinaires en hausse et des « changements structurels préoccupants »

L'Autorité de la concurrence a identifié des mécanismes susceptibles de favoriser l'établissement de tarifs élevés.

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Maud LAFON

Exercice

Evolution du paysage professionnel en lien avec l'arrivée des groupes, tarifs à la hausse, reliés en partie à ces changements structurels, indépendance remise en question, rôle croissant des centrales de négociation dans les discussions commerciales avec les laboratoires pharmaceutiques : le bilan publié le 24 octobre par l'Autorité de la concurrence quant aux tarifs des médicaments et soins vétérinaires est préoccupant.

L'Autorité de la concurrence, organisme indépendant au service de la compétitivité et du consommateur, a rendu public, le 24 octobre, son avis relatif aux conditions de fixation du prix des médicaments vétérinaires et à l'évolution du coût des soins vétérinaires.

L'organisme avait été saisi le 18 juin 2024 par le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique d'une demande d'avis concernant les conditions de fixation du prix des médicaments vétérinaires et l'évolution du coût des soins vétérinaires en France.

Dans son avis, l'Autorité constate « une évolution du paysage de la profession vétérinaire avec le développement des réseaux de cliniques vétérinaires dites corporates (...) dans lesquels des investisseurs tiers non vétérinaires sont présents au capital de manière minoritaire ». Ces groupes attirent selon elle une part croissante des vétérinaires en exercice, ce qui laisse « entrevoir une recomposition durable du paysage vétérinaire dans les années à venir ».

« Or le développement des corporates dans le secteur des services vétérinaires en France soulève la question de leur impact sur l'intensité concurrentielle, notamment sur le marché aval des prestations de services vétérinaires à destination des consommateurs », constate l'organisme. Il précise que, si cette évolution peut produire des effets pro-concurrentiels profitant aux consommateurs (mutualisation des coûts et des investissements), une concentration trop importante sur le marché pourrait affaiblir la concurrence à leur détriment (absence de choix alternatifs, hausses des prix ou dégradation du service).

Contrôle ex post des opérations

Face à ce risque, l'Autorité indique qu'elle « sera attentive à l'évolution du marché et veillera à appréhender les effets structurels induits par le développement progressif des réseaux corporates ». « En particulier, si les intégrations de cliniques au sein de réseaux venaient à être qualifiées de concentrations sans toutefois atteindre les seuils déclenchant l'obligation de notification, l'Autorité attire l'attention des entreprises concernées sur la nécessité de s'assurer que de telles opérations ne revêtent pas un caractère anticoncurrentiel, auquel cas un contrôle ex post* des opérations les plus problématiques serait envisageable », poursuit-elle.

Autre constat émanant de cet avis : l'Autorité observe une augmentation du coût des soins apportés aux animaux, qui « serait plus marquée auprès des vétérinaires ayant rejoint un réseau corporate », et identifie des mécanismes susceptibles de favoriser l'établissement de tarifs élevés.

Elle cite notamment la diffusion de grilles de tarifs des actes vétérinaires et la mise en place d'objectifs de chiffre d'affaires et de performance pour les cliniques qui « amènent à s'interroger sur le degré d'indépendance des vétérinaires libéraux qui sont membres (de réseaux), au regard de leur stratégie commerciale et financière ». Elle estime que « de tels mécanismes pourraient, sous certaines conditions, caractériser une pratique d'entente portant sur la fixation de tarifs ».

Jeu de la négociation et de la concurrence

« Par ailleurs, les niveaux de concentration relativement élevés des réseaux corporates pourraient faciliter l'adoption et le maintien de tarifs élevés par les vétérinaires membres, dans la mesure où la concurrence par les prix n'aurait plus vocation à jouer pleinement dans les zones concernées », poursuit-elle.

Autre point de préoccupation pour l'organisme : sur le marché des médicaments vétérinaires, il constate le rôle croissant occupé par les centrales de négociation dans le cadre des discussions commerciales avec les laboratoires. Celui-ci est questionné par certains laboratoires et grossistes-répartiteurs, dénonçant notamment des taux de remises jugés très élevés, ainsi que l'influence de ces centrales sur la prescription des produits par les vétérinaires.

Elle rappelle que cinq acteurs représentent aujourd'hui plus de 70 % des achats de médicaments vétérinaires en France.

L'analyse de l'Autorité ne révèle toutefois pas de préoccupations à ce sujet, les conditions commerciales appliquées relevant principalement du jeu de la négociation et de la concurrence entre fabricants. « Les conditions exigées pour qualifier un état de dépendance économique des laboratoires vis-à-vis des centrales de négociation ne sont par ailleurs, à ce stade, pas atteintes », précise-t-elle. « À ce stade, l'Autorité considère qu'aucun élément ne permet de conclure à un déséquilibre préoccupant des rapports de force sur le marché amont en France, ce d'autant que la grande majorité des laboratoires concernés réalisent la majeure partie de leur activité à l'international et poursuivent leurs investissements en recherche et développement dans le secteur vétérinaire ».

Revoir les formulations du Code de déontologie

Enfin, le dernier volet de l'avis concerne la déontologie. Après examen des règles déontologiques applicables à la profession vétérinaire, l'Autorité conclut que « plusieurs dispositions injustifiées sont susceptibles de restreindre l'exercice de la profession (et) recommande ainsi de supprimer plusieurs formulations portant sur la rémunération, la détermination des honoraires et la communication des vétérinaires et figurant dans le Code de déontologie applicable aux vétérinaires ».

Parmi les passages problématiques selon elle, elle souligne : le paragraphe selon lequel la « rémunération du vétérinaire ne peut dépendre de critères qui auraient pour conséquence de porter atteinte à son indépendance ou à la qualité de ses actes de médecine vétérinaire » ; la formulation « tact et mesure » s'agissant de la détermination des honoraires du vétérinaire ; l'interdiction de « [t]outes pratiques tendant à abaisser le montant des rémunérations dans un but de concurrence (...) dès lors qu'elles compromettent la qualité des soins » ; la formulation « dignité de la profession » concernant la communication des vétérinaires à laquelle il faudrait selon elle substituer des termes explicites ou préciser les cas visés ; et l'interdiction de « l'envoi groupé d'informations tarifaires ou promotionnelles relatives aux médicaments vétérinaires même sous couvert d'une communication technique associée ».

Dans un objectif de transparence devant bénéficier aux propriétaires d'animaux, l'Autorité recommande a contrario d'ajouter certaines obligations dans le Code de déontologie des vétérinaires et cite « une obligation d'affichage des tarifs des actes de médecine vétérinaire sur les sites Internet exploités par les vétérinaires et une obligation d'affichage pour les cliniques membres d'un réseau, de leur appartenance à ce réseau sur tout document ou support présentant leur activité ».

Encore plus d'infos !

L'avis est en accès libre sur le site de l'Autorité de la concurrence.

* Méthode de contrôle qui permet d'appréhender toute opération susceptible d'avoir un effet néfaste sur le marché et donc d'intéresser les autorités de concurrence mais qui peut conduire à ce que des opérations pourtant clôturées depuis des mois, voire des années, puissent être démantelées ou donner lieu à des sanctions.

David Quint (SNVEL) : « La variété des modes d'exercice génère un équilibre »

Dans son avis du 24 octobre, l'Autorité de la concurrence s'inquiète des évolutions structurelles de la profession, générées par l'arrivée des réseaux de cliniques, et de ses conséquences sur le service rendu. Sans remettre en question ce constat, qu'il estime forcément étayé, le président du SNVEL*, notre confrère David Quint, ne le considère pas nécessairement comme une menace. L'enjeu, selon lui, n'est pas de stigmatiser les groupes mais de garantir un jeu concurrentiel loyal où toutes les formes d'exercice puissent coexister au bénéfice du soin animal et du consommateur.

La Dépêche Vétérinaire : L'Autorité de la concurrence s'inquiète des risques liés à la montée des réseaux de cliniques. Partagez-vous ces craintes ?

David Quint, président du SNVEL* : L'Autorité de la concurrence relève effectivement que le développement des réseaux dits corporates pourrait, dans certaines zones, conduire à une concentration locale excessive, à une homogénéisation des tarifs et à une perte d'indépendance de certains vétérinaires.

Pour que l'Autorité juge utile de le relayer dans son rapport, on n'ose pas imaginer qu'elle n'ait pas suffisamment d'éléments qui l'accréditent et, en tant que président du SNVEL, je ne me vois pas contester la réalité de ces constats. Ils méritent d'être regardés avec sérieux. Mais il faut aussi souligner que la dynamique concurrentielle du secteur reste forte et que le premier régulateur, c'est le choix du client. Dès lors que la qualité perçue ou les tarifs s'éloignent trop des attentes, le client garde la possibilité de changer de structure. Les groupes qui abuseraient de leur position ou standardiseraient trop leur offre laisseraient un boulevard aux autres vétérinaires, y compris aux indépendants. Il convient cependant de rester vigilant sur les réalités locales, de regarder ce qui se passe ailleurs sur ces questions (Royaume-Uni, etc.) mais il me semble qu'on n'en est pas encore là.

Ces constats appellent donc moins une réaction de défense qu'une adaptation : les indépendants disposent de leviers puissants pour se différencier par la qualité, la personnalisation du service et la relation de confiance. Les dérives tarifaires potentielles relevées par l'Autorité de la concurrence ne pourraient, le cas échéant, qu'ouvrir des opportunités supplémentaires à ces derniers. Mais les réseaux le savent... C'est tout l'intérêt de la variété des modes d'exercice qui génère un équilibre.

D.V. : L'Autorité observe une hausse du tarif des actes vétérinaires, plus marquée dans les structures rachetées par des groupes. Êtes-vous d'accord avec ce constat ?

D.Q. : Cette tendance existe probablement mais elle s'explique d'abord par la revalorisation du travail vétérinaire, l'évolution de la médecine vétérinaire elle-même et doit être regardée à la lumière de l'inflation globale, autrement dit, des autres évolutions tarifaires et notamment de celles des fournisseurs de l'énergie, du point de la convention collective...

Les actes sont plus techniques que par le passé, les plateaux de soins mieux équipés, les exigences sociétales plus élevées ; ces progrès ont un coût.

L'autorité pointe une hausse plus élevée dans les structures rachetées par des groupes et, là encore, elle doit avoir récupéré des données fiables pour le dire. Mais à la réflexion, peut-on cependant être surpris ? Les groupes sont staffés pour une optimisation des coûts et de la rentabilité et ne s'en cachent pas puisqu'ils promettent ces fonctions supports lors des rachats. C'est justement ce que les vétérinaires font généralement de manière moins « professionnelle », plus occupés au coeur de leur métier qu'est le soin, et qui fait, notamment, que les cliniques vétérinaires constituent des investissements à fort potentiel pour les investisseurs.

Le SNVEL plaide depuis des années pour une valorisation des actes : elle est indispensable pour assurer la qualité des soins et maintenir l'attractivité de la profession. Le danger ne vient pas de cette revalorisation mais du risque de déconnexion avec la capacité de paiement des propriétaires d'animaux.

C'est pourquoi nous appelons à un équilibre : la hausse des honoraires doit aller de pair avec des dispositifs favorisant l'accès aux soins et c'est la raison de notre engagement aux côtés de Vétérinaires pour tous.

Je rappelle dans la même veine un article de La Dépêche Technique (DT n° 177) qui montrait d'ailleurs comment les cliniques indépendantes peuvent, elles aussi, renforcer leur performance économique sans renoncer à leur indépendance : facturation exhaustive, plans de prévention, suivi des maladies chroniques, télémédecine, optimisation de l'organisation interne.

Ces leviers permettent d'améliorer la rentabilité tout en restant au service du soin, sans inflation artificielle des prix.

D.V. : L'Autorité évoque la possibilité d'un contrôle ex post des regroupements. Est-ce réaliste et souhaitable ?

D.Q. : Ce contrôle ex post - c'est-à-dire a posteriori - est possible et légitime. La confiance n'exclut pas le contrôle : cela rappelle aux acteurs que la liberté d'entreprendre ne doit pas conduire à des situations de domination ou d'entente. En pratique, toutefois, son efficacité dépendra des moyens de l'Autorité et de sa capacité à apprécier les réalités locales.

Le SNVEL n'y est pas opposé dès lors que ce contrôle reste proportionné et qu'il ne freine pas les dynamiques d'investissement utiles à la modernisation des cliniques et au libre choix des vétérinaires. L'enjeu n'est pas de stigmatiser les groupes mais de garantir un jeu concurrentiel loyal où toutes les formes d'exercice puissent coexister au bénéfice du soin animal et du consommateur.

L'avis de l'Autorité a le mérite d'objectiver un débat souvent passionné. Il met en lumière des risques réels mais aussi - et c'est ce que nous retenons au SNVEL - de véritables opportunités :

- pour les indépendants, qui peuvent tirer parti de leur agilité ;

- pour la profession, qui voit enfin reconnue la nécessité de revaloriser les actes ;

- et pour la société, qui peut bénéficier d'une offre de soins diversifiée.

Cette valorisation économique des actes, que nous appelons de nos voeux depuis longtemps pour être moins dépendants des revenus tirés de la vente des médicaments, doit toutefois rester compatible avec la capacité des propriétaires à soigner leurs animaux. C'est à cette condition que la concurrence, loin d'être une menace, restera un moteur d'équilibre et de progrès pour toute la filière vétérinaire.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Jacques Guérin (Ordre) : « Les avis de l'Autorité de la concurrence ont une valeur consultative forte »

Interrogé sur les conclusions de l'Autorité de la concurrence dans son avis relatif à la profession vétérinaire rendu public le 24 octobre, le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, par la voix de son président, notre confrère Jacques Guérin, reconnaît leur pertinence. Il se propose d'intégrer ces recommandations relatives à la déontologie vétérinaire à la consultation en cours relative aux évolutions 2027 du Code de déontologie.

La Dépêche Vétérinaire : Dans son avis sur les tarifs vétérinaires publié le 24 octobre, l'Autorité de la concurrence consacre une partie à la déontologie et recommande plusieurs modifications du Code de déontologie des vétérinaires. Lorsqu'elles émanent d'un organisme de ce type, ces préconisations peuvent-elles connaître une traduction officielle ?

Jacques Guérin, président du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires (Cnov) : Les recommandations de l'Autorité de la concurrence peuvent être traduites officiellement dans les textes réglementaires, notamment dans le Code de déontologie des vétérinaires. L'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante, peut être saisie pour avis par le gouvernement sur des projets de textes réglementaires portant Code de déontologie.

Ses avis ne sont pas contraignants mais ils ont une valeur consultative forte. La modification du Code de déontologie vétérinaire relève du pouvoir réglementaire. Aussi le Cnov peut proposer des modifications du Code de déontologie. Il appartient au final au ministère en charge de l'agriculture de présenter le texte au Conseil d'Etat.

D.V. : L'Autorité de la concurrence conseille notamment de supprimer certaines formulations du Code actuel concernant la fixation des tarifs mais aussi, plus largement, la « dignité du vétérinaire » et la communication sur les offres tarifaires. Qu'en pensez-vous et envisagez-vous d'en tenir compte dans la nouvelle mouture du Code de déontologie sur laquelle vous travaillez actuellement ?

J.G. : Le Conseil national se propose d'intégrer ces demandes à la consultation en cours relative aux évolutions 2027 du Code de déontologie vétérinaire. Préciser le sens donné à la notion « d'atteinte à la dignité de la profession », qui est plus large que le seul domaine de la concurrence, n'est pas un obstacle insurmontable.

D.V. : Dans un dernier paragraphe de son avis, l'organisme recommande l'ajout de deux obligations dans le code en termes d'affichage des tarifs et d'appartenance à un groupe. Là encore, ces remarques vous semblent-elles pertinentes ?

J.G. : Ces recommandations sont cohérentes avec les principes de transparence et de bonne information du public, déjà mis en oeuvre par la profession vétérinaire en application de la directive service 2006/123. Ces notions sont déjà présentes : la mention de l'appartenance à un réseau existe à l'article R 242-35 du Code rural et de la pêche maritime.

Le Conseil national se propose d'échanger avec les services de la Direction générale de l'alimentation pour savoir comment mieux intégrer ces éléments dans le Code de déontologie des vétérinaires.

Jean-Louis Hunault : « Le SIMV recommande depuis longtemps le plafonnement des remises, rabais et ristournes sur la vente de médicaments vétérinaires »

Interrogé sur les conclusions du récent avis de l'Autorité de la concurrence qui dénonce la mainmise croissante des centrales de négociation sur le marché du médicament vétérinaire, le président du SIMV*, Jean-Louis Hunault, ne se montre pas étonné par ce constat sur lequel son syndicat a déjà alerté. Il préconise un encadrement des remises, rabais et ristournes pour tous les médicaments vétérinaires et pas seulement pour les antibiotiques et, à la différence de l'Autorité de la concurrence, se montre inquiet de cette prédominance des centrales de négociation.

La Dépêche Vétérinaire : Dans son avis rendu le 24 octobre, l'Autorité de la concurrence s'inquiète du rôle croissant joué par les centrales de négociation dans le cadre des discussions commerciales avec les laboratoires pharmaceutiques et souligne sa remise en question par certains laboratoires et grossistes répartiteurs. Vos adhérents vous ont-ils remonté de telles craintes et sont-elles fondées selon vous ?

Jean-Louis Hunault, président du SIMV* : Le SIMV* a déjà développé, en novembre 2023, une analyse sur cette question à l'occasion des discussions sur le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles (LOAA) concernant le renforcement des dispositions relatives à la loi d'avenir de l'agriculture et de l'alimentation (LAAAF) de 2014 destinées à préserver l'indépendance du vétérinaire prescripteur.

Les remises, rabais et ristournes (RRR) de vente de médicaments vétérinaires ont déjà été interdites pour les antibiotiques en 2014 mais nous recommandons que ces RRR soient cette fois plafonnés par le Parlement pour tous les autres médicaments (interdiction maintenue pour les antibiotiques).

En effet, depuis la LAAAF de 2014, les centrales de référencement et les chaînes de cliniques sont de nouveaux acteurs qui ont pris une place prépondérante dans la négociation des conditions commerciales d'achat des médicaments vétérinaires pour le compte des vétérinaires.

90 % des domiciles professionnels d'exercice vétérinaire confient désormais le référencement des médicaments vétérinaires et la négociation commerciale à une centrale de référencement.

Sur la vingtaine de centrales de référencement, 4 négociaient l'achat de médicaments vétérinaires pour le compte de leurs adhérents, soit 80 % du marché.

Depuis 2021, certaines centrales de référencement sont désormais intégrées comme filiales de chaînes de cliniques vétérinaires, faisant courir le risque d'orienter le bénéfice de ces négociations aux actionnaires de ces structures plus qu'au maintien de l'activité vétérinaire en zone rurale notamment.

L'impact de la négociation des achats par les centrales est amplifié par la possibilité de recommandations coercitives des chaînes auprès de leurs membres.

Les autorités de la concurrence du Royaume-Uni ont révélé les limites de ce modèle sur la liberté de prescription du vétérinaire (https://urlr.me/tp2Ndm). L'équivalent britannique de l'Autorité de la concurrence a d'ailleurs préconisé, le 15 octobre, d'encadrer les sociétés d'exercice vétérinaire et de favoriser la vente par Internet (https://urlr.me/kceYpW).

D.V. : L'Autorité dénonce l'influence des centrales sur les prescriptions des vétérinaires. Est-ce une réalité ?

J.-L.H. : Nous avions également abordé ce point en 2023 et constaté que l'indépendance du vétérinaire prescripteur est menacée.

Désormais ces structures négocient avec les laboratoires et pour le compte des vétérinaires un intéressement commercial sous forme de ristourne financières de fin d'année en fonction de l'atteinte d'objectifs d'achat/vente.

Ce mécanisme expose potentiellement à des questions d'indépendance du prescripteur sur les plans qualitatif et quantitatif.

Sur un plan qualitatif, par exemple, ce mécanisme d'intéressement peut conduire à privilégier le portefeuille de médicament vétérinaire prescrit prioritairement vers ceux bénéficiant de la ristourne la plus importante aux dépens des caractéristiques techniques.

Il y a risque à terme de réduction de l'arsenal thérapeutique disponible alors même que les pouvoirs publics se mobilisent pour pallier le manque de disponibilité de médicaments (ruptures).

L'encadrement des RRR réduirait ce risque tout en maintenant une concurrence saine sur le marché.

Au-delà du risque sur la disponibilité des traitements, la baisse des marges que subissent les entreprises en France accentue l'érosion structurelle de l'innovation au niveau mondial.

Sur un plan quantitatif, l'objectif d'un intéressement lié à un volume de ventes expose le vétérinaire à prescrire plus de médicaments que nécessaire.

Les « prescriptions types » selon les maladies renforcent la concentration des achats sur certains médicaments.

Les RRR étant versés en fin d'année sur le constat des objectifs de vente atteints, le client particulier ou éleveur n'en bénéficie pas et a donc une perception de prix élevé des traitements.

À titre d'exemple, nous constatons un effet ciseaux avec une baisse du prix triple net de vente des laboratoires et une augmentation des prix de vente aux propriétaires d'animaux.

Faute d'indépendance lors de la prescription découlant de cette dérive, le vétérinaire s'expose aux critiques d'exercer son activité comme un commerce et donc à la menace de découplage prescription-délivrance avec des conséquences négatives majeures sur le maillage vétérinaire, la qualité du plateau technique, la formation scientifique du prescripteur, la santé animale et la santé humaine.

D.V. : Au bilan, l'organisme ne considère pas ces constats comme préoccupants et n'estime pas non plus que les laboratoires sont en situation de dépendance économique vis-à-vis des centrales. Partagez-vous cet avis ?

J.-L.H. : Pour les raisons précédentes, non.

* SIMV : Syndicat de l'industrie du médicament et diagnostic vétérinaires.

** ANMV : Agence nationale du médicament vétérinaire.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1771

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