Jeunes bovins : mise en évidence du coronavirus dans les lésions de l'appareil respiratoire profond lors d'épisodes cliniques
Animaux de rente 48218Le rôle du coronavirus bovin dans le déclenchement des troubles cliniques respiratoires est encore mal documenté bien qu'il soit inclus dans des kits PCR destinés à mettre en évidence les principaux agents infectieux impliqués dans les BPIE.
© Laurent Mascaron
Laurent MASCARON
Correspondant en infectiologie et vaccinologie
Courriel : l.mascaron@orange.fr
Maladies respiratoires
Une étude de l'université d'Iowa utilisant deux méthodes de mise en évidence directe du coronavirus bovin montre qu'une atténuation de l'épithélium de la trachée accompagnée d'une identification du coronavirus au niveau des lésions est souvent observée lors d'atteinte clinique sur le terrain. Ces résultats confirment que l'infection par le coronavirus joue vraisemblablement un rôle actif dans le développement des maladies respiratoires chez les jeunes bovins.
Le coronavirus bovin (BCoV) est un pathogène reconnu au niveau intestinal, associé en particulier aux diarrhées néonatales, mais son rôle dans le déclenchement des troubles cliniques respiratoires est encore mal documenté bien qu'il soit inclus dans plusieurs kits PCR destinés à mettre en évidence les principaux agents infectieux impliqués dans les BPIE*.
Afin d'objectiver sa pathogénicité au niveau respiratoire profond chez les bovins, une caractérisation des lésions microscopiques associée à une recherche du coronavirus sur des coupes histologiques de poumons et de trachées d'animaux positifs en PCR sur prélèvements pulmonaires, issus de cas cliniques de terrain, a fait l'objet d'une étude récente (Rahe 2022).
Matériel et méthodes
Parmi les prélèvements reçus en diagnostic pour cause de maladie respiratoire bovine au laboratoire du collège de médecine vétérinaire de l'université de l'Iowa (Etats-Unis), des échantillons de poumons issus de 92 animaux ainsi que des échantillons de trachée issus de 21 animaux, tous positifs en PCR sur poumon vis-à-vis du coronavirus, ont été sélectionnés pour être soumis à une analyse histologique et une recherche du BCoV au niveau des lésions par deux méthodes complémentaires :
- immunohistochimie (identification du coronavirus sur des coupes histologiques par des anticorps spécifiques couplés à un marqueur biochimique) ;
- mise en évidence de l'ARN du coronavirus par hybridation in situ.
Résultats
Des prélèvements issus de 104 animaux ont été présélectionnés en raison de leur résultat positif en PCR sur poumon vis-à-vis du coronavirus. Leur âge allait de 5 jours à 1 an, avec une moyenne de 4 mois et demi. L'éventail des races bovines représentées était large, dont 33 veaux croisés, 23 Holstein et 14 Angus.
Analyses PCR : des prélèvements issus de 89 animaux ont été retenus dans l'étude sur la base
de leur résultat positif en PCR vis-à-vis du BCoV
(Ct multiplex, près de 90 % (79/89) des prélèvements étaient simultanément positifs vis-à-vis d'un ou plusieurs autres pathogènes (par ordre de fréquence décroissante : Histophilus somni 77 %, Pasteurella multocida 70 %, Mycoplasma bovis 65 %, Mannheimia haemolytica 43 %, virus respiratoire syncytial 20 %, BVD 3 %, IBR 1 %).
Examen histologique des poumons : une atténuation de l'épithélium a été constatée sur les poumons de 52 des 92 animaux soumis à examen histologique et 25 veaux présentaient une bronchiolite obstructive. Sur la majorité des coupes de poumons examinées, des lésions microscopiques communes telles que dues au virus respiratoire syncytial, Mannheimia haemolytica, Histophilus somni ou Mycoplasma bovis ont été constatées.
Mise en évidence du coronavirus sur prélèvements pulmonaires par immunohistochimie : seuls 2/92 échantillons ont montré la présence intracytoplasmique du BCoV sur un épithélium intact, à l'intérieur des voies respiratoires. 24 échantillons ont montré la présence du virus dans le cytoplasme de cellules libres ou dans des débris cellulaires dans la lumière des voies respiratoires.
Mise en évidence de l'ARN du BCoV par hybridation in situ sur coupes de poumons : 39 prélèvements de poumons positifs en PCR avec un Ct inférieur à 22 et présentant un marquage en histochimie dans des débris cellulaires dans la lumière des voies respiratoires ont été sélectionnés pour recherche du génome viral ; 33/39 (85 %) ont montré la présence de l'ARN du BCoV au niveau cytoplasmique dans des débris au niveau des bronchioles et 18/19 (95 %) au niveau des bronches.
Sur les 39 poumons soumis à cette analyse,
28 présentaient une atténuation de l'épithélium respiratoire et 20 un marquage cytoplasmique en immunohistochimie au niveau des zones d'atténuation de l'épithélium.
Examen histologique des trachées : des prélèvements trachéaux issus de 21 bovins pour lesquels la recherche du coronavirus par PCR avait donné un résultat positif sur poumons ont été inclus dans l'étude et des lésions histologiques ont été détectées chez 20 d'entre eux (atténuation de l'épithélium, ulcération ou régénération).
Mise en évidence du coronavirus sur prélèvements de trachées par immunohistochimie : il a été détecté au niveau du cytoplasme de l'épithélium trachéal chez 15 des 21 animaux examinés.
Mise en évidence de l'ARN du BCoV par hybridation in situ sur prélèvements de trachées : l'analyse a été conduite sur 19 animaux et le génome viral a été identifié dans l'épithélium trachéal de
14 d'entre eux. De plus, il été mis évidence, comme le coronavirus lui-même, dans le cytoplasme de rares leucocytes au niveau du sous-épithélium de la trachée chez 10 des 19 veaux analysés.
Discussion
Parmi les tissus respiratoires soumis à une analyse histologique, issus de 92 bovins ayant donné un résultat positif en PCR sur poumon vis-à-vis du coronavirus lors de recherche diagnostique pour cause de maladie respiratoire, les deux tiers (61/92) ont présenté des lésions non spécifiques de l'épithélium, en lien avec la présence simultanée fréquente d'autres pathogènes. La sévérité des lésions microscopiques constatées n'était pas corrélée à la charge des poumons en coronavirus (Ct en PCR BCoV).
Bien que le coronavirus n'ait été mis en évidence par immunohistochimie au niveau d'un épithélium pulmonaire intact que chez 2 animaux, sa présence dans le cytoplasme de cellules libres ou de débris cellulaires dans la lumière des voies respiratoires a été détectée chez 24 d'entre eux.
La recherche de l'ARN du BCoV sur 39 prélèvements a montré sa présence dans l'épithélium de 28 d'entre eux dont 20 présentaient une atténuation de cet épithélium. Il faut retenir que l'étude a été menée sur des prélèvements de terrain issus de bovins morts de maladie respiratoire, chez lesquels une phase virale primaire a pu être suivie d'infections bactériennes secondaires. Une infection initiale par le coronavirus a ainsi pu survenir avant surinfection par d'autres pathogènes, laissant subsister de l'ARN viral dans les cellules alors que l'infection initiale par le BCoV était terminée.
L'examen des trachées issues d'animaux positifs en PCR sur poumons a montré que la quasi-totalité présentait une atténuation de l'épithélium respiratoire, accompagnée de l'identification du coronavirus dans cet épithélium pour la majorité d'entre eux.
La recherche dans les tissus pulmonaires de l'ARN du coronavirus a montré sa présence dans des zones du poumon où le virus lui-même ne pouvait pas être identifié par immunohistochimie (leucocytes alvéolaires et intravasculaires). Cette constatation est compatible avec une possible dissémination dans l'organisme via les macrophages. Cette hypothèse a déjà été évoquée pour le BCoV avec une dissémination envisageable à partir de sa porte d'entrée au niveau de l'appareil respiratoire ou de la sphère intestinale chez un même animal.
Chez un faible nombre d'animaux (5), le coronavirus a été détecté au niveau des septa alvéolaires, comme fréquemment retrouvé lors de dissémination par voie hématogène, mais il n'était pas accompagné des lésions de pneumonie interstitielle décrites dans les études d'infection expérimentale par le BCoV.
Conclusion
En utilisant de manière combinée dans cette étude deux méthodes de mise en évidence directe du BCoV, une atténuation de l'épithélium de la trachée accompagnée d'une identification du coronavirus au niveau des lésions a été fréquemment observée.
Ces résultats confirment que l'infection par le coronavirus joue très vraisemblablement un rôle actif dans le développement des maladies respiratoires bovines. ■
* BPIE : bronchopneumonie infectieuse enzootique.
Références
Rahe MC et al. Bovine coronavirus in the lower respiratory tract of cattle with respiratory disease, J Vet Diagn Invest, 2022, 34, 482-488