Interdire l'abattage rituel serait contraire au droit de l'Union européenne

La question principale à laquelle la Cour doit répondre est celle de savoir si une interdiction pure et simple de l'abattage sans étourdissement est autorisée par le droit de l'Union européenne.

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Michel JEANNEY

Protection animale

Les États membres peuvent adopter des règles plus strictes que celles prévues par le droit de l'Union européenne (UE) concernant l'abattage des animaux mais la dérogation prescrite en faveur des rites religieux doit être respectée, estime l'avocat général de la Cour de Justice de l'UE dans des conclusions rendues le 10 septembre sur une affaire qui doit être jugée. Les conclusions de l'avocat général ne lient pas la Cour. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure.

Dans une affaire soumise à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) par la Cour constitutionnelle de Belgique, l'avocat général Hogan, dans des conclusions rendues le 10 septembre, propose à la CJUE de déclarer que la législation flamande interdisant l'abattage d'animaux sans étourdissement, y compris pour les méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, n'est pas autorisée par le droit de l'UE.

« Les États membres peuvent adopter des règles plus strictes que celles prévues par le droit de l'UE. Cependant, la dérogation prescrite en faveur des rites religieux doit être respectée », estime-t-il.

Contestation d'associations juives et musulmanes

Un décret de la région flamande en Belgique, du 7 juillet 2017, portant modification de la loi relative à la protection et au bien-être des animaux concernant les méthodes autorisées pour l'abattage des animaux, a pour effet d'interdire l'abattage d'animaux selon les rites traditionnels juif et musulman et d'exiger l'étourdissement de ces animaux avant l'abattage afin de réduire leurs souffrances.

Dans ce contexte, plusieurs associations juives et musulmanes ont contesté ce texte, demandant son annulation totale ou partielle.

Le Grondwettelijk Hof (la Cour constitutionnelle de Belgique), en examinant l'affaire, a décidé de saisir la CJUE à titre préjudiciel.

La question principale à laquelle la CJUE doit répondre est celle de savoir si une interdiction pure et simple de l'abattage sans étourdissement est autorisée par le droit de l'UE, ne serait-ce qu'au regard des garanties de liberté de religion consacrées par la charte des droits fondamentaux de l'UE.

Un choix politique du législateur

L'avocat général Hogan constate qu'une dérogation prévue dans le règlement européen sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort admet la pratique de l'abattage rituel. Dans ce cadre, l'animal peut être mis à mort sans étourdissement préalable, uniquement afin d'assurer le respect de la liberté de religion et ce, alors que cette forme d'abattage n'est pas de nature à atténuer la souffrance de l'animal aussi efficacement qu'un abattage précédé d'un étourdissement.

Cette dérogation est un choix politique que le législateur de l'UE a fait. Il s'ensuit, selon lui, que la CJUE ne saurait permettre que ce choix soit vidé de sa substance par certains États membres souhaitant adopter des mesures, au nom du bien-être animal, qui auraient pour effet de réduire à néant la dérogation en faveur de certains membres de confessions religieuses.

Une dérogation certes mais d'interprétation stricte

L'avocat général affirme cependant qu'il est évident que la dérogation doit faire l'objet d'une interprétation stricte. Ainsi, alors que les États membres sont tenus de respecter les convictions religieuses en autorisant l'abattage sans étourdissement, ils ont aussi des obligations concernant le bien-être animal.

Plus précisément, ne serait pas conforme, ni à l'esprit ni à la lettre du règlement, une situation selon laquelle un produit carné issu de l'abattage rituel puisse entrer dans le circuit alimentaire et être consommé par des clients qui n'ont pas été informés du mode d'abattage.

Les conclusions de l'avocat général ne lient pas la CJUE. Ses juges commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure.

Encore plus d'infos !

Le texte intégral des conclusions de l'avocat général est disponible en ligne à l'adresse https://bit.ly/33IPHai.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1541

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