Idées roses ou idées noires ? A vous de choisir
Mercredi 30 Novembre 2022 Entreprise 45413Chaque fois qu'une idée négative germe dans votre cerveau, dites le contraire à votre SRA.
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Pierre MATHEVET
Société Tirsev
Management
Il est possible de mieux vivre les relations professionnelles, avec les clients ou ses collaborateurs. La gestion des émotions est une étape essentielle. L'enjeu est de briser des cercles vicieux négatifs. Il ne s'agit pas de sombrer dans les incantations de la psychologie positive mais garder la main sur nos cerveaux et ne pas les laisser prendre la main sur nos vies. Nous pouvons influencer positivement le filtre du système réticulé activateur et le recadrer pour voir davantage la vie en rose.
En lui laissant le contrôle, votre cerveau va biaiser votre vision du monde et entraîner des évaluations déformées de votre relation à l'autre, salariés ou dirigeants. En effet, nous recevons environ 400 000 unités d'informations à la seconde, visuelles, auditives ou sensorielles. Malgré les compétences incroyables que possède notre amalgame de 100 milliards de neurones qui constitue notre cerveau, nous sommes incapables de traiter plus de 5 à 9 informations en même temps.
Ce filtre est réalisé par une partie très spécifique de notre cerveau baptisée le SRA (système réticulé activateur). Pas plus gros qu'un petit doigt, cette partie est capable de bloquer plus de 99 % des informations simultanées reçues par nos cinq sens.
Le SRA pilote notre vision du monde
La configuration de notre SRA est basée sur notre éducation, nos croyances, nos apprentissages, nos émotions et est donc en perpétuelle évolution. Sans y prendre garde, nous le laissons filtrer les informations pour nous pousser à ne percevoir que certaines d'entre elles. C'est ainsi que notre SRA oriente notre vision du monde en portant à notre conscience une infirme partie de ce qui nous entoure. Notre SRA est donc capable de focaliser notre attention, potentiellement à notre insu.
Attention, le SRA possède tout d'abord un immense intérêt. Son premier boulot est de préserver notre intégrité et notre survie.
Il sera ainsi beaucoup plus réactif aux mauvaises nouvelles, aux risques potentiels, créant le biais de négativité de notre
cerveau. Le filtre de notre SRA triera naturellement une partie des 60 000 pensées que nous avons par jour, tout particulièrement celles traduisant en particulier nos peurs et les mauvaises nouvelles.
Ainsi 90 % de ces informations devenues conscientes sont négatives. Si vous laissez faire votre SRA, vous voyez parfois la vie en rose mais hélas, vous allez beaucoup plus souvent broyer du noir.
Ensuite si vous venez d'acheter une voiture modèle YY de la marque XX et de couleur jaune, vous aurez le sentiment d'en voir très souvent. Lorsque nous avons sélectionné certains critères, notre SRA les enregistre et sélectionne les informations correspondantes.
Des parents attendant un heureux événement auront le sentiment de voir des femmes enceintes partout. Les horoscopes jouent aussi avec votre cerveau. Ecoutés le matin, ils vont orienter votre SRA pour trier les informations et vous faire dire le soir que votre horoscope avait bien raison. Et la magie opère.
Cela fonctionne de la même manière dans le management et la gestion de la relation à l'autre. Nous nous centrons inconsciemment sur une partie seulement de la réalité. Par exemple, la perception basée sur des événements passés bien réels qu'un salarié n'est pas engagé ne nous fera voir que les aspects renforçant cette idée et occulter ou minimiser les efforts réalisés.
De même, le ressenti d'un manque de fiabilité d'un dirigeant conduira notre SRA à filtrer les événements et ne conserver en conscience que ceux qui renforcent ce sentiment.
Votre SRA : une radio intérieure qui ne dort jamais
Votre SRA vous permet de rester focalisé même pendant votre sommeil sur les événements qui vous concernent et sur lesquels vous avez orienté votre attention. Vous pouvez dormir profondément pendant un orage mais être en vigilance et donc réactif si votre enfant pleure. Si vous craignez la réunion du lendemain avec votre patron, vous avez de grandes chances de faire un cauchemar qui renforce cette peur.
Dans son rôle de filtre, votre SRA fonctionne comme une radio intérieure qui choisirait elle-même la fréquence et resterait bloquée dessus, éliminant les autres stations. Si vous avez passé une belle soirée ou que votre enfant a réussi un concours important pour lui, vous vous levez le matin et vous trouvez que la journée commence bien : le café est bon et chaud, le pain frais est comme vous l'aimez, le jus d'orange à la bonne température...
Alors ensuite, le temps perdu dans les embouteillages, le planning de consultations déjà hyper chargé en arrivant, la commande qui n'a pas été livrée ce matin, la propriétaire ou l'éleveur pénible à rappeler n'ont qu'une importance toute relative. Finalement, tout cela n'est pas si grave.
A l'inverse, si vous vous êtes embrouillés dans votre couple la veille au soir ou que vous venez de recevoir une mauvaise nouvelle de votre banquier, vous vous focalisez sur le manque de vos dosettes de café préférées, un beurre qui s'étale mal, le temps perdu derrière la benne de ramassage des ordures, la tension que vous ressentez dans la clinique ou le chien hospitalisé dont l'état s'est dégradé.
Il suffit de trois contrariétés mineures pour que, sans contrôle, votre SRA se mette à déraper et ne sélectionne que les informations négatives et finalement aboutisse à « Quelle journée pourrie ! ». Alors que sauf événement exceptionnel, elle ne fut qu'une journée comme les autres, avec ses bonnes nouvelles et ses contrariétés et ses frustrations.
Notre SRA est manichéen. C'est blanc ou noir, ou plutôt noir ou rose. Même s'il peut traiter jusqu'à 9 informations à la fois, il n'est capable de ne porter son attention que sur un seul élément et pousser ainsi à un jugement très tranché.
Recadrer notre SRA
L'enjeu est de pouvoir briser des cercles vicieux négatifs très fréquents de nos jours vu l'environnement anxiogène dans lequel nous vivons. Plus nous nous sentons fragilisés, avec des relations professionnelles difficiles ou génératrices de tensions intérieures, plus, sans y prendre garde, notre cerveau va naturellement nous biaiser en nous faisant croire que les choses empirent.
Il ne s'agit pas de sombrer dans les incantations faciles de la psychologie positive mais de garder la main sur nos cerveaux et ne pas les laisser prendre la main sur nos vies. La bonne nouvelle est que nous pouvons influencer positivement ce filtre et le recadrer pour voir davantage la vie en rose.
L'enjeu est de mieux vivre les relations professionnelles, celles avec les clients ou avec ses collaborateurs. Comme le font les algorithmes des moteurs de recherche ou les publicités ciblées sur les réseaux sociaux basées sur les cookies, nous renforçons ce sur quoi nous portons notre attention.
Dans ce processus, la gestion des émotions est une étape essentielle : sortir des ruminations, passer à l'action en étant orienté vers les solutions, se centrant sur les options agréables possibles. Ensuite il faut éviter d'exposer son cerveau aux informations négatives, aux mauvaises nouvelles, le paradis des chaînes d'information en continu. Fuir les films ou les livres déprimants, les amis dépressifs ou rabâchant toujours les mêmes problèmes. Cela ne peut donner que des signaux négatifs à votre SRA et le pousser à agir dans ce sens.
Il existe deux habitudes à essayer d'ancrer dans votre quotidien en dialoguant avec votre SRA, en jouant sur son point faible : son attachement à ce que vos pensez en conscience et à vous donner alors raison si vous lui donnez le choix.
Premièrement : faire une double liste objective des problèmes, les points négatifs de votre vie actuelle d'un côté et de l'autre, les réussites, les points positifs, les solutions possibles. Cela peut être fastidieux mais c'est l'occasion de montrer à votre SRA ce que vous souhaitez noir sur blanc. Si votre salarié n'est pas au niveau escompté dans tel ou tel domaine, au lieu de laisser votre SRA continuer à vous montrer tous les jours les points faibles, imaginez la formation et l'apprentissage à mettre en place.
Une fois cela fait, poussez votre cerveau à voir les progrès concrets réalisés, ce qui vous conduira à faire des signes de reconnaissance positifs et amplifier les progrès.
Deuxièmement : discuter avec le SRA, ne pas le laisser seul sur sa longueur d'onde intérieure. Chaque fois qu'une idée négative germe dans votre cerveau, dites le contraire à votre SRA. « Je sens que cela va encore être une journée avec une sale ambiance à la clinique ». « Et bien non je ne pense pas, cela va bien se passer car Magali travaille aujourd'hui ». Cela marche car votre SRA vous fait confiance et vous l'orientez vers le résultat espéré.
« Si la matière grise était plus rose, le monde aurait moins les idées noires », disait Pierre Dac. Peut-être connaissait-il le SRA ? ■