Hyperthyroïdie et rein : la place de la SDMA

Près de 30 % des chats de plus de 15 ans sont atteints de MRC et environ 10 % des chats de plus de 8 à 10 ans, d'hyperthyroïdie.

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Cécile LEFEBVRE

Néphrologie

Le laboratoire Idexx a organisé des conférences sur l'apport de la SDMA dans la prise en charge des maladies rénales du chat, le 2 juin, à Nantes. Notre consoeur Julie Gallay-Lepoutre (diplômée du Collège américain de médecine interne) a présenté le lien particulier entre maladie rénale chronique et hyperthyroïdie et l'apport de la SDMA dans la prise en charge thérapeutique de ces atteintes. L'existence de la première impacte en effet la prise en charge thérapeutique de la deuxième.

La maladie rénale chronique (MRC) et l'hyperthyroïdie sont assez fréquentes chez le chat âgé.

Près de 30 % des chats de plus de 15 ans sont atteints de MRC et environ 10 % des chats de plus de 8 à 10 ans, d'hyperthyroïdie.

Il est tout à fait possible de rencontrer concomitamment ces deux atteintes chez un chat âgé.

Là où les choses se compliquent, c'est que les hormones thyroïdiennes ont d'importants impacts sur la fonction rénale. 15 à 50 % des chats traités pour une hyperthyroïdie développent une azotémie dans les 6 mois suivant l'initiation du traitement.

La présence d'une MRC va impacter la prise en charge thérapeutique de l'hyperthyroïdie et le pronostic général. La mise en évidence d'une MRC azotémique pré-traitement diminue l'espérance de vie des chats hyperthyroïdiens.

Les hormones thyroïdiennes agissent à différents niveaux sur la fonction rénale :

- augmentation de la sensibilité du myocarde aux catécholamines résultant en une augmentation du débit cardiaque ;

- diminution des résistances vasculaires périphériques, provoquant un sous-remplissage vasculaire qui active le système rénine-angiotensine-aldostérone, aboutissant à une rétention hydro-sodée, ayant tendance à augmenter la volémie.

La résultante est une augmentation du flux sanguin rénal, donc de la pression intraglomérulaire. Ceci conduit à une augmentation du débit de filtration glomérulaire (DFG). L'augmentation de la pression glomérulaire promeut par ailleurs la protéinurie.

L'augmentation du DFG chez le chat hyperthyroïdien peut masquer une MRC débutante.

Il est pertinent de se poser les questions suivantes chez l'animal hyperthyroïdien :

- l'augmentation du travail rénal provoquée par les hormones thyroïdiennes est-elle délétère pour le rein ? ;

- que se passe-t-il lorsque l'on traite l'animal ? ;

- comment évaluer la fonction rénale d'un animal hyperthyroïdien puisque nos marqueurs sont souvent liés à la fonction de filtration glomérulaire mais que celle-ci est modifiée par l'hyperthyroïdie ?

Impacts du traitement de l'hyperthyroïdie sur le rein

Il est important de préciser le statut rénal du patient avant la mise en place du traitement. En effet, en rétablissant un état euthyroïdien, deux conséquences peuvent être anticipées :

- la correction de l'hyperfiltration va permettre de lutter contre la protéinurie, ce qui serait bénéfique pour le rein : les études montrent en effet une baisse du RPCU (ratio protéines/créatinine urinaire) et des marqueurs de lésion ou de dysfonctionnement tubulaire lorsque l'on traite l'hyperthyroïdie ;

- la normalisation du DFG (qui survient généralement au bout d'un mois d'euthyroïdie) : en cas de MRC sous-jacente en amont du traitement, masquée par l'augmentation du DFG provoquée par les hormones thyroïdiennes, la mise en place du traitement va révéler la MRC et peut aboutir à une azotémie, voire des signes cliniques d'urémie ; l'azotémie peut apparaître jusque six mois après l'obtention d'une euthyroïdie ; en traitant une maladie, on peut révéler une autre parfois plus délétère cliniquement.

L'azotémie pré-traitement est identifiée comme un facteur pronostique négatif, avec une diminution significative de l'espérance de vie.

L'apparition d'une azotémie post-traitement n'a pas d'impact sur la survie d'après les études (car la maladie rénale évolue longuement) mais influe sur la qualité de vie de l'animal.

Les options thérapeutiques disponibles chez le chat hyperthyroïdien sont résumées dans le tableau n° 1.

Évaluer la fonction rénale des chats hyperthyroïdiens avant la mise en place du traitement

L'objectif est de déterminer si un chat hyperthyroïdien va, suite au traitement, développer une azotémie. Les marqueurs traditionnellement utilisés (urée, créatinine) sont étroitement corrélés au DFG. Ils sont par conséquents peu pertinents dans cette évaluation car nécessairement affectés par l'augmentation du DFG que provoque l'hyperthyroïdie.

De plus, les animaux hyperthyroïdiens présentent une fonte musculaire, ce qui diminue la valeur de la créatininémie.

D'autres marqueurs ont été évalués : l'index NAG (marqueur de lésion tubulaire), RBP (retinol binding protein, marqueur de fonction tubulaire) ou encore la cystatine C (marqueur du DFG). Aucun ne s'est révélé être un bon marqueur prédictif.

Une étude de 2018* s'est donc intéressée à la capacité de la SDMA à être un bon marqueur prédictif, en comparaison à la densité urinaire et à la créatinine. La SDMA ne répond pas complètement à la problématique car il s'agit, comme la créatinine, d'un marqueur du DFG mais à la différence de la créatinine, elle n'est pas affectée par la fonte musculaire.

Ainsi, selon les valeurs seuils choisies, il est possible d'obtenir un bon équilibre entre sensibilité et spécificité. Les résultats sont résumés dans le tableau n° 2.

S'il n'existe pas de marqueur parfait, l'évaluation combinée de la densité urinaire, de la créatinine et de la SDMA permet de définir un risque de développement d'une azotémie post-traitement.

Lorsque ce risque est présent, il est recommandé de commencer par un traitement réversible afin de surveiller l'apparition d'une éventuelle azotémie, son degré et ses conséquences cliniques avant d'envisager un traitement définitif.

L'apparition d'une azotémie légère, sans signe clinique majeur, n'est pas pour autant une contre-indication à un traitement définitif, surtout si le traitement permet en parallèle une amélioration de la protéinurie.

Il conviendra en suivi de mesurer également le RPCU : une amélioration suite à la mise en place du traitement signe une origine thyroïdienne du problème alors qu'une absence d'amélioration indique une origine plutôt rénale.

Il est donc impératif de réaliser, pour chaque patient, la balance coût/bénéfice grâce à l'essai thérapeutique et au suivi des paramètres cliniques et paracliniques, en particulier lors des six premiers mois suivant la mise en place du traitement.

Importance de l'hypothyroïdie iatrogène chez le chat hyperthyroïdien

Chez certains chats, suite à la mise en place du traitement, il est possible d'aboutir à une hypothyroïdie iatrogène. Or, l'hypothyroïdie va baisser le DFG (c'est un phénomène bien décrit chez le chien, où le DFG va réaugmenter avec le traitement de l'hypothyroïdie).

Si cette hypothyroïdie iatrogène provoque rarement des signes cliniques, elle augmente donc le risque d'azotémie et les études ont prouvé que, dans ce contexte, il s'agissait d'un facteur pronostique négatif.

Il est donc essentiel de la rechercher et de la corriger le cas échéant. Le diagnostic d'hypothyroïdie repose sur la mesure de T4 et de TSH, dont l'augmentation est rapportée comme plus sensible et spécifique que les variations de la T4.

En conclusion, notre consoeur a rappelé la relation très forte entre hyperthyroïdie et MRC en raison de l'impact des hormones thyroïdiennes sur le DFG. Il conviendra donc de bien monitorer la fonction rénale suite à la mise en place du traitement, particulièrement lors des six premiers mois.

Il est aussi essentiel de dépister une éventuelle hypothyroïdie iatrogène et de la corriger au besoin. 

* Peterson et al., 2018. Evaluation of Serum Symmetric Dimethylarginine Concentration as a Marker for Masked Chronic Kidney Disease in cats with Hyperthyroidism. J Vet Intern med, 32 : 295-304.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1462

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