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Fraude à la viande de cheval : des vétérinaires mis en accusation

Des propriétaires pensaient confier leurs chevaux pour une retraite en pâture alors qu'ils étaient en réalité conduits à l'abattoir.

© M.L.

Maud LAFON

Santé publique

Le scandale de la viande de cheval mis à jour il y a plusieurs années fait l'objet d'un procès qui s'est ouvert à Marseille, le 7 juin. Parmi les prévenus figurent plusieurs vétérinaires, contractuels de la DDPP* et praticiens. Des falsifications de feuillets de traitement médicamenteux ont permis l'entrée dans la filière bouchère de chevaux interdits à la consommation.

Dix-huit professionnels de l'abattage et du commerce de viande de cheval (treize présents et cinq représentés), dont des vétérinaires et auxiliaires vétérinaires ainsi qu'une société de vente en gros du sud de la France, sont jugés, à Marseille, pour une fraude concernant de la viande de cheval, constatée en 2015 dans plusieurs pays européens. Ce procès a démarré le 7 juin.

Les prévenus auraient pris part, selon les propos de la juge d'instruction rapportée par Le Monde dans ses éditions du 11 mai et du 8 juin, à « un vaste trafic international de chevaux reposant sur la falsification de leurs carnets d'identification et documents sanitaires afin de permettre leur abattage et la vente de leur viande aux boucheries pour la consommation humaine ».

Parmi les vétérinaires impliqués, figurent aussi quatre Belges et deux Néerlandais. Tous les prévenus sont jugés pour « escroquerie en bande organisée » et « tromperie entraînant un danger pour la santé humaine » dans l'un des volets d'un scandale qui, en 2013, avait provoqué une forte défiance chez les consommateurs de viande chevaline.

Les dix-huit prévenus forment, aux yeux du parquet, une chaîne de responsabilités ayant abouti, entre 2010 et 2015, à faire entrer dans la filière alimentaire humaine « une quantité considérable » de chevaux impropres ou non éligibles à la consommation. Cette fraude a été permise par des falsifications des carnets d'identification et des fichiers de traitement médicamenteux des animaux.

Feuillets de traitement médicamenteux vierges

Chez les vétérinaires mis en accusation, des feuillets de traitement médicamenteux vierges ont été retrouvés au fil des perquisitions par les enquêteurs.

Le pivot de cette affaire, un des plus importants négociants européens de chevaux, faisait abattre en France, à Pézenas (Hérault) mais surtout à Alès (Gard), quelque 3 000 chevaux, principalement pour le compte d'un grossiste local, fournisseur de quelque 80 détaillants. Les chevaux étaient acquis dans les Ardennes, dans l'Ain, en Gironde, aux Pays-Bas et en Allemagne auprès de fournisseurs de chevaux dont certains ont reconnu que certains animaux n'étaient pas en règle.

Une enquête conduite par l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire belge sur 1 350 chevaux abattus à Alès avait conclu que 473 l'avaient été alors qu'ils auraient dû être exclus de la chaîne alimentaire en raison d'une non conformité des passeports ou d'un problème d'identification et 57 autres, en raison d'une identité falsifiée. Pour 87 autres équidés tués, des annexes de « traitement médicamenteux » avaient été insérées illégalement et trois faux tampons utilisés sur 65 passeports.

Cet abattoir avait été dénoncé en 2015 par l'association L214 pour des actions de maltraitance.

Le vétérinaire officiel de l'abattoir d'Alès, employé par la DDPP* de l'Hérault, a fait partie des premiers à s'expliquer dans cette affaire, réfutant toute complicité de tromperie mais « assume des erreurs flagrantes », notamment sur la vérification des feuillets de traitement médicamenteux.

Des propriétaires parties civiles

Lors du procès, la présidente du tribunal a mentionné un rapport de 2012 de la Commission européenne sur les abattoirs français soulignant la surcharge de travail des vétérinaires, « qui n'ont pas le temps d'accomplir toutes les tâches prévues par la réglementation européenne » et travaillent avec des bases de données sur les chevaux loin d'être à jour, notamment sur les informations relatives à l'exclusion pour l'alimentation humaine.

A Pézenas, la vétérinaire avait rapidement alerté sur les chevaux livrés par le négociant car elle recevait des plaintes de propriétaires pensant avoir mis leur cheval en retraite en pâture alors qu'ils étaient en fait conduits à l'abattoir. Des propriétaires se sont d'ailleurs portés parties civiles.

Ce premier procès sera suivi de deux autres dossiers également instruits au pôle santé publique du tribunal judiciaire de Marseille. En janvier 2023, des pratiques similaires conduiront 25 prévenus français, espagnols et italiens - dont huit vétérinaires - devant le tribunal. L'abattoir concerné est celui de Narbonne (Aude) et son acteur principal est un grossiste local en viande. Les chevaux concernés sont 189 individus réformés de la ferme laboratoire de Sanofi-Pasteur d'Alba-la-Romaine (Ardèche), strictement interdits à l'abattage en vue de la vente en boucherie.

En septembre 2023, ce sera au tour de sept professionnels du cheval et deux sociétés de l'Isère de répondre de tromperie et d'escroquerie en bande organisée. Les chevaux ont été acquis auprès de 150 particuliers sous la promesse de poulinage, de pratiquer des randonnées ou d'équithérapie auprès d'enfants handicapés.

Le SNVEL** et le Cnov*** sont parties civiles contre deux vétérinaires, un praticien et un contractuel, dans la première affaire. 

* DDPP : Direction départementale de la protection des populations.

** SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

*** Cnov : Conseil national de l'Ordre des vétérinaires.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1624

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