Auto-promo vacances ETE 2025 DV

Fièvre Q : un risque sous-estimé par les professionnels

Les élevages de petits ruminants sont plus touchés que les élevages de bovins.

© Christophe Baudot - Fotolia-com

Maud LAFON

Zoonose

Réalisée par l'institut Viavoice à la demande du Comité d'experts Fièvre Q, une étude, présentée le 18 mai, révèle une perception atténuée de l'ampleur et de la gravité de la maladie dans les élevages de ruminants. Ce risque minimisé va de pair avec des connaissances encore hétérogènes sur cette zoonose. La sensibilisation et l'information sur la fièvre Q apparaissent comme nécessaires.

Créé en janvier 2020 (lire DV n° 1549) et présidé par nos confrères Raphaël Guattéo et Christophe Brard, le Comité Fièvre Q a présenté, le 18 mai, les résultats d'une étude, menée par l'institut Viavoice à sa demande, qui a fait le point des perceptions des éleveurs, des vétérinaires et des médecins concernant cette maladie.

Pour rappel, la fièvre Q est une zoonose causée par la bactérie Coxiella burnetti. Elle peut affecter les ruminants (bovins, ovins, caprins) et se transmettre à l'Homme, le plus souvent par voie respiratoire.

L'étude a montré que seuls 10 % des éleveurs de ruminants et 30 % des vétérinaires en France la perçoivent comme une menace, même si le taux de notoriété de la maladie grimpe à 76 % chez les éleveurs. 30 % des médecins exerçant en zone rurale considèrent que la fièvre Q représente un risque élevé pour la santé.

Seul un éleveur sur dix (12 %) déclare y avoir été confronté et un vétérinaire sur deux (49 %) avoir eu un éleveur touché dans sa clientèle. Ce taux chute à 25 % chez les médecins en zone rurale dès lors qu'ils déclarent avoir eu un patient atteint ou suspect d'avoir contracté cette zoonose.

Consolider le socle de connaissances

Si le socle de connaissances sur la maladie existe chez les professionnels de santé, il semble nécessaire de le consolider, l'enquête ayant révélé une proportion élevée de « ne se prononce pas », y compris chez les vétérinaires qui ne sont par exemple que 33 % à affirmer que la fièvre Q est une zoonose et 21 % à ne pas se prononcer sur cette question.

« La sous-estimation du risque associé à la fièvre Q est probablement à mettre en relation avec un niveau de connaissances encore hétérogène sur cette maladie », estime le Comité Fièvre Q.

Ces perceptions sont en effet en décalage avec la réalité de cette infection puisque les études de séroprévalence montrent que plus de la moitié des troupeaux caprins et ovins et près de 30 % des troupeaux bovins seraient exposés à la fièvre Q en France, comme l'a rappelé notre consoeur Renée de Crémoux, chef de projet R&D au département Qualité des produits, bien-être et santé à l'Institut de l'élevage et membre du Comité Fièvre Q.

Elle a souligné le cas particulier des élevages de petits ruminants, plus touchés que les élevages de bovins (prévalence de 61 % dans les élevages caprins, 56 % dans les élevages ovins et 36 % dans les élevages bovins).

Anticorps chez 90 % des vétérinaires

Chez l'Homme, une récente enquête de prévalence, réalisée dans deux départements du Grand Ouest à forte activité d'élevage bovin, a permis d'estimer que 56 % des éleveurs, 90 % des vétérinaires ainsi que 12 % des donneurs de sang dans la population globale présentaient des anticorps indiquant qu'ils avaient déjà été en contact direct avec la bactérie responsable de la maladie. Environ 200 personnes sont hospitalisées chaque année en France pour une fièvre Q.

Concernant la symptomatologie de la maladie, deux signes sont listés en priorité : les avortements cités par 43 % des éleveurs de bovins et 70 % des vétérinaires et la fièvre (respectivement 27 et 22 %).

Chez l'Homme, les médecins citent en premier la fièvre (67 %) devant la triade douleurs musculaires et articulaires (29 %), problèmes respiratoires (24 %) et fatigue (23 %).

Ces expressions cliniques sont pourtant loin d'être les seules observées sur le terrain, comme l'a rappelé notre consoeur Kristel Gache, épidémiologiste chez GDS France, animatrice du groupe d'investigation Fièvre Q de la Plateforme Epidémiosurveillance en Santé animale et membre du Comité Fièvre Q.

Forme chronique invalidante

Les impacts de la maladie sont cliniques et économiques puisqu'on constate jusqu'à 20 % de réduction de la production laitière chez les animaux infectés. Chez l'Homme, si 60 % des malades sont asymptomatiques, 40 % présentent un symptôme grippal, 4 % doivent être hospitalisés et le risque de passage à une forme chronique invalidante est de 2 %.

Selon Renée de Crémoux, il serait important d'intégrer la fièvre Q à un dispositif plus large de diagnostic différentiel des avortements. C'est le principe du dispositif Oscar (Observatoire et suivi des causes d'avortements chez les ruminants).

La partie de l'étude consacrée aux mesures de maîtrise de la fièvre Q a, là encore, révélé un décalage entre connaissances et mise en pratique.

65 % des vétérinaires estiment difficile de convaincre les éleveurs de déclarer les avortements et 70 % soulignent l'écueil représenté par le financement des analyses. La déclaration des avortements est pourtant obligatoire dans le cadre de la surveillance de la brucellose et le financement de la visite vétérinaire est assuré par l'Etat.

Bonne maîtrise technique supposée

La partie technique des mesures de maîtrise est par contre considérée comme facile à mettre en oeuvre (choix des animaux à prélever, savoir quelles méthodes diagnostiques employer, quels prélèvements effectuer).

Les éleveurs, comme les vétérinaires, connaissent un assez large panel de mesures de maîtrise mais toutes ne sont pas spécifiques à la fièvre Q.

Ainsi, l'isolement des animaux arrive en première position, cité par la moitié des éleveurs et des vétérinaires, alors qu'un isolement efficace est peu réaliste en élevage. La vaccination est citée en deuxième position (par 31 % des éleveurs et 35 % des vétérinaires).

Parmi les éleveurs qui ont été confrontés à la fièvre Q, seul 1 sur 2 a mis en place, à cette occasion, des mesures de protection : des mesures d'hygiène personnelle pour 85 % d'entre eux (se laver les mains, changer de tenue, la désinfection après l'intervention sur les animaux, porter un masque et mettre des gants). La vaccination est la deuxième mesure mise en oeuvre dans ce contexte.

Problème de diagnostic

Toutefois, seul un quart des éleveurs confrontés à la fièvre Q ont vacciné leur troupeau. De fait, la vaccination est envisagée comme une solution d'urgence plutôt que de prévention : 45 % des vétérinaires prescrivent la vaccination lorsqu'il y a des cas cliniques dans l'élevage et 43 % si l'élevage a été testé positif.

Notre confrère Eric Collin, président de la commission Epidémiologie de la SNGTV* et membre du Comité Fièvre Q, remarque que le diagnostic de la fièvre Q, indispensable à la surveillance et à la maîtrise de la maladie, semble poser problème aux vétérinaires.

Il relève deux freins majeurs : la difficulté à convaincre les éleveurs de déclarer les avortements (seul un avortement sur trois ferait l'objet d'une déclaration chez les bovins) mais aussi la méthodologie du diagnostic lui-même, qui soulève certaines questions (choix des animaux à prélever, protocole...) et fait que 6 % des résultats se révèlent non utilisables en bovins du fait de non conformité sur des prélèvements (selon le bilan 2020 du dispositif Oscar).

Travailler en collaboration avec la sphère médicale

« Cette étude confirme notre ressenti au sein du Comité Fièvre Q, à savoir le besoin de sensibiliser, informer, aider les éleveurs et les vétérinaires à l'étape du diagnostic et travailler en plus étroite collaboration avec la sphère médicale humaine », a conclu Raphaël Guattéo en soulignant un risque perçu en deçà de la réalité de circulation de la maladie sur le territoire.

« Cette première vision nationale des perceptions et des besoins des professionnels montre la nécessité d'objectiver l'importance du risque zoonotique, de renforcer les connaissances sur la maladie et de favoriser l'accès à des protocoles concertés et simplifiés », a-t-il ajouté.

« Nous souhaitons contribuer à réactiver la lutte collective contre la fièvre Q en France, pour surveiller, diagnostiquer et réduire la circulation de la fièvre Q dans les élevages. Il fallait pour cela dresser le constat des leviers et des freins sur le terrain. Notre prochaine étape : apporter des réponses pratiques ciblées et adaptées aux besoins de chacun », a poursuivi Christophe Brard.

Ces réponses prendront notamment la forme de fiches pédagogiques à destination des éleveurs et des vétérinaires, qui préciseront les modalités du diagnostic, les mesures de maîtrise, etc. Une dizaine de fiches sont déjà prêtes et d'autres suivront dans l'année. Elles seront mises en ligne sur le site du Comité Fièvre Q (www.comitefievreq.com) début juin.

Un webinaire à destination des éleveurs et des vétérinaires est également prévu en septembre.

* SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1576

Envoyer à un ami

Mot de passe oublié

Reçevoir ses identifiants