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Pharmacovigilance : Gentamicine et insuffisance rénale chez un chien : quel est votre avis ?

A la fin du troisième jour de traitement par la gentamicine, le chien présentait une diarrhée hémorragique suivie d'une polyuro-polydipsie, une baisse d'appétit et une perte de poids.

© Anses

Elisabeth BEGON

Sylviane LAURENTIE

Anses-ANMV*, département Pharmacovigilance

(35306 Fougères)

Exposé

Pour traiter une infection due à un Pseudomonas multirésistant, un chien fox terrier de 6 ans reçoit de la gentamicine par voie systémique pendant 3 jours. De retour chez lui à la fin du troisième jour de traitement, le chien présente une diarrhée hémorragique, suivie d'une polyuro-polydipsie, d'une baisse d'appétit et d'une perte de poids.

Une insuffisance rénale avec glycosurie et acidose métabolique est diagnostiquée.

Il est hospitalisé et traité avec une perfusion complémentée en bicarbonates, des vitamines, du métronidazole, du maropitant, de la ranitidine et de la smectite.

Quel est votre avis ?

Réponses : l'avis du pharmacovigilant

Les infections à germes multirésistants obligent à recourir à des antibiotiques potentiellement moins bien tolérés que les antibiotiques dits de première intention. C'est le cas de la gentamicine, qui présente entre autres une néphrotoxicité, en particulier lorsqu'elle est administrée par voie systémique.

La néphrotoxicité des aminosides s'exerce par une baisse du débit de filtration glomérulaire, des lésions glomérulaires ainsi que des lésions tubulaires directes (néphrite tubulo-interstitielle et nécrose tubulaire). Les tubules proximaux en particulier sont touchés, c'est pourquoi une glycosurie est souvent observée.

Dans le cas présent, le délai de survenue des symptômes et les résultats des examens complémentaires mettant en évidence une insuffisance rénale accompagnée de glycosurie (syndrome de Fanconi acquis) sont tout à fait compatibles avec un effet indésirable de la gentamicine administrée.

Le traitement d'un tel effet indésirable passe bien sûr par une mise sous perfusion intraveineuse. L'administration de certaines vitamines semble être efficace afin de limiter le stress oxydatif qui est un des mécanismes de la toxicité de la gentamicine3. Si elle est détectée et traitée précocement, l'insuffisance rénale induite par la gentamicine est le plus souvent transitoire.

Lors de traitement avec de la gentamicine par voie systémique, il est fortement conseillé de contrôler la fonction rénale avant, pendant et après le traitement, et de mettre sous perfusion au moindre signe d'insuffisance rénale2.

Lorsque la gentamicine est utilisée pour traiter une pyélonéphrite, il est même fortement recommandé de mettre sous perfusion pendant toute la durée du traitement.

De nombreux schémas thérapeutiques sont conseillés dans la littérature, faisant état de doses, de voies d'administration et de durée de traitement différentes, notamment en fonction de l'infection à traiter, mais il semble admis que l'administration une seule fois par 24 heures offre la meilleure efficacité, tout en diminuant le risque de néphrotoxicité1.

Par leurs déclarations de pharmacovigilance, les vétérinaires contribuent à une amélioration constante des connaissances sur les médicaments et permettent ainsi leur plus grande sécurité d'emploi. Contribuez à cette mission en déclarant : https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr/

* Anses-ANMV : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail-Agence nationale du médicament vétérinaire.

Bibliographie

1. Albarellos G., Montoya L., Ambros L., Kreil V., Hallu R., Rebuelto M. Multiple once-daily dose pharmacokinetics and renal safety of gentamicin in dogs (2004). Journal of Veterinary Pharmacology and Therapeutics, 27 (1), pp. 21-25.

2. Balakumar P., Rohillab A., Arunachalam Thangathirupathia A., Gentamicin-induced nephrotoxicity: Do we have a promising therapeutic approach to blunt it ? Pharmacological Research 62 (2010) 179-186.

3. Mashayekhi M., Valilou M.R.Protective effects of vitamin E and vitamin C on gentamicin-induced nephrotoxicity in sheep .2012, Journal of Animal and Veterinary Advances 11(15), pp. 2618-2622.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1448

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