Pharmacovigilance : Ciclosporine et anorexie prolongée chez un chat : quel est votre avis ?

Le chat est présenté à la consultation pour anorexie depuis deux jours.

© Eric Fresnay

Fanny BELLEBEAU-BARBIER

CPVL

VetAgro Sup

Sylviane LAURENTIE

Anses-ANMV

Département de pharmacovigilance

(35306 Fougères)

Exposé

Un chat européen stérilisé âgé de 11 ans est présenté à la consultation pour anorexie soudaine depuis deux jours.

Lors de son examen clinique, le vétérinaire met en évidence un inconfort à la palpation abdominale en zone crâniale.

Ce chat présente par ailleurs une dermatite allergique depuis plusieurs années, bien stabilisée par un traitement à la ciclosporine depuis 1 mois (7 mg/kg sid).

Les signes cliniques étant peu spécifiques, le vétérinaire réalise des analyses biochimiques, sérologiques, hématologiques et urinaires, qui ne révèlent aucune anomalie (notamment fPL normale, FIV-/FeLV-). 

Le chat est rendu à ses propriétaires après injection de dexaméthasone longue action (0,05 mg/kg).

Trois jours après, en l'absence d'amélioration, le chat est hospitalisé pour déshydratation. Le traitement habituel est suspendu, le chat est mis sous perfusion.

Les jours suivants, en l'absence de reprise spontanée de l'alimentation, le chat est traité avec de la mirtazapine (1 mg/kg tous les 3 jours), sans succès.

Une échographie abdominale est réalisée le quatrième jour de l'hospitalisation et révèle une hépatomégalie modérée et une hyperéchogénicité du parenchyme hépatique.

Une réalimentation forcée est mise en place. 

La reprise d'alimentation spontanée survient 3 jours plus tard, après 8 jours d'hospitalisation.

Quelle est l'hypothèse diagnostique la plus plausible ?

Comment expliquez-vous la persistance de l'anorexie ?

Réponses : l'avis du pharmacovigilant

Quelle est l'hypothèse diagnostique la plus plausible ?

L'anorexie est un effet indésirable attendu, bien que très rare (comme mentionné dans le RCP, observée sur moins de 1 animal sur 10 000) lors de traitement par la ciclosporine chez le chat, avec des délais d'apparition variables. 

Dans une étude rétrospective menée sur 50 chats sous traitement pour dermatite allergique, 8 chats ont présenté une perte de poids (associée ou non à des troubles digestifs), 2 chats de l'anorexie associée à des vomissements et/ou diarrhée et 1 chat, de l'anorexie avec lipidose hépatique. Les délais d'apparition des signes variaient de quelques jours à quelques mois (2 mois pour le chat avec lipidose hépatique)*.

Dans le cas présent, la chronologie (apparition un mois après la mise en place du traitement) alliée à l'absence d'anomalie décelable sur les bilans biologiques renforce la suspicion.

L'anorexie restant cependant très peu spécifique chez le chat, la responsabilité du médicament reste délicate à prouver et seule une épreuve de réintroduction de la ciclosporine permettrait de conclure définitivement.

Comment expliquez-vous la persistance de l'anorexie ?

Une anorexie complète et prolongée chez le chat peut être à l'origine d'une lipidose hépatique, suggérée dans le cas présent par les modifications décelées à l'échographie. Cette complication a également été décrite dans les cas d'anorexie liée à la ciclosporine*.

Elle peut brouiller l'analyse chronologique du cas en différant la reprise de l'alimentation spontanée malgré l'arrêt du médicament.

Par leurs déclarations de pharmacovigilance, les vétérinaires contribuent à une amélioration constante des connaissances sur les médicaments et permettent ainsi leur plus grande sécurité d'emploi. Contribuez à cette mission en déclarant : https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr/

* Bibliographie :

Heinrich NA and al.: Adverse events in 50 cats with allergic dermatitis receiving ciclosporin, Vet Dermatol., 2011, 22(6), 511-20.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1446

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