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Faire face au manque de vétérinaires spécialistes en France

La croissance de la médecine vétérinaire spécialisée en France accompagne celle du reste du secteur vétérinaire.

© David Quint

Corinne DESCOURS-RENVIER

Exercice

Un récent rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux propose des pistes pour répondre à la demande en vétérinaires spécialistes en France. Quel sera en particulier le rôle des écoles vétérinaires dans ce domaine ? Conserveront-elles leur place en matière de formation et de recherche ? Les auteurs préconisent notamment une meilleure reconnaissance des diplômes délivrés par les boards européens et américains et une adaptation du cahier des charges des Centres hospitaliers vétérinaires.

Pour répondre aux besoins en vétérinaires spécialistes, le ministère de l'Agriculture, de l'Agro-alimentaire et de la Forêt a chargé le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) d'une mission d'étude sur «  le développement de la médecine spécialisée des carnivores et animaux de sport au sein des écoles nationales vétérinaires (ENV)  ».

Après avoir rencontré les responsables d'enseignement des quatre ENV françaises ainsi que les principaux acteurs socio-économiques et institutionnels du secteur, les membres de la mission ont publié leur rapport en mars dernier.

La France manque de vétérinaires spécialistes

La croissance de la médecine vétérinaire spécialisée en France accompagne celle du reste du secteur vétérinaire. « Les dépenses vétérinaires ont augmenté de 72 % ces dix dernières années  », souligne en effet le CGAAER. De plus en plus de propriétaires d'animaux de compagnie et de sport souhaitent avoir accès à une médecine vétérinaire de pointe.

Compte tenu des investissements nécessaires pour exercer, les vétérinaires spécialistes se regroupent le plus souvent dans des cliniques spécialisées, des centres hospitaliers vétérinaires (CHV) ou des centres de vétérinaires spécialistes (CVS).

La différence entre ces structures, définie par l'arrêté du 13 mars 2015, tient principalement à la nature des spécialistes présents et à l'obligation faite aux CHV de fournir un service continu à leurs clients.

En France, «  la croissance économique annuelle des CHV est à deux chiffres depuis plusieurs années  », constatent les auteurs du rapport, «  mais elle reste fragile en raison du manque de vétérinaires spécialistes ».

Il n'existe pour l'instant que dix CHV dans notre pays : huit pour les animaux de compagnie et deux pour les équidés. Selon le CGAAER, il en faudrait une cinquantaine pour répondre aux seuls besoins des animaux de compagnie.

Paradoxe des centres hospitaliers universitaires vétérinaires

Les ENV ont de leur côté développé des centres hospitaliers universitaires vétérinaires (CHUV) à vocation pédagogique mais leur attractivité reste limitée par rapport à celle du secteur privé, notamment pour des raisons de rémunération.

Les auteurs du rapport déplorent en effet la «  faible présence de vétérinaires spécialistes cliniciens dans le secteur académique  » en France. Les ratios public-privé pour la Belgique et l'Allemagne sont par exemple de 63/37 et de 40/60, contre 30/70 dans notre pays (voir figure).

Plus grave encore, certaines disciplines sont dans un état jugé «  critique  » par le CGAAER. En imagerie médicale par exemple, le ratio public-privé atteint 10/90 en France, à comparer à la moyenne européenne de 58/42.

Or, comme le rappelle le rapport, la présence de spécialistes au sein des ENV «  est indispensable pour la formation initiale des étudiants  ». Elle contribue aussi «  à tirer vers le haut le niveau de la science vétérinaire dans tous les domaines  ».

«  Générant une activité lucrative pour les soins cliniques et la formation continue, les CHUV disposent de personnels qualifiés et d'équipements de pointe  », poursuivent les auteurs du rapport. «  Mais ils fonctionnent peu en réseau, développent peu la formation continue ou les interactions avec les CHV et sont handicapés du fait des plafonds d'emplois et de masse salariale.  » La situation des CHUV semble pour le moins paradoxale.

Comment augmenter le nombre de vétérinaires spécialistes en France

«  La France souffre d'un déficit de spécialistes, surtout marqué dans les ENV  », conclut le rapport. Le CGAAER insiste donc sur l'importance d'augmenter le nombre de vétérinaires spécialistes dans notre pays tout en conservant aux ENV leurs missions de recherche et de formation.

Les auteurs du rapport recommandent en particulier une meilleure reconnaissance des diplômes délivrés par les boards européens et américains et une adaptation du cahier des charges des CHV via la modification de l'article R.812-55 du Code rural et de la pêche maritime.

Pistes pour développer l'attractivité des CHUV

La mission recommande aux ENV de définir un programme commun de développement : formation, offre de soins cliniques, projets de recherche...

Le CGAAER conseille en parallèle la création d'une société universitaire et de recherche (SUR). Regroupant les activités de recherche clinique et de formation des ENV, une telle structure stimulerait, selon les auteurs du rapport, la collaboration entre recherche publique et recherche privée.

D'un point de vue économique, le CGAAER suggère d'accueillir des personnalités cliniques scientifiques dans les ENV, via des contrats de praticiens hospitaliers. Cette possibilité n'est toutefois envisageable que «  conjointement au renforcement du nombre de spécialistes chez les enseignants chercheurs  ».

Le rapport préconise en parallèle la possibilité pour les enseignants d'ouvrir des consultations cliniques privées dans les ENV sur le modèle des CHU en médecine humaine. Le temps consacré à cette activité privée ne devrait toutefois pas dépasser 20 % de leur temps de travail.

La possibilité d'embaucher du personnel de droit privé dans les CHUV pourrait pallier en partie leurs difficultés de recrutement selon le CGAAER. La mission propose également de réfléchir à un nouveau modèle de développement en externalisant des activités de soins cliniques via une filiale dont la gouvernance serait confiée à chaque école.

De grandes écoles françaises ont déjà choisi cette orientation, ainsi que certains établissements vétérinaires étrangers.

Une évolution qui implique secteurs privé et public

Toutes les conditions du développement de la médecine vétérinaire spécialisée semblent réunies : la réglementation a été adaptée en 2015, des infrastructures ont été créées et la demande existe, soutenue par la croissance des assurances santé animalières.

L'Etat, par l'intermédiaire du ministère de l'Agriculture, souhaite accompagner cette évolution via les quatre ENV.

Le rapport du CGAAER propose de nombreuses pistes qui, si elles concernent en priorité les ENV, nécessitent «  l'implication de tous les acteurs du secteur vétérinaire, publics comme privés  ».

Gros Plan : Jean-Pierre Jegou : « La demande de soins de qualité va encore croître »

La Dépêche Vétérinaire : Le rapport du GGAAER* sur le développement de la médecine spécialisée des carnivores et animaux de sport au sein des écoles nationales vétérinaires déplore le manque de spécialistes en France compte tenu des besoins. Partagez-vous cette analyse ?

Jean-Pierre Jegou, président du Syndicat français des vétérinaires membres des collèges européens de spécialités vétérinaires : C'est une question récurrente.

Il y a une vingtaine d'années, quand les futurs reconnus spécialistes européens français faisaient l'objet d'une approche de « bêtes étranges », cette question des besoins en spécialistes leur était déjà posée. La difficulté à identifier les besoins en spécialistes justifiait l'urgence d'attendre plutôt que d'agir.

C'est la vision de confrères comme Didier Noël Carlotti (1951-2014) sur l'avenir de notre profession qui favorisa l'éclosion des spécialistes.

De nos jours VetFuturs paraît comme une approche révolutionnaire dans son désir affiché d'identifier ses besoins à venir.

A l'époque, j'estimais pour ma spécialité ophtalmologique le potentiel à une cinquantaine de spécialistes sur le territoire métropolitain. Nous n'en sommes qu'à vingt huit diplômés spécialistes en ophtalmologie et plusieurs centres hospitaliers vétérinaires sont en vain à la recherche d'ophtalmologistes.

L'ophtalmologie est souvent pratiquée par des non spécialistes qui, pour différentes raisons, dont l'âge, n'ont pas obtenu ou cherché à obtenir leur reconnaissance de spécialiste par la VAE** pour un DESV*** ou ont reculé devant la difficulté de s'engager sur la voie d'un résidanat pour un collège. 

Avec le renouvellement des générations ils sont légitimement appelés à être remplacés par des spécialistes.

Ce qui est vrai pour ma discipline l'est également pour d'autres. Mais toutes les spécialités ne sont pas dans la même situation. La chirurgie des animaux de compagnie, avec plus de 50 spécialistes, permet un maillage du territoire national. Il serait exagéré de considérer que nous nous trouvons pour cette discipline dans une situation de manque.

Il est donc nécessaire de préciser les secteurs, les disciplines, les régions, le type de population qui sont en attente de spécialistes. Au-delà des 64 DESV et des 384 diplômés de collèges européens en France, tenons compte du nombre important de confrères qui sont disséminés dans différents pays en quête de formations.

D.V. : Avec le déficit de demandeurs d'emploi dans le secteur vétérinaire, ne vaut-il pas mieux favoriser le profil généraliste ? 

J.-P.J. : Le développement d'une profession comme la nôtre doit se faire dans tous les domaines où elle est attendue. Elle doit se mettre en ordre de bataille s'il y a des carences. Plutôt que de perdre ses forces en conflits stériles, elle doit rechercher tous les appuis y compris financiers, toutes les organisations qui l'aideront à se sortir de l'ornière dans laquelle elle pourrait s'embourber en pensant que l'on peut lutter contre le sens de l'histoire. 

Les nouvelles technologies de l'informatique et des projets financiers d'envergure assureront l'avenir des nouvelles générations.

Les généralistes ont leurs propres représentants professionnels, je ne voudrais pas parler pour eux.

D.V. : Êtes-vous favorable à une reconnaissance des boards américains comme le préconise le rapport ?

J.-P.J. : Cette question n'est pas majeure.

En premier lieu, il serait souhaitable que la France reconnaisse comme spécialistes tous les vétérinaires titulaires d'un collège européen. Ce n'est pas encore le cas pour plusieurs collèges ( European College of Veterinary Anaesthesia and Analgesia ou ECVAA, European College of Small Ruminant Health Management ou ECSRHM, European College of Veterinary Pharmacology and Toxicology ou ECVPT, European College of Zoological Medicine ou ECZM, European Veterinary Parasitology College ou EVPC, European College of Veterinary Emergency and Critical Care ou ECVECC).

Dans un second temps, la France pourrait se poser la question de reconnaître les membres des collèges américains. Mais ce faisant, elle se substituerait aux prérogatives de l' European Board of Veterinary Specialisation (EBVS) au niveau européen sur un sujet épineux touchant à la réciprocité des diplômes entre l'Europe et les États-Unis.

D.V. : En terme de retour financier, quelle est votre vision du marché et de son développement ?

J.-P.J. : Il est illusoire de penser que des vétérinaires traitants puissent prétendre à exercer dans toutes ces différentes disciplines à un niveau d'excellence pour les actes très spécialisés.

Et à une époque où, outre-Atlantique, on ne parle plus de propriétaires d'un animal mais de Pet parents pour les chiens et de Cat lovers  pour les chats comme le rappelait récemment le past président de l'Afvac, Eric Guaguère lors d'un colloque penta-académique sur l'antibiorésistance, il me paraît évident que la demande de soins de qualité va encore croître en niveau de service et surtout en nombre d'actes. 

Nous sommes dans une phase de développement des assurances qui, si elles imposent des contraintes, contribuent probablement à permettre aux vétérinaires de se rapprocher d'une vérité des prix dans la rétribution de leurs actes.

Des débouchés professionnels pour les spécialistes se situent au-delà du strict exercice clinique en animaux de compagnie ou de sport, y compris dans l'administration, l'enseignement, l'industrie et les différents types de laboratoires et institutions qui utilisent des animaux à des fins scientifiques.

Il est évident que ce dernier rapport du CGAAER sur le développement de la médecine vétérinaire spécialisée des animaux de compagnie et des animaux de sport dans les écoles vétérinaires apporte un souffle nouveau et encourageant sur la spécialité en proposant d'intégrer la recherche clinique des animaux de sport et des animaux de compagnie dans une société universitaire et de recherche où se retrouveraient tous les acteurs de cette recherche, publics et privés.

L'engagement dans la spécialité n'est probablement pas toujours le meilleur en matière de retour d'investissement si l'on considère le temps de formation, son coût, la difficulté à se faire remplacer, souvent l'impossibilité à disposer de salariés ou tout simplement à se faire remplacer. C'est un choix personnel assumé qui va souvent au-delà du retour sur investissement.

Il y a probablement des progrès à faire pour les spécialistes dans ce domaine en matière d'organisation du travail et de valorisation du potentiel humain.

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

** VAE : Validation des acquis de l'expérience.

*** DESV : diplôme d'études spécialisées vétérinaires.

Gros Plan : Pierre-François Isard : « Le déficit va devenir criant dans les années à venir »

La Dépêche Vétérinaire : Le rapport du CGAAER* sur le développement de la médecine spécialisée des carnivores et animaux de sport au sein des écoles nationales vétérinaires (ENV) déplore le manque de spécialistes en France compte tenu des besoins. Partagez-vous cette analyse ?

Pierre-François Isard, président du Syndicat des vétérinaires spécialistes français : Oui. Le déficit va devenir criant dans les années à venir.

La profession ne peut pas continuer à demander toujours plus de spécialistes dans les ENV et les structures spécialisées et, dans le même temps, laisser se réduire l'offre d'enseignement spécialisé en optant pour un système d'enseignement privé malthusien au sein duquel les professionnels contrôlent la délivrance des diplômes .

Les ENV doivent impérativement ouvrir ou réouvrir la voie des DESV** car on est en droit de se demander comment l'administration pourrait réglementairement recruter avec comme prérequis une attestation de formation privée et provisoire (définition officielle du vocable diplomate).

D.V. : Avec le déficit de demandeurs d'emploi dans le secteur vétérinaire, ne vaut-il pas mieux favoriser le profil généraliste ? 

P.-F.I. : Ce n'est pas compatible avec le principe de la chaîne des soins.

D.V. :Êtes-vous favorable à une reconnaissance des boards américains comme le préconise le rapport ?

P.-F.I. : Oui et non... Il est clair que si on veut un meilleur équilibre, il faut surtout organiser la réciprocité DESV-board européen-board américain.

A ma connaissance, les programmes sont les mêmes, les prérequis sont les mêmes et nos enseignants n'ont rien à envier à leurs homologues étrangers. Cessons de nous tirer une balle dans le pied !

D.V. : En termes de retour financier, quelle est votre vision du marché et de son développement ?

P.-F.I. : Avec le développement (tardif malheureusement) de l'assurance animalière en France, comme avec l'information galopante Internet dépendante, le besoin en soins spécialisés va continuer à croître.

Le marché sera ce que les donneurs d'ordre voudront qu'il soit mais nous devons anticiper et être prêts, ne serait-ce que par respect pour le monde animal.

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

** DESV : diplôme d'études spécialisées vétérinaires.

Gros Plan : ENVA : « Les salaires ne sont pas assez attractifs dans les écoles vétérinaires »

La Dépêche Vétérinaire : Constatez-vous et déplorez-vous comme le CGAAER* la faible présence de spécialistes au sein de vos centres hospitaliers universitaires vétérinaires (CHUV) ?

Christophe Degueurce, directeur de l'école vétérinaire d'Alfort : Nous avons de plus en plus de mal à recruter des spécialistes car nos salaires ne sont pas assez attractifs en comparaison de ceux proposés dans le privé.

Nous parvenons à recruter ceux qui ont une vocation pour exercer en milieu académique et pour lesquels la rémunération n'est pas la préoccupation principale. Il faut également bien comprendre que ces cliniciens oeuvrent au sein d'une communauté qui juxtapose de nombreux statuts.

Sans évoquer les personnels techniques, les spécialistes titulaires d'un DESV** ou d'un board européen travaillent avec des enseignants-chercheurs dont les rémunérations sont également très basses (1 800 euros nets par mois pour un maître de conférences titulaire d'un doctorat d'université et souvent d'un master (doctorat vétérinaire + 3 à 5 ans)).

Nous sommes de la même façon confrontés à une crise des vocations liée notamment à ces salaires très bas.

Et il en est de même pour la plupart des catégories socio-professionnelles des écoles nationales vétérinaires.

Le problème n'est donc pas que celui des spécialistes, même s'il est majoré par le fait qu'ils ont des moyens de comparaison au privé que n'ont pas les enseignants-chercheurs.

D.V. : Que pensez-vous des pistes proposées par le CGAAER et aviez-vous déjà de votre côté réfléchi à des mesures pour inciter les spécialistes à rejoindre vos établissements ?

C.D. : Mes prédécesseurs avaient déjà envisagé des processus de filialisation, notamment dans le domaine de la formation continue.

Une étude juridique avait souligné toute la complexité de ce type de processus ; les opportunités sont réelles mais les écueils bien présents.

Je doute que la situation financière des écoles nationales vétérinaires leur permette de mettre en oeuvre concrètement des dispositifs aussi complexes et coûteux ; par ailleurs, traiter la question des spécialistes ne résoudra pas celle des enseignants-chercheurs, tout au moins celle de ceux exerçant dans des champs disciplinaires autres que la canine.

Mais ne rien faire revient aussi à voir disparaître des spécialités des écoles nationales vétérinaires - par exemple l'imagerie médicale -, à réduire la formation au niveau de base.

Ce serait une régression probablement dommageable pour tous, y compris le secteur privé, employeur des étudiants formés dans ces établissements.

Il nous faut donc trouver des solutions, peut-être en combinant plusieurs voies : titularisation de praticiens hospitaliers (ils bénéficient alors d'un régime de primes intéressant), revalorisation salariale sur la base d'un redimensionnement des ressources humaines des CHUV, intervention de chargés de consultation dans ces CHUV, capacité à combiner des activités publiques et privées etc.

Reste que toute élévation des salaires d'une catégorie au sein d'une communauté posera la question de son acceptabilité. Comment faire admettre à un enseignant-chercheur titulaire d'une thèse voire d'une HDR, et souvent d'un board , qu'il gagne moins qu'une personne titulaire du seul board ?

Pas simple et les mesures sont à manier avec précaution.

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux .

** DESV : diplôme d'études spécialisées vétérinaires.

Gros Plan : ENVT : « Une approche partagée entre les ENV me paraît indispensable »

Isabelle CHMITELIN

Directrice de l'école vétérinaire de Toulouse

« Le rapport du CGAAER* est globalement de bonne qualité. Il traite de manière très complète d'un sujet complexe.

Un bémol, toutefois, dans la mesure où il écarte les DESV** (qui pourtant sont bien établis dans certaines disciplines / ophtalmologie) et fait le choix exclusif et délibéré des boards européens ou américains comme unique voie de spécialisation. 

Les écoles nationales vétérinaires (ENV) se doivent d'offrir la meilleure des formations à nos étudiants mais aussi à nos stagiaires en formation continue (diplômante ou pas). L'objectif d'un recours à plus de spécialistes dans les ENV y participe.

Il me paraît essentiel avant tout de mettre en oeuvre la recommandation numéro 1 du rapport c'est-à-dire établir quels sont nos objectifs en termes de recrutement de spécialistes, afin d'anticiper leur formation ou leur recrutement, et une approche inter-ENV devrait être privilégiée.

La formation de spécialistes au sein de nos établissements est aussi un objectif que nous recherchons car elle permet l'acquisition de compétence pour le résident, elle contribue à la production de connaissance scientifique par les travaux de recherche qui y sont associés et, enfin, elle permet la diffusion et la mobilisation de connaissances de premier plan dans l'enseignement de formation initiale, mais aussi dans la formation postuniversitaire, continue et même en expertise.

Les propositions du CGAAER sont intéressantes mais, pour certaines, de nature à déplacer les problèmes. Car si nous sommes face à un défaut d'attractivité pour des spécialistes du fait du niveau de rémunération que nous pouvons offrir, les solutions proposées par le rapport seraient de nature à générer des problèmes de cohérence et de cohésion au sein de nos établissements avec des enseignants bien payés et d'autres qui seraient rémunérés au tarif de base.

Sur ce sujet aussi une approche partagée entre les ENV me parait indispensable. »

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux .

** DESV : diplôme d'études spécialisées vétérinaires. 

Gros Plan : « A Oniris, nous n'avons pas de déficit global de spécialistes »

Dominique BUZONI-GATEL

Directrice générale d'Oniris

« A Oniris, nous n'avons pas de déficit global de spécialistes.

A ce jour, Oniris totalise 38 spécialistes, toutes disciplines confondues. Certaines disciplines ne sont certes pas représentées et nous y travaillons activement.

Nous gardons également à l'esprit qu'au sein de nos cliniques, nous avons besoin d'un bon équilibre entre les cas dits « de première ligne » et la formation d'excellence dispensée par des spécialistes.

Oniris, en revanche, est particulièrement attentif à offrir un véritable terreau fertile pour le développement des carrières de ses enseignants-chercheurs en leur assurant la possibilité de mener leur carrière de chercheur dans des conditions optimales que ce soit dans le domaine de la recherche clinique, appliquée ou fondamentale.

La difficulté à laquelle nous sommes confronté est l'organisation de la recherche clinique pour les enseignants-chercheurs et les praticiens hospitaliers, qu'ils soient spécialistes ou pas.

Le rapprochement entre les 4 cursus vétérinaires français, la réponse conjointe avec les 4 cursus, des entreprises privées et des grands instituts de recherche aux appels d'offre nationaux (exemple : sociétés universitaires) ou internationaux (exemple : formation de réseaux universitaires) sont vraisemblablement des pistes pour combiner nos compétences, nos moyens, nos cohortes de cas et fournir aux enseignants-chercheurs spécialistes ou généralistes les moyens de s'épanouir dans leur carrière. »

Gros Plan : VetAgro Sup : « Il faut s'assurer que les pistes suggérées sont compatibles avec nos missions »

La Dépêche Vétérinaire : Constatez-vous et déplorez-vous comme le CGAAER* la faible présence de spécialistes au sein de vos CHUV ?

Emmanuelle Soubeyran, directrice générale de VetAgro Sup : VetAgro Sup a la chance d'accueillir 18 spécialistes dans le domaine des animaux de compagnie et de sport, soit autant que l'université d'Hanovre.

Nous n'avons pas à rougir de ces chiffres et sommes particulièrement fiers de disposer de compétences de spécialistes, en particulier dans le domaine de l'imagerie et de l'oncologie qui sont des secteurs où le nombre de spécialistes est faible.

Pour mémoire, le nombre total de spécialistes tous domaines confondus à VetAgro Sup est de 39.

Notre ambition est de continuer à développer la spécialisation dans notre établissement et, à ce titre, je suis très fière de vous annoncer l'approbation de VetAgro Sup par l'European College of Veterinary Public Health pour l'ouverture d'un programme de résidence en Population Medicine pour une période de 5 ans.

D.V. : Que pensez-vous des pistes proposées par le CGAAER et aviez-vous déjà de votre côté réfléchi à des mesures pour inciter les spécialistes à rejoindre vos établissements ?

E.S. : Ce rapport propose des pistes intéressantes qui méritent une réflexion approfondie en cours au sein de VetAgro Sup.

Il est important de s'assurer que les pistes suggérées sont compatibles avec les missions d'enseignement des écoles vétérinaires.

Les spécialistes qui viendront travailler dans nos établissements doivent y trouver un cadre de travail favorable au développement de leurs activités de recherche, en complément de leurs activités de clinique, mais également une meilleure visibilité internationale.

* CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1444

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