Enjeux diagnostiques de la dermatite atopique canine
Mercredi 19 Janvier 2022 Animaux de compagnie 42693Photo n° 1 : Dermatite atopique chez un chiot dogue argentin : lésions généralisées dès le plus jeune âge - diagnostic différentiel avec une gale sarcoptique.
© Emmanuel Bensignor
Emmanuel BENSIGNOR
Spécialiste en dermatologie
Professeur associé de dermatologie-Oniris
Consultations référées de dermatologie et allergologie à Rennes-Cesson, Paris et Nantes
Dermatologie
La dermatite atopique canine connaît diverses prédispositions et particularités cliniques, notamment raciales. Le prurit est un signe d'appel. Des critères diagnostiques existent mais sont à raisonner dans le cadre d'un diagnostic différentiel avec les autres causes d'hypersensibilité à manifestation cutanée.
L'atopie est un état particulier, caractérisé par une prédisposition génétique à développer des immunoglobulines de type E dirigées contre des allergènes de l'environnement.
La dermatite atopique canine (DAC) est une dermatite prurigineuse chronique, manifestation cutanée d'un état atopique. On estime son incidence à 10 à 15 % des cas de dermatologie canine. Il existe une forte prédisposition raciale et familiale. Divers facteurs, comme l'environnement, la saison de naissance, les vaccinations (...) pourraient être également en cause, à l'instar de la dermatite atopique de l'Homme.
Cas particuliers
Les symptômes apparaissent le plus souvent entre l'âge de 1 et 3 ans. Cependant, des cas sont décrits chez des animaux jeunes, voire même très jeunes (en particulier dans des races très prédisposées comme le shar-peï, le west Highland white terrier ou le bouledogue français), ou plus âgés.
Le principal signe d'appel est le prurit, qui peut être saisonnier ou non. Il s'agit de mordillements, de léchage, de frottements ou de grattage.
Les sites de prédilection sont la face, les pavillons auriculaires, les extrémités podales et la surface ventrale du corps. La localisation des lésions est un élément important dans l'orientation diagnostique. On peut parfois mentionner une conjonctivite et un épiphora.
Non ou mal traitée, la dermatose peut se généraliser.
Au niveau dermatologique, les lésions primaires sont rares (érythème, papules) car rapidement remaniées par les traumatismes, à l'origine de l'apparition de lésions secondaires (hyperpigmentation, lichénification, excoriations, croûtes) et de dermatoses secondaires (alopécie, état kérato-séborrhéique, folliculite).
Otite fréquente
Par ailleurs, la dermatite atopique s'accompagne extrêmement fréquemment d'une otite externe érythémato-cérumineuse bilatérale (dans plus de deux tiers des cas...), qui peut en être le seul signe d'appel. Ces otites deviennent rapidement chroniques et sont probablement la première cause de chirurgie du conduit auditif, car non reconnues ni diagnostiquées, et donc mal traitées.
Les complications infectieuses sont également extrêmement fréquentes.
Des critères de diagnostic clinique ont été proposés par plusieurs équipes, à l'instar de ce qui a été proposé chez l'Homme (Willemse, puis Prélaud puis Favrot, voir tableau). Ces critères permettent d'orienter le diagnostic mais ils ne doivent pas être considérés comme l'alpha et l'omega du dermato-allergologue vétérinaire pour deux raisons principales.
D'une part, leurs sensibilité/spécificité ne sont « que » de 80 %, ce qui signifie en pratique qu'en ne se basant que sur ces considérations anamnesto-cliniques, le praticien se trompe par excès comme par défaut dans 20 % des cas.
D'autre part, parce qu'il a été établi depuis qu'ils ont été publiés qu'il existe en réalité des phénotypes cliniques différents en fonction des races et des stades évolutifs de la maladie. Par exemple, comme évoqué plus haut, déclenchement de la DAC chez des chiots bouledogue, Staffordshire bull terrier, dogue argentin... (photo n° 1) dès l'âge de 3 mois, signes « atypiques » comme un prurit dorsal chez le fox terrier, prurit périombilical exclusif chez le Labrador, prurit périmamelonnaire chez le cavalier king Charles, lésions localisées sur le sommet du crâne et aux bords des pavillons auriculaires chez le Staffordshire bull terrier (photo n° 2)...
Importance du diagnostic allergologique
Il est donc fondamental de faire le diagnostic différentiel avec les autres causes d'hypersensibilité à manifestation cutanée (gale sarcoptique, allergie/intolérance alimentaire, dermatite par allergie aux piqûres de puces), une dermatite à Malassezia primaire (rare), une pyodermite superficielle et une ectoparasitose (démodécie). Il est parfois difficile, d'autant que plusieurs dermatoses peuvent se surajouter et compliquer le tableau clinique.
En pratique, raclages et cytologies cutanées, éventuellement traitement d'épreuve acaricide/insecticide, voire sérologie gale, sont indiqués.
Le diagnostic allergologique est important à réaliser, d'une part pour que le propriétaire visualise les manifestations de l'hypersensibilité, d'autre part afin de faire un choix thérapeutique adapté, en pratique pour mettre en place une immunothérapie spécifique. Des méthodes de diagnostic in vivo (tests cutanés intradermiques qui représentent toujours le test de référence puisqu'ils permettent de mettre en évidence la réaction allergique dans l'organe cible (photo n° 3) et in vitro (tests sérologiques de dosage des IgE spécifiques d'aéroallergènes) sont disponibles.
Ce diagnostic allergologique n'est pas utile pour faire le diagnostic de la DAC mais bien pour en déterminer la cause. ■