Édito : Exercer comme un sacerdoce...
Mercredi 5 Septembre 2018 Vie de la profession 30577Le mythe du soignant gratuit est présent dès l'Antiquité. Il pose l'affirmation que celui qui soigne trouve dans ce pouvoir tant de satisfaction de l'esprit qu'il ne saurait la dévoyer par des contingences matérielles.
Ce mythe est largement conforté au XIXe siècle par l'implication des ordres religieux dans l'organisation de la médecine moderne : « L'hôpital se moque de la charité » en est la trace.
Ce même mythe aujourd'hui reprend du poil chez les bêtes des passagers clandestins de nos cabinets et cliniques... Très prosaïquement, il est traduit par un cinglant « Vous ne pensez qu'au fric » en réponse à la présentation d'une facture d'honoraire aux détenteurs qui n'ont jamais eu l'intention de payer quoi que ce soit.
Ce paradoxe est entretenu par la pseudo gratuité de la médecine humaine et le tiers payant généralisé n'arrangera rien.
Il est bien entendu insupportable pour les vétérinaires, qui assurent un service de qualité avec une disponibilité sans équivalent dans la société, de voir leurs demandes de rémunération dénigrées. Le commentaire qui accompagne l'accusation de cupidité faite aux vétérinaires est en général assorti de la perte d'un idéal : celui de soigner les animaux avant tout.
Quelles solutions peut-on trouver pour que ces affirmations gratuites (surtout pour ceux qui n'ont aucune intention de s'acquitter de leur dû) ne soient pas le point de départ d'une remise en question inutile et mortifère de l'engagement pour la santé animale du vétérinaire visé ?
Le rapport judéo-chrétien à l'argent est à ce point primitif en France que le simple transfert du paiement final à l'accueil est une solution assez efficace malgré son côté « jésuite »...
Le temps du paiement comptant des visites rurales est ancien mais il n'était à l'époque pas rare pour les jeunes vétérinaires salariés d'entendre que la somme demandée pouvait convenir si elle les rémunérait eux et non pas leur employeur.
Ce raisonnement n'est pas très éloigné de celui que l'on retrouve chez les fonctionnaires rédacteurs du récent jugement condamnant les entreprises de la distribution du médicament vétérinaire : ils auraient dû travailler pour l'Etat français, un peu comme pour une armée d'occupation, c'est-à-dire au mieux à prix coûtant. La religion même laïque et l'argent ne font décidément pas bon ménage.
Les vétérinaires ne veulent plus exercer un sacerdoce mais un métier. Il appartient à la profession de promouvoir les outils du financement des soins adaptés à cette légitime exigence. P.B.