Dysfonctionnement cognitif canin : à rechercher chez les chiens âgés

La perturbation du cycle du sommeil avec des endormissements diurnes et activités nocturnes est un signe d'appel.

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Maud LAFON

Neurologie

Le dysfonctionnement cognitif canin (DCC), modèle de la maladie d'Alzheimer chez l'Homme, pourrait concerner jusqu'à un quart des chiens de plus de 8 ans. Cette affection a fait l'objet de plusieurs communications lors du symposium dédié aux troubles de l'apprentissage et à l'épilepsie organisé par Purina en préambule du congrès de l'ECVIM-CA*, le 5 septembre, à Rotterdam. Les vétérinaires devraient prendre l'habitude de questionner les propriétaires de chiens âgés pour dépister précocement la maladie.

Le dysfonctionnement cognitif canin (DCC) est connu sous plusieurs noms : syndrome de dysfonctionnement cognitif canin, démence canine, sénilité, etc.

Notre consoeur Mette Berendt, professeur de neurologie à l'université de Copenhague (Danemark), dirige un groupe de recherche dédié à cette affection créé en 2008. Ce dernier s'intéresse au phénotype clinique, aux biomarqueurs et à la neuropathologie de l'affection.

« Le DCC est comparé à la maladie d'Alzheimer chez l'Homme », a-t-elle précisé.

Les deux maladies partagent des similitudes en termes de pathogénie et font intervenir des facteurs causaux semblables, notamment l'accumulation de plaques beta-amyloïdes dans l'encéphale, les protéines retrouvées dans le cerveau des chiens étant identiques à celles présentes chez les humains. Les conséquences sont une atrophie corticale et de l'hippocampe.

Signes d'appel

Cliniquement, la maladie chez le chien évolue progressivement. Une étude conduite en 2008-2009 chez 80 chiens de plus de 8 ans, dont 37 atteints de DCC, 27 atteints de DCC modéré ou borderline DCC et 23 non atteints, a permis de mettre en exergue quelques signes cliniques majeurs de la maladie, comme le fait de dormir la journée et d'être en activité la nuit, la baisse des interactions, la désorientation au sein du domicile, une peur irrationnelle face à une situation ou une personne inconnues ou encore l'anxiété.

L'acronyme anglais DISHAA permet de retenir ces signes principaux (voir tableau).

« Il n'existe pas de marqueur diagnostique du DCC et il convient de faire un diagnostic d'exclusion », a expliqué Mette Berendt. Le diagnostic différentiel inclut des causes extra ou intracrâniennes : les maladies métaboliques, un déficit visuel ou auditif, une tumeur cérébrale, des effets secondaires d'un médicament, un hématome sous-dural, etc.

Le vétérinaire doit baser son diagnostic sur un examen clinique et neurologique approfondi, un questionnaire adressé aux propriétaires sur le comportement du chien afin de mettre en évidence des signes d'appel de DCC et des examens complémentaires (profil hématologique et biochimique complet ; imagerie).

Augmentation exponentielle avec l'âge

Des échelles ont été développées pour faciliter le dépistage du DCC avec des scores qui permettent de confirmer ou infirmer la maladie.

La prévalence de la maladie au sein de la population canine âgée a été appréhendée par plusieurs études. Les pourcentages d'individus atteints varient de 14,2 à 22,5 % chez les chiens de plus de 8 ans mais seuls 1,9 % des chiens bénéficient d'un diagnostic précoce chez le vétérinaire. Une certitude est que le nombre de chiens atteints augmente de façon exponentielle avec l'âge.

« Les vétérinaires devraient questionner activement et systématiquement les propriétaires de chiens de plus de 8 ans en insistant sur les signes comportementaux d'appel de la maladie », a encouragé la conférencière.

Pas d'incidence sur la longévité

Il n'existe pas de traitement spécifique du DCC mais plusieurs pistes de prise en charge permettent d'améliorer la vie des patients : enrichissement de l'environnement (rampes d'accès, coussins...) ; révision de la ration alimentaire (rôle positif démontré des triglycérides à chaînes moyennes, des antioxydants, le stress oxydatif intervenant dans la pathogénie du DCC) ; médication adaptée (trois molécules sont efficaces sur le DCC : sélégiline, propentofylline et nicergoline).

Un diagnostic de CCD n'a pas d'incidence sur la longévité des chiens mais la maladie impacte indéniablement leur qualité de vie et génère des demandes d'euthanasies.

Plusieurs facteurs de risque sont suspectés chez le chien et notamment le sexe (les femelles stérilisées seraient davantage atteintes).

« La sévérité des signes cliniques guidera le praticien et le propriétaire à prendre une décision et décider quand l'euthanasie apparaît comme la solution la plus éthique », a conclu Mette Berendt. 

* ECVIM-CA : European College of Veterinary Internal Medicine - Companion Animals.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1452

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