BI Journée mondiale des vétérinaires

Dermatoses virales chez le chat : pas si rares

Photo 1 Carcinome épidermoïde in situ (maladie de Bowen) chez un chat : lésions sur la face dorsale du dos.

© Emmanuel Bensignor

Emmanuel BENSIGNOR

Spécialiste en dermatologie

Consultant 35510 Cesson Sévigné, 75003 Paris, 44000 Nantes et 13008 Marseille

Dermatologie

Les dermatoses virales du chat ne sont pas si rares. Un récent article publié dans Clinician Brief fait un point sur le top 5, que nous rapportons ici*. Différents virus peuvent provoquer des effets cytopathiques cutanés dans l'espèce féline. Il s'agit principalement des papillomavirus, de l'HPV 1 (herpèsvirus), du calicivirus, du poxvirus et du FeLV.

Papillomavirus (photo n° 1)

Quatre papillomavirus félins ont été typés, le FcaPV2 est le plus fréquemment rapporté chez le chat. Des papillomavirus bovins et humains peuvent également infecter la peau du chat.

Les papillomavirus provoquent plusieurs types de dermatose : des plaques virales, des carcinomes épidermoïdes in situ, des papillomes, des sarcoïdes et des tumeurs cutanées.

Les lésions de plaques virales regroupent l'apparition de plaques isolées ou multiples, disséminées sur l'ensemble du pelage. Elles apparaissent en relief, squameuses, souvent pigmentées avec un aspect hyperkératosique. Le prurit est en général absent.

Le carcinome épidermoïde in situ correspond à la progression des plaques virales. On note des lésions en relief, croûteuses, parfois érodées. Des cornes cutanées peuvent être associées. Les lésions ne sont pas photosensibles. Il s'agit d'un stade prétumoral.

Les papillomes sont plus rares chez le chat que chez le chien. Leur aspect est typique, avec une surface en « chou-fleur ».

Le sarcoïde félin est rare et probablement dû à un papillomavirus bovin. Il s'agit d'une lésion en relief, ferme, généralement ronde ou ovoïde, qui se localise préférentiellement sur le chanfrein, la lèvre ou les doigts.

Les tumeurs liées aux papillomavirus regroupent les basaliomes, les carcinomes épidermoïdes, volontiers localisés à la truffe ou aux oreilles, et certains fibrosarcomes.

Le diagnostic fait appel à l'analyse histopathologique, qui met en évidence les particules virales ou leurs effets cytopathiques, à la PCR, à des techniques immunohistochimiques et si nécessaire à la microscopie électronique.

Le traitement est chirurgical, quand il est possible. La cryothérapie peut avoir un intérêt sur les lésions débutantes et/ou localisées peu volumineuses.

L'application locale d'imiquimod est intéressante dans notre expérience (trois fois par semaine). Nous utilisons assez facilement l'interféron alpha à faible dose par voie orale pour stimuler la réponse immunitaire et pour ses effets antiviraux. La radiothérapie peut être indiquée dans les cas de carcinome agressif.

Herpèsvirus (photo n° 2)

Le FHV1 est classiquement responsable d'une atteinte en relief érodée du chanfrein, parfois mais pas toujours associée ou secondaire à des signes respiratoires. Il est rare de visualiser les vésicules initiales et la plupart des cas sont présentés à des stades pour lesquels le diagnostic différentiel est à faire avec une lésion du complexe granulome éosinophilique. Le prurit est marqué.

L'examen histopathologique montre une dermatite à prédominance éosinophilique mais il n'est pas toujours facile pour le pathologiste de retrouver les inclusions virales intranucléaires. La démonstration du virus par PCR est donc souvent indiquée (de préférence prélèvement par biopsie).

Le traitement fait appel aux antiviraux (le famciclovir à la dose de 100 mg/kg deux fois par jour est intéressant), à l'interféron oméga félin recombinant (Virbagen omega ND) ou à l'administration orale d'interféron alpha. Les corticoïdes sont contre-indiqués.

Calicivirus (photo n° 3)

Outre leurs effets sur le système respiratoire, les calicivirus peuvent être responsables de lésions cutanées et de la cavité buccale.

La présence d'ulcères au niveau de la langue et/ou sur la truffe est évocatrice surtout s'ils s'accompagnent de lésions des extrémités podales (syndrome main-bouche).

Le diagnostic passe par la biopsie et la PCR. Le traitement est principalement symptomatique.

Poxvirus

Rarement diagnostiquée en France, cette virose est due à un cowpoxvirus qui est usuellement hébergé par les rongeurs sauvages. Les chats chasseurs sont exposés. Ils se présentent avec des lésions érodées, croûteuses, faciales, qui peuvent prendre l'aspect d'un banal abcès ou d'une infection fongique suintante (kérion) ou encore d'un néoplasme.

Il s'agit d'une zoonose. Les corticoïdes sont contre-indiqués.

FeLV (photo n° 4)

Une dermatose à cellules géantes a été associée au FeLV (parfois en association avec le FIV) avec prurit, ulcérations et croûtes surtout sur la face et le cou.

Le diagnostic passe par la biopsie pour histopathologie, qui met en évidence les cellules suspectes, et la PCR en association avec la sérologie.

Autre : FIV (photo n° 5)

Bien que le FIV ne provoque pas directement de lésions cutanées spécifiques, certaines formes cliniques ont été rapportées en association avec une immunodépression : pododermatite plasmocytaire, polychondrite auriculaire, formes rebelles de dermatophytoses, prurit rebelle.

Dans tous les cas de dermatose chronique, il est donc justifié de vérifier le statut rétroviral du chat.

* Waldman L, Werner A Top 5 viral dermatoses in cats. Clinician Brief 2018 ; 29-33.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1449

Envoyer à un ami

Mot de passe oublié

Reçevoir ses identifiants