Dermatite atopique féline : une démarche diagnostique rigoureuse

Le chat abyssin semble être sur-représenté dans de rares études sur l'atopie féline.

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Fabrice CASTANET

Dermatologie

Notre consoeur Emilie Vidémont-Drevon (CHV Saint-Martin) a présenté les particularités de la dermatite atopique féline lors du congrès du chat d'Arcachon (en 2019). Si cette affection existe bien, sa prévalence reste à préciser. Son diagnostic repose essentiellement sur l'exclusion des autres causes de dermatoses prurigineuses ou responsables d'un des quatre grands patterns réactionnels du chat.

Le terme de dermatite atopique est très controversé pour ce qui concerne l'espèce féline, même s'il a été utilisé dès les années 80 pour décrire des chats présentant un prurit récurrent, des intradermoréactions positives aux aéro-allergènes et pour lesquels les autres causes de dermatose prurigineuse avaient été exclues (Reedy, 1982).

Chez le chien, par analogie avec l'Homme, la dermatite atopique a été définie comme une dermatose allergique inflammatoire, prurigineuse, avec une prédisposition génétique, liée à une anomalie de la barrière cutanée montrant un patron clinique caractéristique et le plus souvent associée à la présence d'IgE spécifiques dirigées contre des allergènes environnementaux.

Or, comme le rappelle notre consoeur, ces différents points ne sont que rarement rencontrés chez le chat. Il existe peu d'études sur le sujet et à l'heure actuelle, aucun consensus n'a été établi.

Au cours du congrès du chat d'Arcachon de 2019, notre consoeur a repris point par point ces différents critères chez le chat.

Épidémiologie

L'âge d'apparition des premiers signes d'atopie est jeune chez le chien et l'Homme. Chez le chat, de rares études montrent que la majorité des cas ont moins de 3 ans mais ce critère est tout autant valable pour d'autres affections cutanées (teigne/ectoparasitoses par exemple).

Tableau clinique

Emilie Vidémont-Drevon estime que les chats que l'on pourrait suspecter d'être atopiques pourraient être ceux qui présentent des lésions érythémateuses sur les paupières, les pavillons auriculaires, les lèvres, les plis, les pieds (pododermatite), les tarses en particulier. Cet aspect lésionnel n'est toutefois pas spécifique puisqu'il peut être observé dans d'autres dermatoses, telles que la dermatite à Malassezia par exemple.

A contrario de l'Homme ou du chien, les chats avec une allergie cutanée non due aux piqûres de puces et non alimentaire, autrement dit que l'on pourrait suspecter d'atopie, présentent un patron clinique peu caractéristique car éminemment varié : dermite miliaire, alopécie extensive, prurit cervico-facial, lésions du complexe granulome éosinophilique ou dermatose prurigineuse...

Aucune des dernières (rares) études ne met en évidence de signes cliniques spécifiques chez le chat (Hobi, 2011, Favrot, 2012).

Cette absence de spécificité du patron clinique amène certaines questions : dans l'hypothèse ou l'atopie féline existe, pourrait-il y avoir différents aspects/patrons cliniques s'interroge notre consoeur.

La dermatite atopique peut aussi être associée à d'autres signes cliniques comme par exemple la rhino-conjonctivite chez le chien ou l'asthme chez l'Homme.

Chez le chat souffrant de dermatose allergique, des signes de conjonctivite sont présents dans 4-19 % des cas, des signes respiratoires dans 6-15 %, des OEC dans15-36 % des cas... mais l'« atopie » féline est possiblement sous-diagnostiquée aux yeux de notre consoeur. L'asthme est rarement associé à des signes cutanés chez le chat pourtant souvent asthmatique au demeurant.

Prurit

A l'inverse du chien ou de l'Homme, le prurit n'est pas systématique chez le chat dit atopique même s'il est présent dans la majorité des cas (grattage, léchage excessif). Il peut, en effet, être absent dans certains cas de granulome éosinophilique ou d'ulcère atone.

Prédisposition génétique

Si elle est clairement établie chez le chien, pour le chat, on sait peu de choses, si ce n'est que l'abyssin semble sur-représenté dans de rares études. Chez le chat, il ne semble pas exister de prédisposition héréditaire nette. Cependant, la médicalisation des chats, tout comme le développement des races félines, est assez récente, contrairement au chien.

Anomalies de la barrière cutanée

Les études n'en sont qu'à leur début chez le chat. En outre, la mesure de la perte insensible en eau, qui reflète l'intégrité de la barrière cutanée, est difficile à mesurer dans cette espèce car elle requiert une immobilité parfaite.

Une étude polonaise récente tendrait à montrer que cette perte insensible en eau semble plus élevée et l'hydratation cutanée plus faible chez les chats décrits comme atopiques. Cette étude porte, cependant, sur un trop faible effectif pour s'avérer concluante et il manque, d'autre part, une comparaison à la perte insensible en eau observée dans d'autres dermatoses inflammatoires.

La dysbiose cutanée (déséquilibre du microbiote de la peau) serait plus fréquente chez les chats « atopiques ». En cas de dysbiose, les réponses immunitaires de la peau peuvent être modifiées et certaines espèces microbiennes pathogènes peuvent se développer davantage : Malassezia, staphylocoques. Cependant, les surinfections bactériennes et fongiques ne sont pas si rares dans les affections cutanées, souvent secondaires.

Par exemple, on peut mettre en évidence une dysbiose cutanée sur des psoriasis en dermatologie humaine ou dans des cas de leishmaniose y compris sur une peau saine : la dysbiose n'est donc pas spécifique de l'atopie.

Présence d'IgE spécifiques d'allergènes

L'atopie est associée, dans la majorité des cas, à la présence d'IgE spécifiques des aéroallergènes chez le chien ou l'Homme.

Chez le chat, la demi-vie des IgE est plus courte et elles sont plus hétérogènes. Leur concentration sanguine est impactée par de nombreux paramètres : âge, mode de vie, vermifugation, APE, traitements...

Les quelques publications qui existent ne montrent pas de différence dans les concentrations sanguines en IgE entre chats sains et ceux dits atopiques (Taglinger 2005, Reinero 2009, Diesel 2011).

Cependant, souligne notre consoeur, il existe chez le chien des formes intrinsèques d'atopie sans que des IgE soient détectées tout comme on peut détecter des IgE spécifiques d'aéroallergènes sur des chiens non atopiques.

Ces tests ne sont pas utilisés pour diagnostiquer une atopie chez un chien, dès lors pourquoi serait-ce un souci chez le chat ?

Pour notre consoeur, un des buts scientifiques prochains est d'essayer de gagner en sensibilité dans la détection des IgE chez le chat.

Intradermoréactions

L'interprétation des intradermoréactions est compliquée chez le chat car les réactions sont fugaces. La libération excessive de cortisol par le chat stressé pourrait être une des explications. Là encore, ces tests ne doivent, dans tous les cas, pas être utilisés à visée diagnostique mais à visée thérapeutique, une fois le diagnostic établi.

Diagnostic

Au vu de tous les éléments recensés, le diagnostic de l'atopie féline peut se révéler déroutant. Il repose essentiellement sur l'exclusion des autres causes de dermatoses prurigineuses ou responsables d'un des quatre grands patterns réactionnels du chat.

On peut donc légitimement se poser la question : l'atopie féline existe-t-elle ? Pour Emilie Vidémont-Drevon, cela ne fait pas de doute : l'atopie féline existe mais sa prévalence reste à préciser. Certains évoquent une « entité prurigineuse cortico-sensible caractérisée par un érythème à la fois facial et podal touchant de jeunes chats » (Heripret 2010).

En attendant les conclusions de futures études, notre consoeur conseille d'utiliser le terme de dermatite par hypersensibilité non liée aux puces ni à l'alimentation.

Comme chez le chien et l'Homme, il a été proposé huit critères diagnostiques afin d'aider au diagnostic, les critères de Favrot :

- au moins deux sites atteints ;

- au moins deux patrons lésionnels ;

- alopécie symétrique ;

- lésions labiales ;

- érosions ou ulcérations du cou et du menton ;

- absence de lésions dorso-lombaires ;

- absence d'alopécie non symétrique en région dorso-lombaire ou caudale ;

- absence de nodules/tumeurs.

La présence de 5 critères sur 8 chez un chat atteint de prurit permet de diagnostiquer une dermatite par hypersensibilité non liée aux puces et à l'alimentation avec une sensibilité de 75 % et une spécificité de 79 %.

En conclusion, atopie ou pas, le praticien ne doit jamais perdre de vue la nécessité d'une démarche diagnostique rigoureuse bien établie.

L'auteur remercie Emilie Vidémont-Drevon pour sa relecture.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1578

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