Dermatite atopique canine : une approche multimodale du prurit est nécessaire

Chienne bouledogue français atteinte de dermatite atopique à l'âge d'un an.

© Vincent Mahé

Vincent MAHÉ

Clinique vétérinaire de la Paix (64000 Pau)

CES dermatologie vétérinaire, CES ophtalmologie vétérinaire, CEAV médecine interne des animaux de compagnie

Président de la section régionale Aquitaine de l'Afvac*

Courriel : v.mahe@cliniquedelapaix.fr

Dermatologie

Signe cardinal de la dermatite atopique canine, le prurit fait aujourd'hui l'objet d'un consensus en ce qui concerne sa prise en charge : elle doit être multimodale. L'arrivée sur le marché vétérinaire de nouvelles molécules thérapeutiques facilitent cette approche.

La dermatite atopique canine (DAC) est une dermatose prurigineuse, commune, due à une prédisposition génétique à développer une hypersensibilité aux allergènes extérieurs, médiée par la sécrétion d'IgE spécifiques, associée à un défaut de la barrière cutanée. 

Le prurit constitue le signe cardinal de la DAC. Sa pathogénie complexe est de mieux en mieux connue. Il est maintenant admis que sa gestion doit être multimodale. 

Lutte contre les puces et immunothérapie spécifique

Limiter le prurit sur le long terme, c'est d'abord lutter contre les puces et envisager une immunothérapie spécifique. 

Les piqûres de puces contribuent aux poussées aiguës. La lutte contre les puces chez le chien allergique et ses congénères est indispensable.

La recherche des allergènes impliqués doit également être une priorité. L'immunothérapie allergénique est la seule thérapie spécifique avec de bons résultats dans deux tiers des cas. Elle doit donc être systématiquement tentée.

La réalisation d'intra-dermo-réactions (IDR) ou le dosage des IgE spécifiques permettront de choisir les allergènes, sans oublier de confronter ces résultats aux données anamnestiques et aux calendriers de pollinisation pour écarter les faux positifs. L'efficacité sera jugée après une période de traitement d'un an minimum.

Comme il est impossible de distinguer cliniquement un chien atteint de DAC d'un chien atteint d'allergie alimentaire, un régime d'éviction avec provocation devra être envisagé systématiquement surtout pour les allergies non saisonnières. En cas d'allergie alimentaire, un régime adapté permettra de réduire considérablement le prurit.

Dans 10 à 15 % des cas, aucune réponse ne sera obtenue au régime d'éviction et aucun allergène ne sera identifié lors des IDR ou des dosages d'IgE. On parle alors de dermatite atopique like (DAL). Ces chiens devront alors être traités de façon symptomatique sans qu'aucune mesure spécifique ne puisse être envisagée.

Rétablir une barrière cutanée efficace

Limiter le prurit chez le chien allergique, c'est aussi rétablir une barrière cutanée efficace.

L'apport des acides gras essentiels par voie orale ou topique, des céramides, du cholestérol et des sphingosines par voie locale contribue à diminuer modérément le prurit dans la DAC en restaurant la barrière cutanée.

Les surinfections bactériennes et fongiques sont très fréquentes. Elles altèrent la barrière cutanée, favorisent la pénétration des allergènes et contribuent aux démangeaisons. Leur prise en charge est indispensable.

Le recours aux antibiotiques et aux antifongiques par voie orale peut dans certains cas être habilement remplacé par l'utilisation de shampooings ou d'autres formulations galéniques antiseptiques et antifongiques pour juguler les surinfections. 

Les émollients sont également bénéfiques en améliorant l'hydratation cutanée. La simple action mécanique du shampooing permet enfin d'éliminer une grande partie des allergènes portés dans le pelage.

Avoir recours aux immunomodulateurs

Limiter le prurit, c'est également avoir recours aux immunomodulateurs.

L'administration de prednisolone, de prednisone ou de méthylprednisolone à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/jour est associée à une rapide et nette réduction du prurit. Les corticoïdes ne sont toutefois pas dénués d'effets secondaires dont l'importance est proportionnelle à la puissance, au dosage et à la durée d'utilisation.

Leur utilisation au long cours est donc délicate. Leur utilisation ponctuelle est judicieuse pour contrôler les poussées aiguës de DAC. Le recours aux formes injectables longue action n'est pas recommandé. L'acéponate d'hydrocortisone peut être utilisé par voie locale de façon proactive, limitant ainsi les effets secondaires.

La ciclosporine, inhibiteur des calcineurines est un immunodulateur de choix lors de traitement au long cours. Contrairement aux corticoïdes, son effet thérapeutique est long à se mettre en place. A la dose de 5 mg/kg/jour, après 4 à 6 semaines, 50 % des chiens seront stabilisés avec une dose tous les 2 jours et après 3 à 4 mois de traitement, 25 % seront stabilisés avec une prise deux fois par semaine.

Les effets secondaires digestifs sont parfois limitants : anorexie, vomissements et diarrhée rétrocèdent la plupart du temps après quelques jours d'arrêt. Hirsutisme, prolifération gingivale, infections bactériennes virales et fongiques sont des effets secondaires tardifs qui vont justifier l'arrêt du traitement.

Nouvelles options thérapeutiques

De nouvelles molécules récentes ouvrent d'autres options thérapeutiques face au prurit.

L'interleukine 31 IL31 se fixe sur les ganglions des racines nerveuses et participe ainsi à la sensation prurigineuse. Elle stimule également les kératinocytes, les mastocytes, les éosinophiles et participe à la réponse inflammatoire allergique.

Deux traitements sont actuellement disponibles pour contrer son action.

L'oclacitinib est un inhibiteur des Janus kinases de type 1 et inhibe l'action de nombreuses interleukines dont l'IL31. En respectant les doses préconisées, l'oclacitinib inhibe l'Il31 et est donc responsable de son action spécifique, rapide, équivalente à la cortisone, sur l'inflammation locale et sur la sensation prurigineuse. Son utilisation est contre-indiquée pour les chiens de moins de
12 mois ou de moins de 3 kg ou atteints d'affections malignes évolutives.

Le lokivetmab est un anticorps monoclonal caninisé. Il se fixe sur l'Il31 et bloque sa liaison aux récepteurs, également présents sur les monocytes, ce qui expliquerait son action anti-inflammatoire en plus de son action spécifique sur le prurit via l'Il31. A la dose de 1 mg/kg, la durée d'action attendue est de 4 semaines.

Ces deux traitements sont utilisables en cas d'épisodes aigus, comme sur le long terme, notamment en cas de DAL. Ils sont également compatibles avec la réalisation des tests intra-dermiques ou des sérologies IgE.

En conclusion, toutes ces options thérapeutiques doivent être envisagées, associées, discutées avec les propriétaires pour limiter au mieux le prurit en fonction du stade d'évolution de la maladie atopique.

Bibliographie sur demande auprès de La Dépêche Vétérinaire.

* Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1590

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