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Dépigmentation des lèvres : reconnaître les principales causes

Pyodermite cutanéo-muqueuse.

© Emmanuel Bensignor

Emmanuel BENSIGNOR

Spécialiste en dermatologie

Consultant 35510 Cesson-Sévigné, 75003 Paris, 44000 Nantes et 13008 Marseille

Dermatologie

Un motif souvent négligé de consultation en dermatologie est la présence d'une dépigmentation des lèvres (ou de la truffe). Il peut s'agir d'une anomalie exclusivement cosmétique mais également d'un signe avant-coureur d'une maladie potentiellement grave. Dans un récent article, Alexander Werner (Californie) fait le point sur cette affection*.

L'absence ou la perte de pigmentation est liée à une anomalie du transfert ou à une diminution de la synthèse de la mélanine depuis les mélanocytes jusqu'aux kératinocytes. 

Les cinq principales causes de dépigmentations des lèvres sont (par ordre de fréquence décroissante) la pyodermite cutanéo-muqueuse, le lupus érythémateux discoïde, le lymphome épithéliotrope, le vitiligo et le syndrome uvéo-cutané.

Pyodermite cutanéo-muqueuse

La pyodermite cutanéo-muqueuse est une inflammation d'origine bactérienne localisée au niveau des lèvres, de la truffe, des paupières, de la zone périanale.

Les lésions atteignent les lèvres (à la différence de l'intertrigo qui reste localisé au niveau des plis) et consistent en un gonflement, la présence de croûtes, d'érosions et de dépigmentation.

Souvent, mais pas systématiquement, la dermatose est secondaire à une dermatite atopique.

La cytologie est évocatrice, avec présence d'une inflammation granulomateuse ou pyogranulomateuse.

L'examen bactériologique est également intéressant pour déterminer l'espèce bactérienne en cause (dans l'expérience de l'auteur, les bacilles sont souvent responsables).

Le traitement passe par une antisepsie locale, l'utilisation d'antibiotiques topiques, parfois systémiques pour les cas graves. Il est important de tondre la zone du pli pour éviter au maximum la macération.

Lupus discoïde

Le lupus discoïde peut se localiser au niveau des lèvres. La dépigmentation est alors secondaire à l'inflammation chronique et il est difficile de faire la différence avec une pyodermite banale.

Dans ce contexte, une antibiothérapie d'épreuve est indispensable avant d'envisager les biopsies cutanées qui permettront le diagnostic.

Le traitement fait appel aux dermocorticoïdes ou au tacrolimus par voie locale. Les cas très érosifs doivent être traités par voie générale (corticothérapie, ciclosporine, association cyclines/nicotinamide, antipaludéens de synthèse).

Lymphome épithéliotrope

Le lymphome épithéliotrope (mycosis fongoïde) est une néoplasie assez rare chez le chien. Il se localise volontiers au niveau des lèvres, sous la forme d'un gonflement, d'érosions, de dépigmentation, avec une décoloration grisâtre assez évocatrice et souvent inaugurale.

Le diagnostic passe par la biopsie cutanée, éventuellement les immunomarquages.

Le traitement est complexe, nécessitant une chimiothérapie. L'avis d'un spécialiste en oncologie est souvent indiqué.

Vitiligo

Le vitiligo est une dermatose sans doute auto-immune, caractérisée par une destruction des mélanocytes, à l'origine d'une dépigmentation non inflammatoire. Il existe de nettes prédispositions raciales laissant suspecter un terrain génétique.

Le diagnostic clinique est assez évident car il s'agit de la seule maladie responsable d'une dépigmentation sans aucune inflammation associée. En cas de doute, une biopsie peut étayer la suspicion clinique (l'histopathologie montrant alors une remarquable absence de lésion et de pigment dans les kératinocytes).

Le traitement n'est pas codifié. Un protocole original est à l'heure actuelle en test dans plusieurs structures en France.

Syndrome uvéo-cutané

Le syndrome uvéo-cutané (Vogt-Koyanagi-Harada) est une maladie auto-immune rarissime qui associe une dépigmentation cutanée et une poliose à une uvéite. Elle est rapportée principalement dans des races japonaises (akita), ou nordiques (Siberian husky, samoyede).

La maladie commence souvent par une atteinte oculaire, la dépigmentation cutanée ou pilaire apparaissant tardivement.

Le diagnostic clinique est aisé mais l'examen histopathologique est souvent indiqué.

Le traitement nécessite une immunosuppression, notamment avec l'utilisation d'une corticothérapie associée à la ciclosporine.

Nous avons eu l'occasion de traiter une petite série de cas en collaboration avec un opthalmologiste en utilisant le luflénomide avec succès.

* Werner A Top 5 lip depigmentation causes in dogs. Clinicians Brief juin 2018.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1460

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