Déménagement de Champignelles : « Une collaboration avec un acteur de formation privé n'a pas émergé »

Notre confrère Christophe Degueurce (directeur de l'ENVA) précise que la relocalisation des activités en productions animales menées à Champignelles ne signifie pas leur fin, bien au contraire.

© D.R.

Prospective

Le conseil d'administration de l'école vétérinaire d'Alfort (ENVA) va rendre à l'Etat la gestion du site de Champignelles. Le préfet de l'Yonne et les collectivités territoriales ont lancé la procédure de cession. Deux repreneurs potentiels sont évoqués : l'un prévoit l'installation d'un complexe dédié au design avec manufacture, centre de formation et résidences d'artistes et l'autre, développé par notre confrère François Mestrallet (qui possède plusieurs sociétés (les Essarteaux, Metavet)), une activité d'autopsie et de formations en complément d'une activité hôtelière autour d'un parc animalier. Compte tenu de l'évolution défavorable de l'activité vétérinaire rurale, ce projet interpelle. Notre confrère Christophe Degueurce (directeur de l'ENVA) précise la position de l'ENVA.

La Dépêche Vétérinaire   : Quelles sont les raisons qui ont amené le conseil d'administration à prendre la décision concernant le site de Champignelles ?

Christophe Degueurce, directeur de l'ENVA : La question du maintien ou de la cession du centre de Champignelles est un sujet ancien qui a été relancé par la restructuration de l'ENVA. Cette école a, dans un passé encore récent, montré des difficultés financières importantes, aujourd'hui heureusement corrigées.

L'État , via le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, et le Conseil régional d'Ile-de-France ont engagé un vaste plan de restructuration du site de Maisons-Alfort. Mené tambour battant, il verra dès 2019 la livraison de trois bâtiments tandis qu'un quatrième, dédié aux enseignements, est en cours de conception, pour une livraison en 2021.

D'autres travaux majeurs suivront, en lien avec la valorisation des parcelles foncières libérées.

L'ENVA fera ainsi face à un renchérissement de ses coûts de fonctionnement, des bâtiments modernes étant structurellement plus coûteux que des bâtiments très anciens, dépourvus d'accessibilité, de ventilation, parfois même de chauffage.

C'est cette dimension qui a conduit l'ENVA à étendre sa réflexion à ses deux sites distants, une particularité au sein des écoles vétérinaires françaises.

Son conseil d'administration, après une réflexion intense, collaborative, fondée sur des groupes de travail et qui a duré une année, a pris deux décisions en novembre 2018 : la relocalisation des activités menées à Champignelles sur le site de Maisons-Alfort, en lien avec la création d'un complexe hospitalier dédié aux animaux de production, et le déplacement des activités équines sur son site de Goustranville, en Normandie.

Cette décision s'est fondée sur des analyses de coût, sur le fait que seulement une partie des enseignements dédiés aux animaux de production était menée depuis Champignelles et sur la volonté d'utiliser la position du site historique, placé à un noeud de communication, pour se projeter sur plusieurs régions, comme les enseignants en pathologie des animaux de production le font déjà.

D.V.   : Quel serait pour l'ENVA l'intérêt de collaborer avec un centre de formation privé contrôlé par François Mestrallet ?

C.D. : Le directeur que je suis ne peut que se conformer aux décisions de son conseil d'administration. En l'occurrence, lors des délibérations de novembre 2018, ce conseil a voulu ajouter à sa délibération un voeu signalant son souhait que le site soit repris par un ou des acteurs publics et que ce ou ces repreneurs permettent à l'école de pouvoir continuer à utiliser le site et ses installations.

Ce voeu doit être replacé dans le contexte du traumatisme que représentait pour la communauté ce dessaisissement de son site distant, dont il faut rappeler qu'il est ancien et animé par plus de dix employés.

Dans ce type d'assemblée, et encore plus sur un sujet de ce degré de sensibilité, chaque mot est pesé et les administrateurs ont voulu appuyer sur la notion de reprise par un partenaire public.

Aucun des deux repreneurs n'entre dans ce champ et donc ne relève de cette formulation du conseil d'administration.

La communauté éducative est très soucieuse de son savoir-faire et de son indépendance, et l'idée d'une collaboration avec un acteur de formation privé n'a pas à ce jour, et à ma connaissance, émergé.

D.V.   : Quelles sont les grandes lignes du projet de l'ENVA pour l'enseignement des productions animales après le retrait de Champignelles ?

C.D. : La rentrée universitaire verra la mise en fonctionnement de l'ensemble Nocard, accueillant une clinique dédiée aux soins des animaux de production et de la faune sauvage ainsi que le département d'enseignement associé.

Plus de 300 animaux sont hospitalisés chaque année et le principal changement sera qu'ils le seront dans des locaux de qualité, compatibles avec les meilleures normes de biosécurité. Un amphithéâtre dédié aux grandes espèces permettra également des présentations aux étudiants plus efficaces.

La relocalisation des activités en productions animales qui étaient menées à Champignelles ne signifie pas leur fin, bien au contraire.

A l'heure où l'Ile-de-France affiche des ambitions de développement de l'agriculture et de l'élevage, nous allons nous impliquer dans cette dynamique, profiter des élevages de proximité, déjà mobilisés pour la formation en reproduction, nous réinvestir dans le tissu agro-alimentaire francilien qui comprend des acteurs majeurs du secteur et le fameux MIN de Rungis, des opportunités jusqu'aujourd'hui délaissées.

Notre ambition est aussi de profiter du formidable réseau de routes qui a son centre en Ile-de-France pour nous projeter dans les régions environnantes, dont la Bourgogne, l'Yonne et le réseau créé à Champignelles feront partie.

Nous n'abandonnons rien, nous élargissons notre périmètre pour faire profiter nos étudiants d'une diversité profitable.

L'ENVA vit cette évolution comme une ambition, pas comme un repli.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1489

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