Démarche RSE : une réponse à la portée des entreprises vétérinaires
Mercredi 15 Juin 2022 Vie de la profession 44289La RSE est l'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités économiques et à leurs relations avec les parties prenantes que sont les salariés, les collaborateurs libéraux, les fournisseurs, les sous-traitants, les consommateurs...
© David Quint
Véronique LUDDENI
Vice-présidente du SNVEL*
Environnement
Faire prendre conscience qu'agir contre les bouleversements qui impactent la biodiversité sont à la portée de tous était l'objectif d'un atelier organisé lors des Universités de printemps du SNVEL*. Parmi les leviers d'action figure l'intégration de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans les entreprises vétérinaires. Mettre en place cette démarche, pour l'instant facultative, implique de revoir ses pratiques et d'adopter de bons comportements.
Répondre aux problématiques environnementales actuelles est aussi à la portée des cliniques vétérinaires. Cela peut notamment passer par l'intégration de la démarche de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans sa structure. Un atelier RSE et développement durable, couplé à l'atelier « Bien-être au travail », a été organisé, le 8 avril, lors des Universités de printemps du SNVEL*, à Oniris, pour le démontrer.
Sébastien Bolle, ingénieur informatique et président de l'association RESO2D, plate-forme RSE de la métropole nantaise, a animé cet atelier face à une quinzaine de vétérinaires.
La tâche était rude : présenter les caractéristiques du changement climatique et du bouleversement de la biodiversité, montrer l'impact des activités humaines sur notre environnement et faire prendre conscience à l'auditoire des moyens d'action à la portée de chacun, ainsi que des entreprises et des États.
L'objectif du conférencier était de faire prendre conscience aux vétérinaires des enjeux environnementaux majeurs et urgents et de la nécessité de déployer, dès aujourd'hui, tous les outils à disposition.
Pour l'entreprise, la démarche RSE est un véhicule d'action potentiellement puissant s'il est mis en oeuvre de façon sincère.
Pour le particulier, elle permet de s'accaparer des outils de mesure tels que le calcul de son empreinte CO2 afin d'agir sur les postes les plus impactants.
Levier financier
Pour l'État, la RSE est la nécessaire adaptation législative et l'accompagnement des changements, entre autres par le levier financier.
Pour rappel, la RSE est l'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités économiques et à leurs relations avec les parties prenantes que sont les salariés, les collaborateurs libéraux, les fournisseurs, les sous-traitants, les consommateurs (clients), les actionnaires (groupe ? Quid des limites à ce propos), les collectivités publiques ou les ONG.
Pour les vétérinaires, pour les entreprises vétérinaires, cela voudra dire quoi ?
L'objectif de la démarche à travers cet atelier est d'aider les confrères à savoir comment faire fonctionner leur entreprise en mode responsable, en mettant en avant les valeurs d'un management positif et humain avec un fonctionnement qui prend en compte son impact humain et environnemental.
Ateliers de réflexion
Sébastien Bolle a présenté quelques exemples concrets de la RSE en entreprise vétérinaire :
- partager une vision commune avec son équipe autour d'ateliers de réflexion (réunion spécifique mais aussi en parler lors des entretiens annuels ou de l'intégration d'un nouveau membre d'équipe) et mettre en place de façon bienveillante et partagée des façons de travailler qui respectent l'Homme, l'animal (patient) et l'environnement ; le SNVEL a mis en place depuis 10 ans un pôle biodiversité afin de s'y atteler en lien avec une autre association active à ce propos : EcoVeto (voir les fiches techniques pratiques partagées dans La Dépêche Vétérinaire) ;
- faire en sorte d'aménager les horaires pour les femmes enceintes, les jeunes mères et les jeunes pères et de réfléchir différemment à la façon d'exercer ;
- recueillir les envies et idées de l'équipe autour du mieux vivre, du mieux vendre et mieux consommer.
Ne pas survendre
Sur ce dernier point, plusieurs mesures sont envisageables :
- utiliser la même seringue toute la journée, pour le même produit (avec mesure d'hygiène), en changeant évidemment les aiguilles ; utiliser de la lessive faite à la maison, des produits nettoyants label vert, des lingettes de nettoyage réutilisables ; si on fait construire des locaux, penser à des bâtiments passifs et, si on a de vieux bâtiments, s'en accommoder en les actualisant et les rendant beaux, propres et utiles, sans excès et avec des matériaux et des peintures durables ; réfléchir aux luminaires, aux radiateurs; aux dépenses d'énergie... ;
- ne pas survendre pour vendre ; pour les vermifuges, mettre en place des coprologies sur les chiens adultes une fois par an, faire ramasser les crottes et donner des consignes environnementales quand on prescrit des comprimés de laners par voie orale ;
- respecter le plan EcoAntibio, penser de façon globale et reprendre une supra-vision de la médecine.
Les vétérinaires ruraux tentent de faire mieux depuis 15 ans, avec des pratiques raisonnées des vermifuges sur les troupeaux mais, à ce jour, peu de canins réalisent l'impact de leurs pratiques et leurs prescriptions... Et pourtant.
Changer de valeurs
Au-delà de ceux qui vont vouloir faire du green washing (mais ce sera quand même utile car la démarche va être initiée), il faut changer de paradigme et de valeurs.
Il a été démontré que toutes les entreprises qui entrent dans cette démarche ne perdent rien en termes de qualité et de compétitivité, au contraire, car dans ces entreprises, on constate moins d'absentéisme et plus d'implication des salariés et des libéraux.
Ce sera aussi un moyen pour être réellement à l'écoute des jeunes générations qui seront les vétérinaires de demain.
Autre mesure applicable en structure vétérinaire : la formation des salariés et de son équipe. Le SNVEL et APForm** ont mis un place un module éco-responsabillité en lien avec Ecoveto (www.ecoveto.org) afin de donner les clés pratiques de la mise en place de cette démarche RSE (https://urlz.fr/irpj).
Etre à l'écoute
Bien gouverner (du grec : piloter le char ou le navire) en mode RSE supposera donc des chefs d'entreprises (les vétérinaires libéraux) d'être à l'écoute de leurs équipes dans une logique matricielle, soit, à l'instar des meutes de loups, de mettre en place de façon adaptative et alternative une hiérarchie tour à tour pyramidale, circulaire et transversale.
Cela supposera la définition claire des valeurs et des objectifs de la clinique ou des chaînes de cliniques avec une réelle adéquation et un réel partage des valeurs et de la réussite.
Cela supposera des concessions aussi, sur le mode de fonctionnement, la manière d'être et de faire.
Cela supposera également de changer ses habitudes et penser davantage à l'autre (tout en se préservant évidemment), à son environnement et réaliser que, sans changement réel, nous hypothéquons le futur de nos enfants.
Ne pas oublier la médecine collective
Raisonner RSE, c'est aussi se former, lors notamment des conférences organisées par le pôle Biodiversité du SNVEL au congrès annuel de l'Afvac***, et se reconnecter aux premières amours naturalistes des vétérinaires, pour conserver cette pertinence de la médecine individuelle autour de l'animal de compagnie mais sans oublier la médecine collective et le lien étroit et fort que les vétérinaires ont avec la nature et leur environnement.
Il faut aussi faire en sorte que le travail (de triplalium : instrument de contrainte) devienne un temps d'épanouissement, car la parole et le respect seront au coeur de l'entreprise, les tâches compliquées ou les gardes seront partagées et bien rémunérées et l'écoute et le sens seront redevenus le coeur de l'art vétérinaire.
Prendre du plaisir au travail
De même, le plaisir de faire bien, en équipe et en préservant sa vie personnelle et ses valeurs seront au centre des réflexions du futur chef d'entreprise.
Il importe aussi de faire en sorte que l'environnement et les écosystèmes soient conservés afin de pouvoir aller s'y évader et ainsi maintenir sa santé mentale. Santé mentale et physique est en effet essentielle à tout équilibre. Le plaisir au travail permet à chacun épanouissement, vie économique et intellectuelle, reconnaissance et rejoint les préoccupations et les valeurs des vétérinaires. ■
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
** APForm : AnimalPro Formation.
*** Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.
Gros Plan : La RSE appliquée aux entreprises vétérinaires en résumé
Appliquer le principe de responsabilité sociale et environnementale (RSE) aux entreprises vétérinaires permet :
- d'accompagner la nécessité de changement de paradigme ;
- d'anticiper et tenter de mieux préserver les Hommes et l'environnement (biodiversité au sens large) ;
- d'anticiper les risques de santé mentale, de burn out, de désengagement ;
- d'augmenter le bien-être au travail (donc la qualité et le bien-être animal mais pas de bien-être animal sans bien-être humain) ;
- d'être responsable et donner les bons conseils aux clients en termes de consommation et de prévention ;
- de mettre en place des utilisations raisonnées des antibiotiques et des anthelminthiques pour les animaux de compagnie ;
Mieux gérer les déchets
- de mieux gérer les déchets, les consommables, le plastique tout en restant hygiéniste ;
- de satisfaire aux exigences du climat de la nature, des salariés, des collaborateurs et des clients (sans jamais perdre son âme) ;
- de tout faire pour diminuer le gaspillage (mettre en place un pôle « écologie » ou « sobriété heureuse »), sans oublier la fantaisie et les plaisirs sains ;
- de fidéliser ses collaborateurs autour de vraies valeurs ;
- de continuer à être de bons acteurs économiques et sociétaux ; faire de la RSE ne veut pas dire ne pas réussir, économiquement, bien au contraire. V.L.
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