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DAC : pourquoi et comment favoriser l'observance des traitements

Dermatite atopique débutante chez un (très) jeune chien : le propriétaire doit être informé des différentes options thérapeutiques disponibles très tôt.

© Emmanuel Bensignor

Emmanuel BENSIGNOR

Spécialiste en dermatologie

Professeur associé de dermatologie-Oniris

Consultations référées de dermatologie et allergologie à Rennes-Cesson, Paris et Nantes

Dermatologie

Un traitement efficace de la dermatite atopique canine (DAC) nécessite l'adhésion du propriétaire au programme thérapeutique défini pour son animal. Le vétérinaire doit, de son côté, comprendre la notion de « fardeau du patient » que constitue l'observance du traitement de la DAC. Il doit tout mettre en oeuvre pour que le traitement soit le plus simple à réaliser.

La dermatite atopique canine (DAC) est une maladie complexe, caractérisée par une interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux responsables d'une modification du système immunitaire, du microbiome cutané et de la barrière épidermique, associés à la synthèse de médiateurs pro-inflammatoires variés à l'origine de démangeaisons et de lésions (érythème, éruption papuleuse dans les phases aiguës, hyperpigmentation et lichénification dans les phases chroniques).

L'approche thérapeutique de la maladie est donc nécessairement multifactorielle (donc compliquée), a fortiori car elle doit s'envisager sur le long cours, la maladie n'ayant pas tendance à s'améliorer avec le temps.

Assumer des soins répétés

Dans ce contexte, le propriétaire va devoir assumer des soins répétés, incluant l'administration de médicaments, des applications de produits traitants topiques (peau et oreilles), la réalisation récurrente de shampooings (entre autres). Il est fondamental qu'il comprenne l'importance de se conformer à la prescription, ce qui nécessite de sa part une adhésion au programme thérapeutique.

En médecine humaine, on considère que 80 % des patients atteints de maladie chronique ne suivent pas suffisamment leurs traitements totaux pour obtenir les bénéfices optimaux. En Europe, l'observance aux traitements serait inférieure à 70 %1 .

On définit l'observance (les anglophones utilisent facilement le mot compliance) comme l'ensemble des comportements de santé observés par le patient. L'adhésion thérapeutique correspond à la dimension attitudinale de l'observance. L'observance correspond en pratique « au degré de respect ou d'écart entre les prescriptions et les pratiques du patient en termes de santé ».

Manque de preuves

Des solutions sont possibles pour optimiser l'observance en dermatologie, notamment pour la dermatite atopique : des outils d'aide pour améliorer l'efficacité des traitements au long cours sont indiqués.

Dans cette rubrique a déjà été évoquée l'importance de la communication (utilisation d'outils Internet, de documents papiers par exemple), de la démarche centrée sur le patient (réalisation de séances d'école de l'atopie par exemple)2, de plans thérapeutiques personnalisés et aussi (surtout) d'un suivi adapté (envois de rappels par courriel ou texto mais également demande de nouvelles afin d'objectiver l'amélioration ou les difficultés rencontrées par le/la propriétaire au quotidien)3 . Toutes ces approches améliorent la prise en charge bien que la démonstration précise de leur utilité pratique manque actuellement cruellement de preuves scientifiques en dermatologie vétérinaire (il est urgent que des études randomisées comparatives de grande ampleur soient réalisées).

Nous insistons ici sur une autre thématique : la nécessaire compréhension par le vétérinaire de la notion de fardeau du patient (qui a été bien démontrée dans la dermatite atopique par une équipe nord-américaine) justifie le recours à des solutions thérapeutiques les plus simples possibles ou, a minima , les moins compliquées possibles à mettre en place4 .

Comprimés appétents

Dans ce contexte, il semble important de tout mettre en oeuvre pour que les traitements soient les plus faciles à réaliser. Le clinicien doit envisager l'utilisation de comprimés appétents lorsqu'ils sont disponibles et que le chien n'a pas une tendance spontanée à prendre les médicaments, même cachés dans la nourriture, des enquêtes propriétaires ayant montré que faire avaler tous les jours des comprimés est souvent difficile au long cours. Ainsi, 65 % des propriétaires ont des difficultés à donner à leurs chiens des comprimés « conventionnels » sans arôme5.

Le recours aux solutions injectables est une alternative à condition que les visites à la clinique ne soient pas un frein à leur réalisation pratique. Les spot on, sprays ou mousses peuvent représenter des alternatives intéressantes pour remplacer les shampooings, plus contraignants. Des protocoles ont été mis en place par l'industrie cosmétique qui ont démontré une efficacité comparable avec les formulations galéniques classiques dans des études publiées de qualité6.

Il peut également être utile d'envisager des traitements combinés : l'utilisation simultanée d'un spray corticoïde avec l'oclacitinib a permis d'obtenir une épargne en prise de comprimés dans une étude japonaise récente7 . Il en est de même en combinant une injection de lokivetmab avec un traitement cosmétique topique réhydratant et apaisant8 .

Toutes ces solutions doivent être évoquées avec le propriétaire afin d'obtenir son adhésion et de renforcer son observance sur le long cours.

Illustration clinique

Une illustration clinique de cette approche est le cas d'une femelle west Highland white terrier de 7 ans référée à la consultation spécialisée de dermatologie-allergologie pour une dermatite atopique récalcitrante. La chienne présente depuis plusieurs années des signes classiques de DAC (léchage podal, frottements du museau, érythème et parfois réactions papuleuses des grands plis).

Le bilan a été bien réalisé (sérologie gale sarcoptique négative, traitements antipuces renforcés, régime hypoallergénique n'ayant pas permis d'amélioration de la symptomatologie, sérologie IgE spécifique d'aéroallergènes montrant une sensibilisation à différents acariens des poussières).

Un traitement topique régulier a été prescrit avec un shampooing spécifique ainsi qu'un traitement antiallergique de fond avec la ciclosporine (la désensibilisation ayant été refusée par le propriétaire). Tout allait pour le mieux, jusqu'à un échappement depuis 6 mois, la chienne présentant des crises récidivantes de prurit justifiant des administrations ponctuelles mais répétées de traitements symptomatiques (oclacitinib ou prednisolone).

Lors de la visite, l'examen clinique montrait une dermatite atopique peu symptomatique mais un prurit assez sévère coté à 7/10 en échelle PVAS. L'interrogatoire du propriétaire a révélé à ce stade que les administrations de ciclosporine étaient depuis plusieurs mois très aléatoires, la chienne ne supportant plus le goût amer du sirop.

Par ailleurs, le traitement antipuces (comprimés trimestriels par voie orale) avait été abandonné suite à des vomissements depuis près d'un an... Et finalement les shampooings n'étaient réalisés que tous les mois et sans temps de pose.

Le plan thérapeutique a été adapté avec modification de la ciclosporine orale pour des injections mensuelles de lokivetmab, les shampooings ont été remplacés par des applications hebdomadaires de spot on et le traitement antipuce a été revu avec la pose d'un collier. Finalement, la chienne est bien contrôlée et le propriétaire conscient de l'importance des soins réguliers est redevenu confiant et compliant.

Références

1 Lamouroux et al., Compliance, observance ou adhésion thérapeutique : de quoi parlons-nous ?, Rev Mal Respir, 2005.

2 Bensignor E., L'éducation thérapeutique en médecine vétérinaire : une adaptation possible ? exemple de la dermatite atopique canine, Bull Acad Vet France, 2019.

3 Bensignor E. et al., Long term adherence to topical treatments in canine atopic dermatitis : a randomized intervention study, Vet Dermatol, 2020 (Suppl 1).

4 Treatment complexity and caregiver burden are linked in owner of dogs with allergic/atopic dermatitis, Vet Dermatol, 2021.

5 Dog owners' preference for chewable versus conventional (film-coated) Apoquel®, Zoetis study. Mars 2023. Outcomes Research Report No. 22INTLORDERM-01-01.

6 Olivry T et al., Treatment of canine atopic dermatitis : 2015 updated guidelines from the International Committee on Allergic Diseases of Animals, BMC Vet Res, 2015.

7 Takahashi J et al., efficacy and safety of 0,0584 % hydrocortisone aceponate topical spray and systemic oclacitinib combination therapy in dogs with atopic dermatitis : a randomized, double blinded, placebo controlled trial, Vet Dermatol, 2021.

8 Bensignor E., Videmont E., Weekly topical therapy based on plant extracts combined with lokivetmab in canine atopic dermatitis, Vet Dermatol 2022.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1676

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