Covid-19 et réserve sanitaire : un praticien et une étudiante vétérinaires témoignent

La formation initiale de notre confrère pour son intervention à l'hôpital a surtout porté sur le bon usage des équipements de protection.

© D.R.

Solidarité

Suite à l'appel de l'Ordre lancé le 20 mars, plus de 5 000 vétérinaires se sont portés volontaires pour la réserve sanitaire dans le contexte de crise liée au Covid-19. Un praticien et un étudiante, l'un et l'autre volontaires, témoignent.

Pierre Garcia, praticien : « La logique est de se rendre utile »

Avant même l'appel de l'Ordre, notre confrère Pierre Garcia, praticien canin à Guéret (23), avait contacté l'hôpital de sa ville pour proposer ses services. Il s'est ensuite inscrit sur la réserve sanitaire et a commencé à intervenir en milieu hospitalier, le 31 mars. Familier du milieu médical, il n'a pas hésité à se mobiliser pour la santé humaine, dans une logique de service et d'humanité.

La Dépêche Vétérinaire : Vous faites partie des quelque 5 000 vétérinaires qui ont répondu à la demande de l'Ordre et se sont portés volontaires pour la réserve sanitaire. Qu'est-ce qui vous a motivé pour le faire ?

Pierre Garcia, praticien canin à Guéret (23) : Je l'avais envisagé et mis en oeuvre avant même l'appel de l'Ordre. J'ai en effet contacté de ma propre initiative l'hôpital de Guéret pour lui proposer mes services si besoin, sur mon temps disponible.

Notre clinique exerçant uniquement en activité canine, nous avons dégagé beaucoup de temps libre.

Une fois l'appel de l'Ordre lancé, je me suis inscrit pour la réserve sanitaire.

Le directeur de l'hôpital, en accord avec l'Agence régionale de santé, m'a rappelé et m'a proposé le poste d'aide-soignant puis d'infirmier.

Mon action permet de dégager du temps à un infirmier hospitalier qui peut le consacrer à d'autres tâches ou à du repos bien nécessaire.

D.V. : Aviez-vous déjà collaboré avec la médecine humaine ?

P.G. : Non, c'est ma première expérience effective en médecine humaine mais je suis sensibilisé au milieu médical, étant fils, petit-fils et neveu de médecin et ayant moi-même deux enfants médecins, dont l'une est urgentiste.

Néanmoins, la logique de mon investissement personnel est de rendre service et d'être utile à la communauté.

Je me suis également inscrit sur la liste de prêt de matériel mais n'ai pas encore été sollicité car le besoin n'est pas présent dans ma région pour l'instant.

Notre clinique a, par contre, déjà distribué des masques à des médecins libéraux, des hôpitaux et des Ehpad* car nous avions un stock important.

Nous n'en avons conservé qu'une vingtaine que nous réutilisons après stérilisation.

D.V. : Pour quelles tâches avez-vous été sollicité et comment s'est déroulée votre intégration à l'hôpital ?

P.G. : Ma formation a débuté le 31 mars et, dès le lendemain, j'étais sur le terrain.

Je remplace un infirmier et suis chargé de la réalisation des prélèvements et de la visite des Ehpad, là encore pour réaliser des écouvillonnages.

La formation initiale a surtout porté sur le bon usage des équipements de protection, l'habillage et le déshabillage, car nous portons une combinaison intégrale. Elle m'a aussi permis de me familiariser avec le fonctionnement de l'hôpital et son infrastructure.

Dès le 4 avril, je devais faire des journées continues, seul avec un aide-soignant, consacrées à des prélèvements à l'hôpital le matin et des visites d'Ehpad l'après-midi. Je devais recevoir également mon planning pour la semaine.

Le personnel de l'hôpital m'a juste demandé de rester discret sur mon métier ! Et avec l'équipement de protection, j'ai peu de risque d'être reconnu...

J'ai la chance de résider dans un secteur qui n'est pas encore surchargé sur le plan médical, malgré un nombre croissant de cas.

D.V. : Comment avez-vous en parallèle réorganisé l'activité de votre clinique ? D'autres associés se sont-ils également inscrits pour la réserve sanitaire ?

P.G. : Nous avons décidé de ne recevoir que les urgences et les cas générant une douleur chez l'animal et uniquement sur rendez-vous, en respectant toutes les précautions d'usage (distanciation, désinfection...).

Nous assurons aussi les primovaccinations et les vaccins jusqu'au premier rappel annuel et différons les autres. Cet acte est nécessaire car dans notre région le typhus est endémique.

Nous délivrons également, uniquement pour nos clients et sur rendez-vous, des antiparasitaires externes car nous sommes aussi en zone touchée par la maladie de Lyme.

La délivrance d'aliments se fait sur rendez-vous.

Nous réfléchissons à la pertinence de réaliser certains autres actes, comme des stérilisations chez des jeunes chiens impubères car leur report peut avoir des conséquences sur leur vie future.

Je suis le seul de ma clinique à m'être engagée dans la réserve sanitaire.

* Ehpad : Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Fanny Herbet, étudiante : « Je pense que beaucoup de vétérinaires sont prêts à aider »

Propos recueillis par Pierre-Louis HELMREICH

De nombreux étudiants vétérinaires ont répondu positivement à l'appel de l'Ordre, dont Fanny Herbet, étudiante en 4 e année à VetAgro Sup Lyon.

La Dépêche vétérinaire : Fanny, comment t'es-tu inscrite à la réserve sanitaire ?

Fanny Herbet : Je me suis inscrite à la suite d'un courriel de l'Ordre destiné aux étudiants souhaitant s'inscrire pour la réserve sanitaire et relayé par VetAgro Sup. Un questionnaire était à remplir et à retourner à l'Ordre.

D.V. : Quelle a été ta réaction à la réception de ce courriel ?

F.H. : Mon sentiment a été partagé. J'ai trouvé ça bien que l'on puisse aider et j'en avais envie. 

Je pense que beaucoup de vétérinaires sont prêts à aider. 

J'ai également trouvé cela effrayant dans le sens où j'espère que l'on n'arrivera pas au point où le personnel soignant sera tellement débordé qu'il faille faire appel aux vétérinaires.

D.V. : Pourquoi t'es-tu inscrite ?

F.H. : Je souhaitais aider dans cette crise. Le confinement nous dégage du temps libre. Autant le consacrer à venir en aide au personnel soignant.

D.V. : As-tu été recontactée depuis que tu t'es inscrite ?

F.H. : Non et je n'ai pas eu de confirmation de mon inscription pour la réserve.

D.V. : A ta connaissance, êtes-vous nombreux dans ton entourage à vous être inscrits ?

F.H. : Oui. Je pense qu'environ 80 à 90 % des étudiants que je connais se sont inscrits à la réserve sanitaire.

D.V. : Penses-tu que le rôle des vétérinaires durant cette crise est de prêter main forte au personnel soignant ?

F.H. : Je pense que oui, dans le sens où l'on peut très bien aider les médecins dans des tâches non médicales, de gestion. 

Nous sommes sensibilisés aux problèmes médicaux, aux questions sanitaires, d'hygiène et aux bonnes pratiques. 

Nous sommes formés à ces problématiques et aux situations d'urgences vétérinaires. C'est tout une partie de notre formation qui peut s'avérer utile pour aider le personnel soignant.

D.V. : Selon toi, les vétérinaires ont-ils d'autres rôles à jouer dans cette crise ?

F.H. : Pour moi, les vétérinaires peuvent faire de la prévention et de la communication sur les gestes barrières, qui font partie de notre apprentissage.

Nos enseignements en virologie et en pathologie infectieuse nous ont inculqué des notions pouvant s'avérer utiles dans l'information des bonnes pratiques (respect du confinement, se laver régulièrement les mains, etc.).

D.V. : As-tu été consultée et/ou questionnée par ton entourage sur le Covid-19 ?

F.H. : J'en ai discuté avec mes parents qui avaient vu de nombreux reportages et interviews à la télévision. J'ai simplement échangé avec eux sur ce que je savais des coronavirus en médecine vétérinaire.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1524

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