Corticoïdes : connaître leurs limites dans le traitement du prurit du chien atopique

Photo n° 1 : Lésions secondaires à l'application répétée d'acétonide de triamcinolone.

© Céline Darmon

Céline DARMON

Dip ECVD

CHV Frégis, Synervet, UniLaSalle

Dermatologie

Longtemps, les corticoïdes ont été la seule arme efficace à disposition du praticien pour gérer les crises allergiques lors de dermatite atopique canine. Ils ne sont cependant pas dénués d'effets secondaires. L'arrivée sur le marché de nouvelles molécules antiprurigineuses permet de raisonner leur utilisation.

L'arsenal thérapeutique des vétérinaires s'est enrichi ces dernières années de nouvelles armes antiprurigineuses : oclacitinib et lokivetmab. Avant leur arrivée, si la ciclosporine était disponible pour la gestion de la dermatite atopique au long cours, les corticoïdes représentaient la seule thérapeutique de gestion des crises allergiques.

En effet, la dermatite atopique est une maladie inflammatoire et prurigineuse, évoluant par poussées. Il est donc souvent nécessaire d'administrer un anti-allergique d'action rapide pour soulager l'animal en crise.

Les corticoïdes, à la base de la définition de la gestion de la dermatite atopique canine

Les corticoïdes sont efficaces dans la gestion de la dermatite atopique*.

Ils ont longtemps été le seul traitement disponible pour soulager l'inflammation et le prurit allergique, au point que la réponse à la corticothérapie fait partie des critères même du diagnostic de la dermatite atopique (lire ci-après).

Effets secondaires des corticoïdes

Si les corticoïdes jouent sur le système immunitaire, la présence de leurs récepteurs sur toutes les cellules de l'organisme implique un manque de spécificité à l'origine des nombreux effets secondaires rencontrés, notamment dans le cadre d'une maladie chronique et récidivante au long cours.

On peut distinguer les effets secondaires liés aux actions des corticoïdes sur le système nerveux central (polyphagie, troubles du comportement), leurs effets métaboliques (lipolyse, hyperlipidémie, catabolisme des protéines, hépatopathie), sur le système musculaire (ostéoporose, diminution de la croissance, fonte musculaire, inhibition des fibroblastes, diminution de l'absorption calcique intestinale), sur le système endocrinien (diminution de la synthèse d'hormones thyroïdiennes, effets anti-insuline, suppression de l'axe hypothalamo-hypophysaire, augmentation de la synthèse des hormones parathyroïdes), sur le système gastro-intestinal (ulcération, pancréatite), sur la balance hydrique (rétention sodique, polyurie, polydipsie).

Mais, en dermatologie, c'est l'augmentation du risque de pyodermite bactérienne à laquelle nous allons être rapidement confrontés en cas de corticothérapie répétée (lire ci-après).

La peau du chien atopique est un terrain propice au développement d'infections microbiennes, bactériennes en particulier. On y observe une dysbiose, c'est-à-dire une modification du microbiote cutané (diminution de la variété de la flore microbienne et augmentation relative de Staphylococcus pseudintermedius).

Les altérations de la fonction barrière cutanée accentuent encore les effets de la présence anormale des bactéries en augmentant leur adhésion aux cornéocytes.

Enfin, les staphylocoques peuvent libérer des toxines favorisant l'inflammation cutanée allergique. L'utilisation de corticoïdes de façon répétée accentue encore ce risque infectieux.

Alternatives à la corticothérapie

Le mode d'action de la ciclosporine (inhibiteur de la calcineurine) en fait un outil utile dans la gestion des dermatoses allergiques au long cours. En revanche, son temps d'action relativement long (2 à 3 semaines) rend sa prescription peu judicieuse face à un animal en crise.

L'oclacitinib (inhibiteur de Janus kinase) et le lokivetmab (anticorps monoclonal anti IL-31) sont indiqués dans le traitement de la dermatite atopique au long cours. Leur délai d'action très court en fait également des armes de choix dans la gestion des poussées allergiques. En particulier, leur spécificité minimise le risque infectieux.

Corticoïdes topiques

L'efficacité de corticoïdes topiques, tels que l'acéponate d'hydrocortisone, a été démontrée notamment en application proactive (deux jours consécutifs par semaine) pour prolonger l'intervalle de rémission entre deux crises au long cours.

Sa faible biodisponibilité plasmatique lui confère une très bonne innocuité. Une application trop fréquente, en trop grande quantité ou l'utilisation de corticoïdes topiques avec biodisponibilité élevée peut cependant mener à des effets secondaires comparables à un hypercorticisme iatrogène par absorption percutanée (atrophie épidermique, comédons, alopécie, pyodermite bactérienne...).

Conclusion

Ainsi, face à un chien atopique en pleine crise, le clinicien doit rechercher en priorité une infection microbienne qui, avec les parasites, les allergènes environnementaux et alimentaires, constitue un facteur de poussée allergique**.

Au cours des dernières décennies, on observe une augmentation marquée des infections bactériennes résistantes aux antibiotiques chez le chien. Compte tenu du risque important de développer des pyodermites bactériennes chez le chien atopique, le prescripteur doit, dans sa stratégie thérapeutique, garder en tête les risques pro-infectieux des corticoïdes.

* Olivry T, Sousa CA. The ACVD task force on canine atopic dermatitis (XX) : glucocorticoid pharmacotherapy. Veterinary Immunology and Immunopathology 2001; 81: 317-22.

** Olivry T, DeBoer DJ, Favrot C, Jackson HA, Mueller RS, Nuttall T, Prélaud P; International Committee on Allergic Diseases of Animals. Treatment of canine atopic dermatitis: 2015 updated guidelines from the International Committee on Allergic Diseases of Animals (ICADA). BMC Vet Res. 2015 Aug 16;11:210.

Gros Plan : Mode d'action pro-infectieux des corticoïdes*

- Inhibition de la fonction phagocytaire des macrophages

- Diminution de la production de protéines antimicrobiennes épithéliales comme les défensines

- Effet suppresseur des réponses T cellulaires. C.D.

* Scott DW: Rational use of glucocorticoids in dermatology. In Bonagura J, editor: Kirk's Current Veterinary Therapy XII. Philadelphia, 1995, W. B. Saunders Co, pp 573-580.: Animals treated with glucocorticoids tend to experience bacterial infections of the skin and urinary and respiratory systems.

Gros Plan : Critères de diagnostic de la dermatite atopique : les critères de Favrot*

- Age d'apparition avant 3 ans

- Vit principalement à l'intérieur

- Prurit cortico-sensible

- Dermatites à Malassezia chroniques ou récidivantes

- Atteintes des pieds antérieurs

- Atteintes des oreilles

- Absence d'atteinte des bords libres des pavillons auriculaires

- Absence d'atteinte dorso-lombaire. C.D.

* Canine atopic dermatitis: detailed guidelines for diagnosis and allergen identification.  BMC Vet. Res., 2015, Vol. 11, 196-015-0515-5. 


Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1649

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