Coronavirus bovin : incidence croissante, expression polymorphe

Le BCoV s'exprime de manière différente en fonction du type d'élevage et de l'âge des animaux.

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Bertrand RIDREMONT

Consultant en santé et nutrition animales

Membre titulaire de l'Académie vétérinaire de France

Epidémiologie

L'incidence des coronaviroses bovines est très élevée en élevages bovins laitiers et viande. L'orientation d'une souche de coronavirus bovin vers une forme clinique à tropisme digestif et/ou respiratoire serait liée à la voie et la dose d'infection et aux interactions avec le microbiote et l'immunité locale de l'hôte et à des facteurs environnementaux. En dépit d'un impact économique parfois important, aucun vaccin dirigé contre les coronavirus respiratoires n'a encore été commercialisé pour prévenir les pneumonies associées au coronavirus bovin chez les jeunes veaux ou les jeunes bovins dans le cadre du complexe respiratoire bovin.

Les coronaviroses bovines, dues au coronavirus bovin (BCoV), sont à l'origine de troubles digestifs et respiratoires chez les bovins domestiques et sauvages. Elles sont répandues à travers le monde. Leur incidence est très élevée dans les élevages de bovins laitiers et bovins à viande, et les pertes économiques qu'elles entraînent peuvent être considérables.

Le BCoV appartient à la famille des Coronaviridae , à la sous-famille des Orthocoronavirinae , au genre Betacoronavirus, au sous-genre Embecovirus et aux espèces Betacoronavirus1 . On considère qu'il n'y aurait qu'un seul sérotype de ce virus malgré les différents syndromes cliniques et transmissions inter-espèces, les divers variants : il n'existerait qu'une faible diversité de séquence entre les coronavirus impliqués dans les diverses formes cliniques chez les bovins domestiques et sauvages.

Voici un exemple : une identité nucléotidique presque parfaite au niveau de la glycoprotéine HE avait été trouvée au Québec entre des souches de coronavirus bovin isolées à partir de diarrhées néonatales et d'entérite hémorragique hivernale. Des études expérimentales d'épreuve virulente et terrain ont montré que des souches isolées lors de diarrhées et de dysenterie hivernale peuvent aussi induire des signes cliniques respiratoires.

Deux types majeurs de virus

L'orientation d'une souche de BCoV vers une forme clinique à tropisme digestif et/ou respiratoire serait plus liée à la voie (orale/nasale) et la dose d'infection et aux interactions avec le microbiote et l'immunité locale (dysbiose) de l'hôte et à des facteurs environnementaux, par exemple les conditions d'infection (stress, température, conditions sanitaires, co-infections).

Il existe deux types majeurs de virus : un type européen (dérivé du génotype classique et divisé lui-même en onze génotypes) et un type américain (dérivé du génotype « Ruminants sauvages US » et divisé en trois génotypes).

La stabilité relative du BCoV a été confirmée en France sur la base d'une étude phylogénétique de souches isolées en Normandie (origine : diarrhées de veaux de moins d'un mois d'âge) sur une période de 12 ans. Des coronavirus BCoV-like ont été mis en évidence dans les années 1990 chez des espèces de ruminants sauvages (cervidés, bovidés...) et les petits ruminants : le BCoV a la capacité d'infecter de multiples hôtes (transmission interspécifique, voir figure).

Implication croissante dans le complexe respiratoire bovin

On a acquis de plus en plus de preuves indiquant que le BCoV est un agent pathogène important pour le complexe respiratoire bovin. En mono-infection expérimentale, on observe que le BCoV infecte les cellules épithéliales de la trachée et des poumons. En complément, il a été remarqué que les cellules infectées expriment à leur surface des récepteurs d'adhésion des pasteurelles. De nouvelles techniques de diagnostic (hybridation in situ couplée à l'histologie) ont confirmé la présence de BCoV dans les lésions des épithéliums trachéal et pulmonaire sur des veaux malades.

La symptomatologie décrite dans le cas des infections respiratoires à BCoV des jeunes bovins inclut des signes respiratoires classiques (toux, dyspnée, pneumonie, rhinite, fièvre, +/- anorexie) avec une excrétion par les voies nasale (maximum de 28 jours), fécale (maximum de 35 jours), voire oculaire.

Le BCoV s'exprime de manière différente en fonction du type d'élevage et de l'âge des animaux.

1. Les maladies respiratoires du veau jusqu'à l'âge de 6 mois, souvent désignées sous l'appellation du syndrome pneumonie (enzootique) du veau

Une étude récente1 a été réalisée dans 128 élevages laitiers, allaitants et mixtes belges confrontés à des épisodes respiratoires (un tiers à caractère épizootique, deux tiers sous forme enzootique avec une proportion moyenne de veaux malades de 44 %). Le coronavirus était le virus le plus fréquemment isolé (38,9 %), suivi du VRSB (29,4 %) et du Pi3 (8,1 %), sans différence entre les types d'élevage.

Les facteurs de risque associés étaient :

- une co-infection avec Mannheimia haemolytica,

- une séropositivité des troupeaux laitiers au BCoV,

- la taille d'élevage (nombre de bovins de 6-12 mois d'âge),

- la détection du BCoV (Elisa fèces veaux) l'année précédente (malgré la faible sensibilité des tests rapides),

- la durée des épisodes respiratoires (> 12 jours).

Contrairement au VRSB, le risque d'épisode respiratoire impliquant le BCoV était présent sur toute la saison au bâtiment (novembre à mai) alors qu'il était très saisonnier pour le VRSB (pic en novembre-décembre).

2. Les infections respiratoires des vaches adultes

Dans une étude des cas d'autopsies menée par Oniris2, le coronavirus était associé à 33 % des cas de mannheimiose sur les poumons de vaches (laitier {>} allaitant).

3. Les infections des jeunes bovins (6-10 mois d'âge) et bovins adultes associées depuis 1995 au complexe respiratoire bovin (Bovine Respiratory Disease Complex = BRDC), à la fièvre des transports (shipping fever) décrite dans les feedlots

En engraissement, la séroconversion au BCoV peut atteindre 91-95 % des jeunes bovins dans les trois semaines qui suivent leur arrivée, avec des titres en anticorps multipliés par 2 à 4. Deux études récentes réalisées en France rapportent une prévalence de
81 % sur des broutards en atelier d'engraissement (projet WelHBeeF), 23 % au départ de jeunes bovins de 6 à 10 mois à destination de l'Italie3 .

La mortalité est possible, spécialement lors de surinfections avec des pasteurelles, et intervient 5 à 36 jours après apparition des symptômes.

Nombreux facteurs de risque

Les facteurs de risques des infections à BCoV à l'engraissement sont nombreux : les co-infections avec pasteurelles et autres virus respiratoires, l'absence d'anticorps spécifiques à l'entrée en engraissement, des provenances multiples, une grande distance de transport (prévalence passée de 23 à 75 % entre le départ et l'arrivée de broutards en Italie), l'absence d'une quarantaine (d'au moins 1 mois) avant l'entrée en engraissement, une hétérogénéité du poids lors de l'allottement au centre de tri, l'absence de vaccination des animaux avant le sevrage contre les maladies respiratoires, l'administration de traitements antibiotiques collectifs (par effet de relargage des lipopolysaccharides bactériens) et de traitements corticoïdes (effet immunosuppresseur), la saison avec un pic de maladies entre novembre et mai, la dose et la voie d'infection, une altération du microbiote du tractus respiratoire (dysbiose).

En dépit d'un impact économique parfois important, aucun vaccin dirigé contre les coronavirus respiratoires n'a encore été commercialisé pour prévenir les pneumonies associées au BCoV chez les jeunes veaux ou les jeunes bovins dans le cadre du complexe respiratoire bovin.

Des résultats prometteurs pour un vaccin intranasal expérimental ont été présenté au congrès mondial de buiatrie 2022 et démontraient une réduction significative de l'excrétion nasale et fécale et des signes cliniques associés à un challenge des veaux par voie oro-nasale.

1 Ridremont B. Actualités sur les coronaviroses bovines. Journées nationales des GTV, Nantes, 2022 ; 481-496.

2 Pardon B, Callens J, Maris J, Allais L, Van Praet W, Deprez P, Ribbens S. Pathogen-specific risk factors in acute outbreaks of respiratory disease in calves. J Dairy Sci. 2020 Mar;103(3):2556-2566.

3 Dorso L, Rouault M, Barbotin C, Chartier C, Assié S. Infectious Bovine Respiratory Diseases in Adult Cattle : An Extensive Necropsic and Etiological Study. Animals (Basel). 2021;11(8):2280.

4 Cirone F,Padalino B,Tullio D,Capozza, P, Losurdo M, Lanave G, Pratelli A. Prevalence of Pathogens Related to Bovine Respiratory Disease Before and After Transportation in Beef Steers: Preliminary Results. Animals.2019;9:1093.

Potentiel de franchissement de barrière d'espèces du coronavirus bovin (Zhu et al., 2022)
Synthèse des données d'analyses publiées (études et laboratoires d'analyses) en élevages naisseurs, engraisseurs de JB et laitiers français (références disponibles sur demande auprès de l'auteur)

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1673

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