Comprendre les moteurs des comportements de la génération Z

Les Z n'ont guère confiance dans la capacité de nombreuses entreprises actuelles à leur proposer un emploi « utile ».

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Pierre MATHEVET

Société Tirsev

Site Internet : www.tirsev.fr

Management

Après les Y, les Z arrivent désormais sur le marché du travail. Pétrie de convictions et d'envies d'actions et enfermée dans ses contradictions, cette génération a des spécificités comme l'hyperconnexion et l'importance des réseaux sociaux et de sa propre image. Le vétérinaire chef d'entreprise doit les prendre en compte pour pouvoir manager, attirer et surtout fidéliser les jeunes Z.

Les générations arbitrairement découpées par tranche de 15 ans se succèdent. Après la génération Y englobant les personnes nées entre 1980 et 1995, la génération Z comprend celles nées entre 1995 et 2010. Bien entendu, ces stéréotypes présentent d'énormes limites, en particulier des bornes rigides, à considérer davantage comme des indicateurs à +/- 2 ans pour certains individus.

Le changement de génération est en réalité beaucoup plus lent et progressif qu'une prétendue bascule lors d'un changement d'année de naissance. Chacun est différent et présente donc une identité qui lui est propre. Elle peut être parfois assez différente de la description de ces standards.

Cependant ces stéréotypes sont largement utilisés car ils permettent de visualiser de grandes différences comportementales d'une génération à l'autre. Il est particulièrement important de garder en tête qu'ils n'ont absolument pas vocation à juger tel ou tel comportement, critiquer telle ou telle génération, définir ce qui est bien et ce qui est mal. Ils ont au contraire vocation à bâtir des constats descriptifs pour décrypter les différences intergénérationnelles et améliorer le management intergénérationnel qui est une obligation dans de nombreuses entreprises.

Il est important de comprendre l'autre pour l'accepter avec ses différences, quel que soit son âge, vieux ou jeune, voire nouveau jeune, qu'il soit de la génération X, Y ou Z. Chacune a ses côtés positifs mais aussi ses aspérités, qui peuvent entraîner des difficultés dans la coopération.

Une génération de convictions et d'actions

La jeunesse de la génération Y a été marquée par les guerres (Golfe, Yougoslavie...), les attentats (11 septembre 2001, Charlie hebdo, Bataclan) et souvent chômage de leurs parents. En même temps, ce fut le temps de l'avènement des jeux vidéo (la génération Sim's), où il est facile en un clic de changer de vie, d'environnement, et la période où la télécommande est devenue la baguette magique.

Cela a fortement contribué à construire une génération ne croyant guère à l'avenir et au long terme. Les Y souhaitent en général vivre tout et tout de suite et sont capables de changer facilement d'entreprise, de métier et de lieu de travail. L'avenir étant par définition instable et incertain, cette génération peut aussi avoir une tendance à l'inaction (car « à quoi bon ? ») et au repli sur soi, à un certain individualisme.

A l'opposé, les jeunes de la génération Z, qui n'ont jamais connu le monde sans Internet, sont adeptes des réseaux sociaux, de la communauté et de l'action collective. Très marquée par les informations mondiales, cette génération est fortement engagée dans les enjeux sociétaux comme l'écologie, la lutte contre le réchauffement climatique, l'alimentation respectueuse de la nature, l'égalité femme-homme et la défense des minorités sexuelles.

Elle traduit ces convictions en actions concrètes. 71 % des jeunes interrogés appartenant à cette génération ont la certitude que l'inaction coûtera plus cher à l'humanité que l'action dans les domaines du climat et de l'écologie*. La militante Greta Thunberg appartient à cette génération.

Adeptes du changement permanent

La génération Z est ainsi une génération qui a muri très vite, consciente de l'urgence climatique, et a appris à l'école Respire de Mickey 3 D, plaidoyer pour l'écologie. Même si elle est parfois décrite comme insouciante, hypersensible, voire immature, elle est pleinement consciente de la précarité grandissante et des enjeux sociétaux.

Les Z sont, comme leurs grands frères et soeurs, des adeptes du changement permanent. Le mouvement est un art de vivre, les nouvelles aventures professionnelles et les missions courtes, de véritables sources de plaisir. Leur modèle est davantage tourné vers la prestation ponctuelle que vers le CDI, qui n'est plus un Graal sécuritaire.

Ils sont ainsi des slashers convaincus, soit en cumulant plusieurs activités en simultané, soit en sachant s'adapter aux incessantes mutations du marché du travail et en saisissant les opportunités d'intérêt. Ainsi, si ce terme de slasher a eu pendant quelques années une connotation négative, la génération Z le transforme en une caractéristique positive, pleine d'énergie, en multipliant les activités.

La génération Z est pétrie de contradictions

Les Z, avides d'actions ayant du sens par rapport aux enjeux de la planète, n'ont guère confiance dans la capacité de nombreuses entreprises actuelles à leur proposer un emploi « utile » et se succèdent alors les déclarations fracassantes sur les réseaux sociaux, les envies de « grande bifurcation » pour refuser le monde qui leur est proposé.

Ils optent alors pour la création de leurs propres entreprises. Ils ont la conviction qu'en imaginant leurs propres règles internes, en phase avec leurs propres valeurs, ils gagneront leur liberté et trouveront des actions porteuses de sens. Méconnaissant parfois les contraintes et les obligations de l'entrepreneuriat ainsi que certaines réalités économiques, ils rêvent aux modèles de start up florissantes ou aux métiers en lien avec le respect de la nature et des circuits courts. Parfois pour ces doux rêveurs, le retour à la réalité est difficile.

Cette génération possède une certaine tendance à l'intolérance. Elle ne peut pas comprendre les personnes qui ont d'autres convictions que les leurs car celles-ci sont partagées bien entendu par toutes leurs communautés.

Elle ne s'est pas forgée contre ses parents, contre la famille mais en dehors d'eux. La connaissance étant en perpétuelle évolution, ils réfutent toute transmission du savoir familial, désuet par nature. Google est bien plus fiable que la mémoire de leurs vieux parents. Leurs figures d'identification se situent non plus dans les générations précédentes mais au sein de leur propre génération.

Intolérants et persuadés d'avoir raison

Ces jeunes adultes ont fabriqué leur mode de pensée sur les réseaux sociaux et défendent alors, bec et ongles, leur propre perception de la justice sociale et de la justice écologique. Le biais de confirmation issu des algorithmes des réseaux sociaux est devenu une réalité permanente, renforçant en permanence leurs convictions premières.

Ils cherchent à imposer leur grille de lecture au reste de la société, autopersuadés d'avoir totalement raison. Là où les jeunes Y baissaient les bras, surveillant la stricte et juste application des règles, les jeunes Z sont fortement engagés pour faire bouger les lignes, exiger l'intégration de leurs propres convictions.

Les Z considèrent les autres comme intolérants alors qu'ils ont eux-mêmes de nombreuses et très fortes rigidités. Cela génère régulièrement des rapports tumultueux entre les parents acceptant mal de se voir imposer le tri sélectif, la réduction de la durée de leur douche, le repas de Noël végan. Les frictions sont inévitables tant il est difficile pour les parents de se voir gouverner par leurs propres enfants.

Ils croient apporter des idées neuves

Les jeunes de la génération Z se targuent aussi de changer le monde, d'apporter des idées neuves. Ils croient avoir inventé le recyclage des vêtements grâce à Vinted ND alors que leurs parents s'habillaient déjà en seconde main dès les années 80. Les ventes de disques vinyles repartent à la hausse sous l'effet des achats des jeunes les ayant (re)découverts et les préférant aux piètres CD.

La lutte contre l'obsolence programmée et du jetable est une évidence pour eux alors que leurs parents ont souvent connu les rémouleurs pour ne pas jeter les couteaux usés, les cordonniers pour réparer les chaussures abimées et savaient repriser les chaussettes trouées.

Enfin, leurs contradictions peuvent émerger dans leur mode de consommation. Soucieux de leur qualité de vie personnelle, certains peuvent militer pour la planète et prendre quand même parfois l'avion pour aller se baigner à l'autre bout de la planète. Prônant le bio et une agriculture responsable, ils peuvent succomber devant un pot de pâte à tartiner rempli de l'huile de palme dévastatrice.

La génération Z arrive sur le marché du travail, pétrie de convictions fortes, d'envies d'actions puissantes et visibles et enfermée parfois dans ses contradictions. Connaître et intégrer ses spécificités comme l'hyperconnexion, l'importance des réseaux sociaux et de sa propre image est essentiel pour pouvoir les manager, les attirer et surtout les fidéliser.

* Enquête Veolia novembre 2022.

Un prochain article détaillera les conséquences de ces différences générationnelles sur le management d'équipe, les organisations et les modes de fonctionnement de l'entreprise.


Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1649

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