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Cochons - Voyage aux pays du Vivant 

De Alain Guignard, docteur vétérinaire

Erik Orsenna, membre de l'Académie Française, s'intéresse depuis longtemps au « Vivant » sous toutes ses formes. Cette fois-ci, il a décidé de mettre son talent au service d'un animal emblématique et de parler au nom du « Cochon » !

Cela commence par la phylogénèse, suivie de l'histoire de la domestication, de quelques rappels de mythologie : L'Odyssée d'Homère, les Métamorphoses d'Ovide, sans oublier les procès d'animaux, la taxe au pied fourchu, les similitudes avec l'espèce humaine, les cochons nageurs des Bahamas...

Une partie de l'ouvrage relate les modalités de la construction d'une industrialisation de l'élevage et de la commercialisation de la viande porcine : zootechnie, histoire de la famille Hénaff et son célèbre pâté, liens avec la pauvreté de la Bretagne des années d'après-guerre, description d'une ferme familiale, règles à respecter pour permettre aux animaux de s'adapter à leurs conditions « de vie » et à leur détenteurs afin de pouvoir « vivre » de leur production, dans un marché mondialisé.

La France élève près de vingt-cinq millions de porcs répartis dans 14 000 exploitations, principalement situées en Bretagne.

 « Le cochon est un médecin malgré lui » ! L'insuline d'origine porcine, couramment utilisée, sauve la vie de nombreux diabétiques. L'utilisation des représentants de cette espèce en qualité d'animal de laboratoire, après avoir subi quelques modifications morphologiques (réduction de sa taille notamment) ouvre la voie à de nombreuses recherches médicales : microbiote, maladie de Crohn, cardiologie, etc.

Erik Orsenna nous entraîne également au sein des « voyages du vivant ». Il relate les principales étapes de la découverte des virus, à la fin du 19e siècle. Il enchaîne avec les épisodes de la grippe espagnole des années 1918-1919 et de trois autres pandémies successives qui ont assombri le 20e siècle, en 1957, 1968 et 2009. La série n'est pas terminée !...

Il a bien compris que les mouvements des Hommes et de leurs marchandises s'accompagnent souvent du transport des parasites et autres arthropodes (moustiques...) susceptibles de véhiculer différentes maladies microbiennes. Les trafics illicites d'animaux sauvages (très rémunérateurs) constituent également un risque majeur pour la santé. One Health !

Il aborde la question de la souffrance animale : « Longtemps niée, ou ignorée, la question de la souffrance animale est aujourd'hui (presque) partout posée ».

Mais, à part attendre de meilleurs traitements, que peuvent faire les porcs et leurs confrères d'élevage ? La force n'est pas de leur côté. Pour protester contre le sort qui leur est fait, ils ne disposent d'aucune arme. Le droit de grève ne leur est pas reconnu, pas plus que celui de manifester.

Et pourtant, ils protestent. A leur manière.
En développant des maladies, qui ruinent leurs propriétaires.
En agressant l'environnement, qui, à son tour se venge sur les humains.
En pénalisant les producteurs qui se moquent de leur clientèle en trichant un peu trop sur les origines. »

« Tout » est dit sur ce sujet, ou presque...

Il relate les principaux évènements de 2019 relatifs à la propagation de la peste porcine africaine, en Europe de l'Ouest,
y compris la façon dont les autorités (ministère chargé de l'agriculture) réagissent. Il ajoute un paragraphe sur « l'Alerte verte », comment un joggeur est retrouvé mort sur une plage des Côtes-d'Armor, suivi quelques jours plus tard par deux chiens, puis par un cheval et par son cavalier gravement intoxiqué.

Il prolonge par une interrogation provocatrice : « puisque la plupart des épidémies frappant les êtres humains sont transmises par des animaux... faut-il se débarrasser de ces êtres malfaisants » ? La réponse (heureusement) est claire « nous avons besoin des animaux » évidemment, avec qui nous vivons en équilibre.

Plusieurs chapitres nous racontent la biologie des chauves-souris qui vivent en parfaite harmonie avec un des virus les plus dangereux au monde, celui de la rage.

Il termine son ouvrage avec des notes d'espoir. Il nous conte l'histoire du fleuve Whanganui à qui le parlement de la Nouvelle-Zélande a accordé la personnalité juridique. Exemple qui a fait des émules. Il commente le sens des responsabilités écologiques qui commence à habiter les dirigeants d'une des plus grandes coopératives bretonnes.

L'ouvrage a été écrit au début de la pandémie de la COVID19. Erik Orsenna n'a fait qu'effleurer le sujet, mais il a eu le temps de déplorer que « Le monde vétérinaire n'a pas été suffisamment associé à la gestion de la crise, alors qu'il dispose d'une expérience et d'une expertise...qui auraient pu être mises à profit dans le cadre d'un continuum sanitaire entre animaux et êtres humains. Rappelons que 75 % des maladies émergentes sont des zoonoses ».

Le style de l'auteur est clair, simple, agréable. On ne s'ennuie jamais en le lisant et l'on court de découvertes ... en redécouvertes ! Il nous rappelle surtout notre place Être humain au sein de la chaîne de la Vie sur la Terre. Il attire notre attention sur l'humilité dont nous devrions faire preuve pour mieux la respecter.

Article paru dans La Dépêche Technique n° 183

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