Chypre : un nouveau coronavirus provoque le décès de milliers de chats
Animaux de compagnie 49086Ce chat chypriote infecté par le FCoV-23 présente un abdomen gonfé et une perte de poils.
© Pet Priority Medical Care/Sotira, Famagousta, Chypre
Epizootie
Des milliers de chats sont morts à Chypre ces derniers mois, victimes d'une nouvelle souche de coronavirus, le FCoV-23. Il s'agit du premier cas documenté d'un coronavirus de chat combiné à un coronavirus canin pantropique. Le FCoV-23 semble lié à un taux apparemment élevé de symptômes nerveux, bien supérieur à ce qui est observé dans la péritonite infectieuse féline typique.
Au moins 8 000 chats sont morts cette année à Chypre, qui compte un million de chats. Ils présentaient de la fièvre, un ventre gonflé et une léthargie, symptômes évoquant la péritonite infectieuse féline (Pif), due à un coronavirus félin.
Les scientifiques ont identifié une nouvelle souche de coronavirus félin qui comprend des séquences d'ARN de coronavirus canin pantropique (pCCoV) (pantropique signifie que, contrairement aux coronavirus canins intestinaux ordinaires, le pCCoV infecte de nombreux tissus différents)*. Les résultats, en prépublication début novembre sur bioRxiv, pourraient aider à expliquer comment la Pif a pu se propager si largement chez les chats de l'île.
« Bien que des croisements de coronavirus canin-félin aient déjà été signalés, il s'agit du premier cas documenté d'un coronavirus de chat se combinant avec le pCCoV », a déclaré Gary Whittaker, virologue au Collège de médecine vétérinaire de l'université Cornell.
En août, le gouvernement chypriote a accepté l'utilisation vétérinaire du médicament humain contre le Sars-CoV-2, le molnupiravir, qui bloque la réplication du coronavirus et semble être efficace contre la Pif.
Pif grave affectant les intestins
Pour déterminer la cause des nouvelles infections, des chercheurs de l'université d'Édimbourg ont collecté des échantillons de fluide provenant de l'abdomen et de liquide céphalorachidien de chats malades admis dans des cliniques à Chypre et utilisé le séquençage de l'ARN pour rechercher des informations génétiques virales. Ils ont découvert un coronavirus félin jusqu'alors non décrit, qu'ils ont nommé FCoV-23, qui contient une grande partie de l'ARN du pCCoV.
Selon les chercheurs, le FCoV-23 semble être apparu lorsqu'un coronavirus félin a rencontré le pCCoV chez un hôte animal non identifié et a coopté la protéine spike de ce dernier (structure utilisée par les coronavirus pour accéder aux cellules hôtes).
La co-auteure de l'étude, notre consoeur Christine Tait-Burkard (virologue au Roslin Institute, université d'Édimbourg) explique que ceci et d'autres modifications génétiques pourraient avoir permis au FCoV-23 de provoquer une Pif grave affectant les intestins avec une excrétion du virus dans les selles. L'équipe suppose que les modifications apportées à la protéine spike auraient pu rendre le FCoV-23 plus stable en dehors d'un hôte animal, augmentant ainsi le risque de transmission par contact avec des matières fécales contaminées.
Un cas a récemment été identifié au Royaume-Uni chez un chat importé de Chypre. Le risque général pour les chats en dehors de l'île reste faible.
Notre consoeur Margaret Hosie (virologue à l'université de Glasgow et présidente du Conseil consultatif européen sur les maladies des chats) souligne que de nombreuses questions se posent sur la façon dont le FCoV-23 se propage et provoque la maladie.
Améliorer les outils diagnostiques
Des données épidémiologiques supplémentaires sont nécessaires pour être sûr que le virus se transmet directement de chat à chat par les excréments.
« L'augmentation des cas de Pif cette année pourrait être en partie le résultat d'une prise de conscience accrue de cette maladie », note-t-elle. « Nous ne connaissions pas les chiffres auparavant. Nous ne pouvons donc pas dire qu'il y a eu une énorme épizootie. Les coronavirus félins et le pCCoV coexistent dans la région méditerranéenne depuis des années. Il est donc possible que le croisement génétique se soit produit il y a quelque temps ».
Tait-Burkard et ses collègues collaborent avec des chercheurs de Chypre pour tester les chats locaux pour le FCoV-23 et avoir une meilleure idée de sa prévalence et de son taux de mortalité. Ils travaillent à améliorer les outils de diagnostic du virus et prévoient des études en laboratoire pour déterminer comment il infecte différents types de cellules.
L'équipe souhaite déterminer si les caractéristiques uniques du FCoV-23 peuvent expliquer le taux apparemment élevé de symptômes nerveux de la maladie qui en résulte, présents dans 28 % des cas, contre 14 % pour la Pif typique. V.D.