Calypso, plan Ecoantibio 3, maillage et identification : des dossiers majeurs pour la DGAL en 2023

Maud Faipoux est directrice générale de l'alimentation.

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Exercice

Directrice générale de l'alimentation au ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire depuis un peu moins d'un an, Maud Faipoux est en charge de dossiers majeurs pour la profession à l'instar de la mise en oeuvre de l'outil Calypso. Cette ancienne conseillère agriculture du président de la République et de la Première ministre, diplômée de l'Institut national agronomique Paris-Grignon (INA-PG) et de l'Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts, compte sur les vétérinaires pour mener à bien des défis intersectoriels comme la lutte contre l'antibiorésistance et s'engage, par plusieurs mesures, à les aider pour maintenir un maillage vétérinaire efficace.

La Dépêche Vétérinaire : Depuis le 14 mars, Calypso est opérationnel. Cet outil est imparfait dans la mesure où certaines données concernant notamment les antimicrobiens prescrits au chevet du malade ne sont pas enregistrées. Pour ce faire, cela nécessiterait, comme le dénonce le SNVEL* depuis des mois sans réponse, des équipements embarqués coûteux. L'Etat pourrait-il prendre en charge, à l'instar de ce qui est fait en médecine humaine, cette mise en place indispensable pour garantir la fiabilité des données collectées ?

Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation au ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (Masa) : Concernant la collecte des données relatives aux antimicrobiens, le choix a été fait de relier Calypso aux logiciels professionnels, les VIMS (Système de gestion de l'information vétérinaire, NDLR) pour éviter une double saisie des informations et limiter les impacts financiers pour les vétérinaires.

Par ailleurs, l'année 2023 sera une année de transition durant laquelle les données recueillies ne seront pas complètes puisque nous avons choisi de ne pas demander une saisie rétroactive au 1er janvier 2023 et qu'il reste à mener un travail de structuration pour certaines données.

Aujourd'hui, les données concernant les antimicrobiens devant être transmises à Calypso sont au nombre de six : code GTIN du médicament, quantité cédée, nombre d'animaux traités, date de cession, numéro de l'ordonnance et catégorie d'espèce.

La plupart de ces données sont saisies dans le registre de délivrance qui doit être tenu par le vétérinaire et pourront donc être transmises automatiquement par le logiciel métier qui équipe le cabinet vétérinaire.

Par ailleurs, deux logiciels mobiles qui permettent la saisie et l'enregistrement sur le terrain des données d'ordonnance sont en phase de test pour envoyer les données de cession vers Calypso. L'un de ces logiciels est déjà qualifié « calypso ».

Enfin, pour les vétérinaires qui ne sont pas équipés d'un logiciel, Calypso proposera, dans la prochaine version, une interface de saisie pour les cessions d'antimicrobiens.

D.V. :Quels intérêts voyez-vous au développement des fonctionnalités de Calypso ?

M.F. : Calypso proposera à terme au vétérinaire de nouvelles fonctionnalités qui lui permettront :

- de consulter les formations qu'il a effectuées dans le cadre de l'habilitation sanitaire (crédits de points) et du catalogue de formation disponible ;

- d'améliorer l'accès à des données de traçabilité des élevages bovins et des détenteurs d'animaux et des données sur les statuts sanitaires ;

- de signaler un équidé exclu de la filière bouchère ou consulter les équidés déjà exclus de la consommation.

De même, le portail Calypso proposera d'autres outils destinés aux vétérinaires en vue de :

- faciliter la relation entre les vétérinaires et les détenteurs d'animaux ;

- aider au suivi des actes exécutés au titre de l'habilitation sanitaire ;

- aider à la réalisation d'actes vétérinaires exécutés au titre de la pratique libérale comme le bilan sanitaire d'élevage ;

- améliorer la surveillance des maladies animales et agir plus rapidement et efficacement ; programmer les analyses obligatoires d'un point de vue règlementaire ;

- déclarer les élevages dans lesquels il y a une question de suspicion d'influenza aviaire, peste porcine africaine ou de mortalité d'abeilles pour mise à disposition de la DGAL ;

- saisir sur Calypso les élevages dans lesquels il y a suspicion de maltraitance et les mettre à disposition de la DGAL ;

- accéder à des documents de référence ;

- recevoir les informations en temps réel depuis la DDPP**.

Calypso bénéficiera donc aux vétérinaires et à l'Etat mais également à l'ensemble des acteurs du monde agricole et à la santé publique.

Grâce à l'accès aux multiples données réglementaires de nature sanitaire, le vétérinaire pourra ainsi valoriser ces informations dans le cadre de son activité pour le compte de l'Etat comme dans son activité libérale.

Calypso est intégré plus largement dans la transition numérique agricole et contribuera ainsi à répondre aux enjeux de compétitivité économique, de maîtrise sanitaire et donc de souveraineté alimentaire.

D.V. : Après le succès des deux plans précédents, le plan Ecoantibio 3 n'a pas encore été dévoilé. Quels sont les objectifs et les pistes qui ont été retenus et quand sera-t-il rendu officiel ?

M.F. : Les plans Écoantibio 1 et 2 ont largement atteint leurs objectifs, en permettant notamment la diminution de l'exposition des animaux aux antibiotiques de 47 % entre 2011 et 2021 selon les dernières données de l'Anses***. Cette réussite est le fruit d'une grande mobilisation des acteurs, qu'il conviendra de conserver pour Écoantibio 3.

Le prochain plan Écoantibio visera à conserver de faibles niveaux d'exposition chez les animaux et à promouvoir le bon usage des antibiotiques en mettant l'accent sur la prévention pour l'ensemble des filières et notamment la biosécurité et la vaccination. Comme pour les plans précédents, la relation vétérinaire-éleveur demeure centrale pour la réussite de ces objectifs. Ce sera une des clés du succès du prochain plan.

La lutte contre l'antibiorésistance est un défi intersectoriel, dont les dynamiques de transmission entre les différents compartiments humains, animaux et environnement demeurent encore méconnues. Écoantibio 3 doit poursuivre son intégration dans une logique One Health, en soutenant la recherche sur les mécanismes de transmission des facteurs de résistance et en impulsant les actions à la croisée des différentes santés (humaine, animale et environnementale).

La territorialisation devrait également être un axe d'approfondissement d'Écoantibio 3, avec une volonté de poursuivre le déploiement du plan en région et de valoriser les initiatives locales. Les données d'usage fournies par le système Calypso seront à terme un outil précieux de pilotage local du plan avec des données robustes, proches du terrain et actualisées.

Le plan Écoantibio 3 sera le fruit d'un travail de concertation avec les parties prenantes concernées par l'enjeu de réduction de l'antibiorésistance. Il devrait être publié fin 2023 en même temps que la nouvelle feuille de route interministérielle de la maîtrise de l'antibiorésistance.

D.V. : Le maintien du maillage vétérinaire en productions animales fait certes l'objet d'appels à manifestation d'intérêt dont les mesures sont sources d'espoir mais le défi économique que représente l'entretien d'une armée de vétérinaires sanitaires en temps de paix dans l'hypothèse d'une future crise n'est pas aujourd'hui relevé. Le modèle actuel de la relation vétérinaires sanitaires-Etat est à bout de souffle. Comment envisagez-vous son évolution et selon quelle échéance ?

M.F. : Conscients de la nécessité de redonner du sens à l'action des vétérinaires sanitaires (VS) au titre du partenariat qu'ils peuvent entretenir avec l'Etat et les détenteurs d'animaux, nous avons décidé, en lien avec les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires, de lancer un chantier d'envergure portant sur la revue des missions et de la rémunération du VS.

L'enjeu est de renforcer le partenariat entre les services de l'Etat, les vétérinaires et les éleveurs et de réfléchir à un nouveau modèle d'intervention et de rémunération du VS adapté aux évolutions des professions agricoles, vétérinaires et des filières.

C'est dans ce cadre que le ministère a souhaité débuter ce chantier en organisant une réflexion délocalisée lors de quatre journées au cours du mois de mai au sein des écoles nationales vétérinaires (lire DV n° 1659 et 1660).

Il s'ensuivra une synthèse des échanges puis une consultation nationale des organisations professionnelles au début de l'été 2023 avec pour objectifs d'aboutir, d'une part, à des expérimentations concrètes et, d'autre part, à une révision du dispositif sur le long terme.

D.V. : La pénurie de main d'oeuvre qui frappe la profession vétérinaire à l'instar d'autres professions affecte de plus en plus le bien-être des professionnels en exercice et entrave le développement de l'activité du secteur. Quelles solutions l'Etat propose-il pour y remédier ?

M.F. : Depuis 2017, une feuille de route visant à lutter contre la désertification vétérinaire a été mise en place par le ministère de l'Agriculture en lien avec les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires. Recentrées en 2020 autour de trois axes - l'ancrage territorial, le renforcement des relations entre Etat et vétérinaires d'une part et éleveurs et vétérinaires d'autre part -, un certain nombre d'actions ont déjà été déployées pour favoriser le maintien du maillage vétérinaire. D'autres sont en cours de déploiement : 

- en 2023, la réforme du suivi sanitaire permanent permettra, d'une part, de réaffirmer l'éleveur dans son rôle d'infirmier au sein de son élevage et, d'autre part, de réaffirmer celui du vétérinaire traitant, dans le cas général, comme seul légitime, par sa connaissance approfondie de l'élevage, à réaliser des prescriptions sans examen clinique systématique des animaux ; cette relation entre vétérinaire traitant et éleveur sera décrite dans un contrat de suivi sanitaire permanent et permettra par ailleurs d'améliorer la maîtrise et la traçabilité des médicaments vétérinaires utilisés au sein des élevages tout en recentrant le dispositif de prescription hors examen clinique sur la relation privilégiée qui existe entre l'éleveur et son vétérinaire traitant ;

- l'AMI (appel à manifestation d'intérêt) piloté par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires et financé par le Masa a permis l'élaboration dans 11 territoires sélectionnés de diagnostics territoriaux sur le maillage en vue de trouver des outils et solutions adaptées pour lutter contre la désertification au sein de ces territoires ; la synthèse nationale de cet AMI a été présentée au ministre fin février ; des travaux sur la gouvernance et le suivi de ces actions sont maintenant à l'ordre du jour ; ces travaux profiteront aux vétérinaires déjà présents ou souhaitant s'installer dans les territoires en leur donnant une visibilité concrète sur les outils mobilisables et adaptés aux particularités des territoires pour sécuriser leur activité ;

- l'encadrement de la délégation de certains actes de médecine vétérinaire aux auxiliaires vétérinaires spécialisés : cette délégation permettra, d'une part, de reconnaître certaines compétences aux auxiliaires vétérinaires et, d'autre part, de fluidifier l'activité quotidienne des soins au sein des établissements vétérinaires ; cet intérêt est d'autant plus marqué dans un contexte de maillage vétérinaire dégradé en zone rurale en permettant de libérer du temps aux vétérinaires pour l'activité dédiée aux animaux de rente ; l'objectif est en effet d'augmenter la disponibilité des vétérinaires pour la réalisation d'actes à forte valeur ajoutée, pour des actions de conseil en élevage et de permettre le maintien d'une activité rurale dans les cliniques mixtes ;

- le déploiement depuis de nombreuses années des stages tutorés en milieu rural, financé par le Masa à hauteur de 550 000 euros par an : ils permettent à des étudiants de réaliser un stage de 18 semaines en clinique rurale lors de leur dernière année de formation avec pour objectif de favoriser une activité et installation en tant que vétérinaire rural ;

- la possibilité de délivrance d'aides financières ou matérielles par l'ensemble des collectivités aux vétérinaires exerçant auprès des animaux de rente grâce à la mise en oeuvre de la loi Ddadue (loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne) et de ses décrets d'application : les acteurs de terrain, collectivités comme vétérinaires, commencent à s'approprier le dispositif ; des vétérinaires ont ainsi déjà bénéficié d'aides afin de faciliter leur installation ou le maintien de leur activité.

D.V. : L'Etat vient de renouveler sa confiance au SNVEL et à la Centrale canine en agréant à nouveau Ingenium animalis (avec sa marque I-Cad) en tant que gestionnaire du fichier national d'identification des carnivores domestiques. Certaines missions nouvelles lui sont confiées. Parmi ces dernières, quelles sont celles que vous jugez prioritaires et pourquoi ?

M.F. : La nouvelle délégation reprend ses missions historiques de tenue d'un fichier national d'identification des chiens, des chats et des furets.

De nouvelles missions sont déléguées en application de la loi de santé animale (LSA) (recensement des opérateurs, détenteurs de carnivores domestiques) et de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (labellisation des offres de cession de carnivores domestiques, transmission des informations relatives à la traçabilité et au suivi sanitaire des animaux présentes dans les registres d'élevages...).

Deux chantiers ont été identifiés comme prioritaires en 2023 dans la mesure où, d'une part, ils répondent à des obligations réglementaires européenne et nationale et, d'autre part, ils contribuent à lutter contre les trafics et l'abandon des carnivores domestiques :

- le développement d'une base nationale des opérateurs à l'automne 2023 : en application de la LSA, tous les détenteurs professionnels de carnivores domestiques devront se déclarer et décrire leurs activités et leurs installations via une plate-forme dédiée mise en place par I-Cad ; ces données seront mises à disposition des services vétérinaires pour la réalisation de leurs missions de délivrance d'autorisation et d'inspection ; à terme, c'est également via cette plate-forme que s'effectuera la désignation du vétérinaire sanitaire en lien avec Calypso ;

- la mise en place de la labellisation des offres de cession de carnivores domestiques avant la fin de l'année : l'objectif de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale est, grâce à cette labellisation qui s'appuiera sur la vérification dans I-Cad de la véracité des données de l'annonce, de lutter contre les offres de cession frauduleuses ou mensongères.

Toutes ces nouvelles données collectées seront valorisées pour alimenter la réflexion conduite dans le cadre de l'Observatoire de la protection des carnivores domestiques (Ocad).

L'Ocad a été instauré en 2021 en l'absence de données fiables sur les abandons et en raison de la méconnaissance des circonstances pouvant y conduire. Il réunit au sein de son comité de pilotage l'ensemble des acteurs de l'animal de compagnie, associatifs, professionnels, scientifiques et représentants de l'État et des collectivités.

L'Ocad a pour mission d'émettre des recommandations en matière de politique publique et a engagé en 2022 un premier chantier de recueil des informations utiles à l'analyse et l'objectivation de l'abandon.

* Sire : Système d'informations relatif aux équidés.

** DDPP : Direction départementale de la protection des popuations.

*** Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1664

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