Bien-être animal, pénurie de main d'oeuvre... : les vétérinaires européens réunis à Londres

Le Royal College of Veterinary Surgeons et la British Veterinary Association ont organisé, en juin, à Londres, l'assemblée générale de la Fédération vétérinaire européenne et de l'Union européenne des vétérinaires praticiens après avoir reporté à deux reprises l'événement en raison de la crise Covid.

© D.R.

Julien LE TUAL

Administrateur du SNVEL*

Délégué à la FVE pour le SNVEL

Vie associative

La première assemblée générale de la Fédération vétérinaire européenne hors de Bruxelles depuis la crise Covid s'est tenue à Londres en juin dernier. Deux nouvelles résolutions ont été adoptées à l'unanimité sur l'étiquetage du bien-être animal et le transport des animaux. Ce fut aussi l'occasion de constater que la pénurie de vétérinaires semble être un problème mondial.

L'assemblée générale (AG) de la Fédération vétérinaire européenne (FVE) s'est tenue, les 17 et 18 juin, à Londres, suivant celle de sa section principale, l'Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP), qui a eu lieu le 16 juin. L'événement a été organisé par le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS) et la British Veterinary Association (BVA). Le président de la FVE, le Néerlandais Rens van Dobbenburgh, a salué « la persévérance de nos collègues britanniques à avoir organisé cet événement trois fois » car il a été reporté à deux reprises en raison des mesures sanitaires.

La guerre en Ukraine et la profession vétérinaire

La présence et le témoignage oculaire de plusieurs collègues ukrainiens ont certainement été le moment le plus poignant de l'AG. Oksana Rud, présidente de l'Association des vétérinaires d'Ukraine, s'est adressée à l'assemblée dans un message vidéo très émouvant.

Ayant perdu son cabinet, sa maison, plusieurs amis et membres de sa famille, elle a décrit la vie de personnes déplacées en Ukraine depuis l'invasion russe. « Ma profession m'a aidée à survivre », a-t-elle déclaré, ajoutant que « les collègues s'entraideront toujours ».

« Nous sommes honorés par la force et la résilience de nos collègues ukrainiens », a déclaré Nancy De Briyne, directrice exécutive de la FVE, décrivant les initiatives prises par la profession et le site web Vets for Ukraine qui ont été mis en place dès le début de la guerre pour aider à coordonner l'aide aux vétérinaires et aux propriétaires d'animaux de compagnie.

Un traitement médical gratuit pour les animaux de compagnie des réfugiés (jusqu'à
1 250 euros par vétérinaire) a été rendu possible grâce à la collaboration avec la Humane Society International et la Fédération européenne des associations de vétérinaires pour animaux de compagnie (Fecava). Plus de 1 200 demandes ont été reçues jusqu'à présent, a-t-elle déclaré, annonçant que la date limite avait été reportée au 31 août. 

Outre la souffrance humaine et animale, la guerre provoque également une crise alimentaire mondiale, a averti Maurizio Ferri (Italie), membre du Mécanisme européen de préparation et de réaction aux crises de sécurité alimentaire. Il a souligné l'impact sur les pénuries alimentaires et d'autres risques associés à la guerre, y compris le risque accru de maladies animales, plus particulièrement la peste porcine africaine, ainsi que l'influenza aviaire et la rage et un manque de biosécurité, avec un abattage et un commerce de viande largement incontrôlés.

Évolution des attentes des nouveaux diplômés

Un autre point majeur de l'ordre du jour était la discussion sur la pénurie de main d'oeuvre vétérinaire, qui semble être un problème mondial, à en juger par les rapports du Canada, des États-Unis et de divers pays européens.

José Arce, président de l' American Veterinary Medical Association , a décrit les différentes initiatives prises par son association, notamment une meilleure utilisation des vétérinaires et la gestion de la dette étudiante.

Enid Stiles et Trevor Lawson, s'exprimant au nom de l'Association canadienne des médecins vétérinaires, ont mentionné « une harmonisation possible des exigences européennes et canadiennes en matière de permis, des incitations pour le retour des collègues travaillant à l'étranger, une augmentation du nombre d'étudiants et une campagne générale de bien-être pour empêcher les collègues de quitter leur travail ».

Lizzie Lockett, directrice générale du RCVS (Royaume-Uni), a déclaré que son organisation se concentrait sur le « recrutement et le maintien en poste » et avait mis en place des groupes de discussion pour analyser les obstacles. Un changement dans l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et la culture du travail figuraient parmi les principaux objectifs identifiés.

Diverses causes ont été mentionnées comme étant liées à la pénurie de main d'oeuvre, y compris l'évolution des attentes des nouveaux diplômés.

« La jeune génération semble avoir une perspective différente en ce qui concerne le besoin de mentorat, de soutien et d'équilibre travail-vie personnelle », a déclaré Mette Uldahl, vice-présidente de la FVE. « Peut-être qu'il est temps de revoir notre discours et de réaliser notre parti pris négatif ».

Base de données sur les médicaments vétérinaires

Elle a ensuite présenté la campagne de la FVE « Unis dans la diversité » et a annoncé qu'un site web dédié et des dépliants sur la diversité, l'équité et l'inclusion seraient bientôt proposés.

Nous pouvons constater que les facteurs influençant cette pénurie sont semblables à ceux que l'on peut rencontrer en France et que cette problématique est mondiale.

Dans le domaine du bien-être animal, les prises de position sur l'étiquetage du bien-être animal et le transport des animaux ont été adoptées à l'unanimité (lire ci-après).

Mette Uldahl a rapporté que la FVE et la Fédération des associations vétérinaires équines européennes avaient appelé à l'arrêt de l'importation et de la production européenne de PMSG (gonadotrophine chorionique équine).

Nancy De Briyne a fait le point sur le sous-groupe de la plate-forme de bien-être animal de la Commission européenne (CE) sur le commerce des chiens et a indiqué que la CE avait annoncé qu'elle souhaitait inclure les chats et les chiens dans la santé animale de l'UE à l'avenir. 

Parmi les autres sujets importants abordés à Londres, figuraient les médicaments vétérinaires, avec une présentation d'Ivo Classen, chef de la division des médicaments vétérinaires de l'Agence européenne des médicaments. Il a expliqué comment le nouveau règlement sur les médicaments vétérinaires peut bénéficier aux praticiens, par exemple grâce à la mise en place d'une base de données de l'UE sur les produits et d'un système en cascade plus flexible.

La question problématique de l'obligation par les vétérinaires de suivre strictement la notice du médicament a également été discutée. La présidente de la BVA, Justine Shotton, a donné une conférence sur l'« utilisation responsable des antiparasitaires pour les chats et les chiens » et Fergus Allerton, spécialiste vétérinaire européen en médecine interne des petits animaux, a présenté le projet Enovat de l'UE sur des lignes directrices permettant une utilisation durable et raisonnée des antimicrobiens.

Dans le domaine de l'éducation, le vice-président de la FVE, Stanislaw Winiarczyk, a rendu compte des questions liées aux travaux du Comité européen de coordination de la formation vétérinaire (ECCVT) et a informé que le rapport présentant les résultats de la cartographie des programmes vétérinaires a été récemment publié.

Défense de l'approche One Heatlh au niveau de l'UE

La nouvelle stratégie et le nouveau mandat de Veterinary Continuous Education in Europe (VetCEE) ont été présentés par Jimmy Saunders, et une mise à jour du système européen d'évaluation de la formation a été donnée par notre confrère Stéphane Martinot, nouvellement réélu à la tête de l'Association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire (lire DV n° 1625).

Notre confrère français Thierry Chambon, vice-président de la FVE, a donné un aperçu des travaux du groupe sur la sécurité alimentaire et la durabilité liés au rôle des vétérinaires dans la conduite de la transition verte vers le numérique et le développement durable de l'élevage et les résultats du webinaire Vets talk sustainable.

Despoina Iatridou a rendu compte de la liaison intense de la FVE avec les parties prenantes au-delà du secteur vétérinaire afin de promouvoir une véritable approche One Health .

La FVE est actuellement un acteur très respecté dans de nombreux réseaux One Health de haut niveau, un ardent défenseur de la valeur de la profession vétérinaire en matière de santé publique, de santé et de bien-être des animaux pour promouvoir l'approche One Health dans la pratique.

Initiative française sur l'indépendance

Notre confrère Marc Veilly, secrétaire général du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires en France, a présenté une initiative française associée aux ordres du Luxembourg, de Belgique et d'Allemagne sur la détention par un tiers du capital des cliniques vétérinaires et l'indépendance dans l'exercice des vétérinaires.

« L'objectif de l'initiative est d'envoyer un manifeste à la Commission européenne et nos gouvernements concernant la profession vétérinaire. Nous demandons d'avoir la même sécurité juridique que les professions de la santé humaine car nous avons les mêmes impératifs d'intérêt général (santé animale, bien-être, santé publique). L'indépendance du vétérinaire est essentielle pour éviter que les choix ne soient guidés que par des considérations étrangères à ses missions. Cette obligation d'indépendance concerne les actes de médecine/chirurgie et les actes de gestion de la clinique vétérinaire (tarifs, horaires, investissement, recrutement, plans de formation, achats...) », a déclaré Marc Veilly.

Les ordres engagés dans cette initiative reconnaissent la possibilité pour des tiers de détenir le capital de sociétés ayant pour objet l'exercice vétérinaire, dans le respect de la loi et des conditions rappelées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Un appel a été lancé aux ordres de tous les pays européens pour les rejoindre au sein d'un groupe de travail sur le sujet.

Loi sur la santé animale et visites : nécessaire harmonisation

Les conclusions de la deuxième enquête portant sur les visites sanitaires d'élevages, effectuée par la FVE, ont été présentées devant l'UEVP.

« La majorité des pays (et plus qu'en 2017) effectuaient déjà des visites de santé animale avant l'entrée en vigueur de la loi sur la santé animale mais beaucoup étaient limitées à des animaux de production spécifiques (par exemple en Belgique, Allemagne, Norvège, Espagne et Suède) », précisent ces conclusions. Ces visites « ne couvrent que des aspects spécifiques (par exemple le contrôle des médicaments). La pléthore d'exigences nationales s'est poursuivie et indique un besoin crucial d'harmonisation au niveau communautaire. La FVE demande à la Commission européenne de promulguer une législation secondaire pour éviter une application continue, insuffisante et incohérente de l'article 25 ».

Par ailleurs, un travail de collaboration entre les vétérinaires bavarois et leur ministère respectif a été présenté par Siegfried Moder, vice-président de la FVE. Il a abordé un point important concernant les ressources humaines limitées des autorités vétérinaires qui montre combien « les vétérinaires en exercice sont le lien le plus important entre les autorités vétérinaires et les éleveurs ».

Les élevages laitiers bovins sont inspectés par les autorités vétérinaires pour s'assurer qu'ils respectent les exigences en matière de bien-être animal et les infractions sont sanctionnées.

Avec l'implication des vétérinaires d'exploitation, les autorités vétérinaires peuvent bénéficier d'un soutien expert, les exploitations peuvent être réhabilitées en matière de bien-être et de santé animale et ainsi éviter de futures infractions. Cette approche soulage également les autorités vétérinaires.

« Les vétérinaires comprennent la relation complexe entre la santé animale, le bien-être animal, la sécurité alimentaire, la durabilité, la protection de l'environnement et la protection du climat. Nous avons juste besoin d'être entendus ! », a-t-il conclu.

Notre confrère Thierry Chambon, vice-président de la FVE, a présenté les visites sanitaires en France, en montrant combien elles s'étaient développées ces dernières années au niveau de toutes les filières et la diversité des sujets abordés, dont la biosécurité, le règlement sur la loi de santé animale ou encore l'utilisation des antibiotiques. 

Cette situation place la France parmi les pays les plus avancés sur ce sujet en Europe, même en comparaison avec les pays scandinaves comme cela été constaté lors de la présentation de Mette Uldahl (Danemark), vice-présidente de la FVE.

« C'était notre première AG de la FVE en dehors de Bruxelles depuis la crise Covid », a souligné le président de la FVE, Rens van Dobbenburgh.

« L'événement a été extrêmement bien organisé par nos collègues du RCVS et de la BVA. L'AG elle-même a été couronnée de succès avec l'adoption de deux prises de position de la FVE, notamment sur l'étiquetage du bien-être animal et les conditions de transport des animaux, et de nombreuses présentations de haute qualité. Enfin et surtout, l'événement était un mélange parfait de parties formelles et d'innombrables opportunités d'échanges entre collègues européens. Un grand merci à nos collègues britanniques pour avoir organisé un événement aussi splendide », a-t-il conclu.

La prochaine assemblée générale se tiendra, du 24 au 26 novembre, à Malte.

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

Gros Plan : Transport des animaux : une législation à améliorer

Les recommandations de la Fédération vétérinaire européenne (FVE) pour améliorer la législation de l'Union européenne en matière de transport d'animaux ont été adoptées lors de son assemblée générale, en juin, à Londres.

La FVE estime qu'une révision du règlement (CE) n°1/2005 du Conseil relatif à la protection des animaux pendant le transport est nécessaire :

- mettre à jour la nouvelle législation avec les dernières preuves scientifiques, en tenant compte également des technologies nouvelles et émergentes ;

- remédier à certaines préoccupations en matière de bien-être régulièrement soulevées dans le cadre du règlement ;

- simplifier les règles pour les transporteurs et faciliter une application harmonisée à l'intérieur et à partir de l'Union européenne.

Transporter le moins possible

En principe, les animaux doivent être transportés le moins possible. Les transports peuvent avoir des répercussions négatives potentielles sur la santé et le bien-être des animaux, allant du stress sensoriel, du stress thermique aux maladies, aux blessures et même à la mort.

Le transport d'animaux et le mélange d'animaux peuvent faciliter les transmissions de maladies et ont un impact négatif sur la qualité de la viande (par exemple, plus de plaies, d'ecchymoses, viande pâle, molle et exsudative induite par le stress, ou viande sèche foncée et ferme en raison d'épuisement).

La FVE reconnaît que la durée du voyage n'est pas le seul facteur déterminant. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, y compris la conception du véhicule, l'état du transport et l'espace alloué, la présence de congénères, les aptitudes des conducteurs, les compétences et la planification d'urgence, l'intervalle d'abreuvement et d'alimentation, la quantité et la qualité des périodes de repos, la surveillance vétérinaire de la santé et du bien-être.

Enfin, s'orienter vers moins de transport d'animaux est bénéfique pour l'environnement et pour la durabilité, comme reconnu dans la stratégie de « la fourche à la fourchette ». 

« Les animaux doivent être transportés le moins possible, élevés aussi près que possible des locaux dans lesquels ils sont nés et abattus le plus près possible du lieu de production. »

10 points ont été ainsi développés dans ce sens. J.L.T.

Gros Plan : Label européen d'étiquetage sur le bien-être animal : la FVE adopte des recommandations

Les principales recommandations de la Fédération vétérinaire européenne (FVE) adoptées lors de son assemblée générale, en juin, à Londres, pour un label européen d'étiquetage sur le bien-être animal sont :

- les mesures de bien-être animal devraient être fondées sur les données scientifiques les plus récentes ; la recherche scientifique en matière de bien-être animal doit être continuellement encouragée pour identifier les indicateurs les plus valables pour toutes les espèces, races, âges, etc. ;

- les indicateurs de bien-être animal utilisés doivent être fiables et réalisables dans leur évaluation et communication ; ces indicateurs devraient être axés sur les aspects fondamentaux du bien-être des animaux ;

- le label lui-même ainsi que le mécanisme de certification et de contrôle doivent être transparents et fournir des informations factuelles et exactes ainsi qu'être un soutien pour l'agriculteur afin d'améliorer le bien-être animal dans son troupeau ; de plus, il devrait être facile à comprendre pour le consommateur afin d'améliorer la confiance et il ne devrait jamais être trompeur ;

- idéalement, l'étiquette devrait couvrir le bien-être de l'animal de la naissance à la mort et assurer la traçabilité tout au long de la chaîne alimentaire ;

- l'utilisation du logo et de l'entité visuelle doit être protégée pour les fermes accréditées et leurs produits uniquement ; l'utilisation, par exemple, de QR codes comme liens vers des informations détaillées sur les produits devrait être prise en considération ;

- un label ne peut être attribué que si les critères remplis sont, au minimum, supérieurs à ceux résultant de la législation de l'Union européenne (UE) sur le bien-être des animaux ; certaines législations nationales des États membres sont plus strictes que le droit de l'UE ;

Contrôles par des experts indépendants

- les conditions de logement, de gestion, de transport et d'abattage doivent être régulièrement contrôlées par des experts indépendants, bien formés et donc compétents, par et sous la supervision des vétérinaires ; ce contrôle est essentiel pour la crédibilité du label et pour la confiance des consommateurs ;

- les résultats du contrôle devraient être liés, dans la mesure du possible, aux activités de contrôles officiels de l'autorité compétente, y compris le retour d'information de la denrée alimentaire en incluant la déclaration d'information sur la chaîne alimentaire, ainsi que les résultats de l'ante mortem et du post mortem, les inspections des viandes et d'autres renseignements pertinents ; une non conformité par rapport aux règles appliquées équitablement doit être sanctionnée afin d'assurer le bien-être animal ainsi qu'une confiance continue dans le système de label ;

- les demandes des consommateurs devraient être prises en compte et la priorité devrait être accordée à la communication des mesures de bien-être animal prioritaires et de celles qui sont les plus importantes du point de vue des animaux ; l'augmentation du prix de vente des produits labellisés et la concurrence peuvent inciter les détaillants à adopter le label ;

- des révisions régulières doivent être effectuées, par exemple tous les 5 ans. J.L.T.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1628

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