Arthrose : l'intérêt réel des compléments alimentaires

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Adeline DECAMBRON

Véronique VIATEAU

Service de chirurgie

Chuva-ENVA

Thérapeutique

A l'exception des acides gras essentiels, aucun complément alimentaire n'a prouvé son efficacité dans le traitement de l'arthrose du chien et du chat. Ces agents sont plus efficaces associés entre eux et lorsqu'ils participent à une prise en charge multimodale de la maladie. Certains compléments alimentaires ont des effets néfastes, qui doivent être présentés aux propriétaires.

Les compléments alimentaires (ou nutricaments) sont définis par la Food and drug administration comme des aliments ou produits alimentaires dénués d'effet néfaste et qui exercent un effet bénéfique sur l'organisme, incluant la prévention ou le traitement d'une maladie.

Ils peuvent être administrés seuls ou dans un aliment, dit alors aliment fonctionnel, et ne sont pas sujets à réglementation.

Il est important de connaître les bénéfices, inconvénients et limites de ces compléments alimentaires dans le traitement de l'arthrose car ils occupent une place fondamentale dans la pyramide thérapeutique.

Nous ne traiterons que les molécules qui sont les plus utilisées et ont fait l'objet d'études cliniques.

Chondroïtine et glucosamine sulfates

La chondroïtine (CS) et les glucosamines sulfates (GS) sont des précurseurs des protéoglycanes constituant le cartilage. Ils ont été largement étudiés in vitro et in vivo chez l'animal de laboratoire et ont montré des effets chondroprotecteurs et anti-inflammatoires.

Leurs effets sont dépendants de leur biodisponibilité, qui est très faible pour les CS et variable pour les GS. Cette dernière varie avec la formulation, la qualité et la forme des molécules, ainsi la qualité varie selon les composants commercialisés.

Les effets thérapeutiques des CS et GS sont variables et contradictoires chez l'Homme comme chez l'animal en clinique.

Il semble pourtant que l'association de CS-GS soit synergique et des études cliniques sont en faveur d'un effet de réduction de la douleur et d'amélioration des performances locomotrices chez le chien.

Cependant, d'autres études chez le chien et le chat ne montrent pas d'effet comparativement à un placebo. Les études sont peu nombreuses, peu reproductibles, souvent biaisées et souffrent d'un défaut de puissance statistique et d'un manque d'analyses objectives.

Des études à large échelle sont indispensables afin de tirer des conclusions définitives sur l'intérêt de ces compléments et les méta-analyses disponibles chez l'Homme et l'animal ne permettent pas de recommander leur prescription systématique.

Un autre point négatif est l'absence de données concernant la durée d'administration et la dose. Cela induit une variabilité supplémentaire.

Il est rapporté que l'effet est tardif (après 2-6 semaines de traitement) mais rémanent (4-6 semaines).

Des effets néfastes liés au surdosage sont rapportés chez l'Homme et l'animal malgré leur statut de complément alimentaire : hypersensibilité, déséquilibre gastro-intestinal et hépatopathie.

Acides gras essentiels (AGE)

Les AGE sont des acides gras polyinsaturés possédant une double liaison C-C entre les deux chaînes, dont la position définit la classe (oméga 3, 6 ou 9). Ils sont des composants de la membrane cellulaire, participent au transport des lipides et sont des précurseurs des hormones eicosanoïdes.

Les oméga 3 et 6 entrent en compétition en tant que substrat des enzymes cyclo-oxygénases. Parmi les oméga 6, l'acide arachidonique donnera par cette voie des agents pro-inflammatoires dont le rôle est essentiel dans l'arthrose.

A l'inverse, les oméga 3 (EPA, DHA) sont à l'origine de molécules anti-inflammatoires.

Des études chez le chien ont montré qu'une alimentation enrichie en oméga 3 permet une amélioration objective de la locomotion et de réduire les doses et l'administration d'anti-inflammatoires.

L'accumulation de preuves scientifiques chez l'Homme comme chez l'animal aboutit à la recommandation de supplémenter la ration alimentaire en oméga 3 dans le traitement de l'arthrose.

L'huile de poisson et de noix constitue un bon apport mais les huiles végétales sont à éviter car riches en oméga 6 pour la plupart.

L'effet est tardif, c'est donc un complément à donner au long cours.

Des effets néfastes en conséquence d'un surdosage sont décrits : réduction de l'agrégation plaquettaire, troubles digestifs, pancréatite et hépatopathie.

Les chats sont davantage sensibles. Il convient de donner les compléments à jours alternés.

Extraits de moules aux orles verts de Nouvelle-Zélande

Les effets bénéfiques ont été identifiés suite à l'observation que les tribus maori présentent peu d'arthrose et consomment ces moules dans leur régime de base. Devenus populaires, ces extraits sont désormais largement étudiés et intégrés dans le panel des compléments anti-arthrosiques.

Bien qu'ils contiennent des oméga 3, vitamines et minéraux, leur principe d'action majeur n'est pas connu. Aucune étude ne justifie strictement leur recommandation. Les doses et durées de traitement ne sont pas connues. L'inconvénient de leur utilisation est leur goût très puissant.

Collagène non dénaturé de type II (UC-II)

Le collagène de type 2 représente la principale protéine de structure du cartilage. L'UC-II a d'abord montré des effets immunomodulateurs dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde chez l'Homme.

Chez les patients et les chiens arthrosiques, il semble permettre une diminution de la douleur et de la boiterie par effet anti-inflammatoire.

Il est conseillé d'utiliser les UC-II en association à d'autres compléments. L'effet apparaît tardif (180 jours) dans les publications chez l'Homme.

Pour conclure, parmi les compléments cités, aucun n'a prouvé son efficacité dans le traitement de l'arthrose à l'exception des AGE. Ces agents sont plus efficaces lorsqu'ils sont associés entre eux et lorsqu'ils participent à une prise en charge multimodale de la maladie.

Enfin, ces compléments alimentaires possèdent des effets néfastes malgré leur dénomination, qui doivent être présentés aux propriétaires.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1453

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