Agents pathogènes et maladies respiratoires des veaux : recherche des facteurs de risque

Les virus les plus souvent identifiés dans l'étude sont le coronavirus respiratoire bovin (38,4 %), le virus respiratoire syncytial (29,4 %) et le virus PI-3 (8,1 %).

© Laurent Mascaron

Laurent MASCARON

Correspondant en infectiologie et vaccinologie

Courriel : l.mascaron@orange.fr

Infectiologie

Une étude belge sur les maladies respiratoires aigües des veaux montre que, parallèlement à la mise en évidence fréquente d'agents non viraux, le coronavirus était le virus le plus souvent mis en évidence par PCR sur mélanges de liquide broncho-alvéolaire. Sa présence était liée à celle de Mannheimia haemolytica , ce qui suggère une participation conjointe dans les troubles observés.

Les troubles cliniques respiratoires sont une dominante pathologique des jeunes bovins et peuvent survenir dès la période néonatale, avec un impact parfois important sur la santé des animaux et le résultat technico-économique des exploitations.

Une recherche par PCR de sept agents infectieux classiquement impliqués dans ces troubles a été effectuée sur des mélanges de liquides de lavage broncho-alvéolaire (LBA) prélevés sur 5 veaux par exploitation lors de 128 épisodes respiratoires aigus survenus dans la région des Flandres (Belgique) en élevage allaitant (41 cas), laitier (29) ou mixte (58) de septembre 2016 à janvier 2018. Le but de l'étude (Pardon 2019) était de déterminer leur fréquence d'isolement parmi les élevages touchés afin d'évaluer leur importance comme facteur de risque associé à ces troubles.

Matériel et méthodes

L'étude a été organisée et financée par la DGZ (Service de santé animale en Flandres, équivalent d'un GDS en France), en lien avec l'université de Gand (Belgique), les prélèvements étant réalisés en ferme par les vétérinaires traitants.

Dans chaque exploitation, 5 veaux atteints ont été prélevés par LBA lors d'épisodes cliniques respiratoires aigus, survenus dans les élevages volontaires pour participer à l'étude afin de rechercher les principaux agents infectieux liés aux maladies respiratoires.

Un mélange des 5 échantillons prélevés dans un même élevage (pool de liquides de LBA prélevés dans les 7 jours suivant le début de l'épisode et avant tout traitement antibiotique) a ensuite été réalisé au laboratoire puis analysé à l'aide d'une méthode PCR semi-quantitative (kit Thermo Fisher) ciblant sept pathogènes préétablis, classiquement associés aux BPIE*.

Ce type de méthode multiplex est de plus en plus utilisé sur le terrain car il permet d'identifier simultanément plusieurs virus, bactéries ou mycoplasmes, avec une grande sensibilité, qui autorise une analyse sur mélanges de prélèvements et facilite la mise en place rapide de mesures adaptées aux maladies collectives (traitement et prévention).

Parallèlement à la réalisation des prélèvements, des questionnaires sur la conduite d'élevage, les modalités d'hébergement des animaux et les commémoratifs de l'épisode clinique ont été remplis par les vétérinaires traitants après échange avec l'éleveur et visite de la ferme afin de recenser les facteurs de risque connus liés aux BPIE.

Résultats

Au cours de la période d'étude, des prélèvements ont été réalisés lors de 128 épisodes cliniques respiratoires aigus. Ces épisodes ont touché des élevages allaitants (41 cas), laitiers (29) et mixtes (58).

Des agents viraux ont été mis en évidence dans 75/128 mélanges de prélèvements (58,6 %), montrant la présence d'un seul (57/75, soit 76 % des épisodes aigus impliquant une infection virale) ou plusieurs virus (18/75, soit 24 % des épisodes aigus impliquant une infection virale).

Les virus les plus fréquemment identifiés sur ces mélanges ont été le coronavirus respiratoire bovin (38,4 % des cas), suivi du virus respiratoire syncytial (29,4 %) et du virus PI-3 (8,1 %).

Avec une prévalence globalement plus importante que celle de ces virus, différents bactéries et/ou mycoplasmes ont également été détectés par PCR lors de ces épisodes, avec par ordre de fréquence décroissante : Pasteurella multocida (89,1 % des cas), Mannheimia haemolytica (41,2 %), Histophilus somni (36,4 %) et Mycoplasma bovis (33,3 %).

Parmi les facteurs de risque, la détection du coronavirus respiratoire bovin a été trouvée liée à celle de Mannheimia haemolytica (OR=2,8), à la taille du troupeau et à un résultat positif antérieur pour la recherche du coronavirus sur selles par méthode ELISA chez des veaux diarrhéiques.

Outre son lien avec la présence du coronavirus respiratoire bovin, la détection de Mannheimia haemolytica a été plus fréquente dans les lots avec des effectifs supérieurs à 5 animaux par rapport à des groupes de plus petite taille, et pour les bovins élevés sur une litière à base de sciure de bois.

L'achat de bovins et leur introduction sans quarantaine dans l'exploitation ont été reconnus dans l'étude comme facteurs de risque pour une infection des veaux par Mycoplasma bovis.

Discussion

Cette étude a permis d'estimer par diagnostic direct sur un nombre important d'épisodes cliniques respiratoires survenus en élevage (hors ateliers d'engraissement) la prévalence des principaux agents pathogènes potentiellement impliqués, par analyses de mélanges de prélèvements de LBA, en utilisant une méthode PCR. Cette méthode, même si elle est pratique d'emploi, présente certaines limites pour l'interprétation des résultats car le kit multiplex utilisé peut détecter, y compris sous forme inactive et en très faible quantité, des germes pouvant agir comme pathogènes primaires, mais aussi secondaires ou opportunistes.

Un lien de cause à effet entre la présence de ces pathogènes dans les voies respiratoires et les troubles observés n'est en effet pas toujours établi en raison de l'origine multifactorielle des BPIE et du caractère parfois commensal de certains de ceux-ci dans l'appareil respiratoire, comme certaines pasteurelles.

Concernant le coronavirus, agent viral le plus fréquemment mis en évidence par PCR sur mélanges de LBA dans cette étude, un rôle pathogène primaire a été de plus en plus reconnu ces dernières années, bien qu'il soit encore considéré dans le complexe BPIE surtout comme un initiateur d'infections secondaires (Ellis 2019). L'association statistiquement significative entre le coronavirus et Mannheimia haemolytica mise en évidence dans l'étude est de nature à accréditer cette thèse.

Il pourrait être intéressant d'associer différents types de prélèvements afin de mieux appréhender le rôle du coronavirus lors de BPIE. Ainsi au cours d'une étude réalisée en France dans 19 élevages naisseurs où 3 à 5 veaux ont été prélevés par ENP (écouvillonnage nasal profond) et LBA en début d'épisode clinique respiratoire (stade d'hyperthermie), le coronavirus a été mis en évidence dans 63 % de ces épisodes lorsque les PCR de mélanges étaient réalisées à partir des ENP, contre 42 % à partir des LBA. Il a été le seul agent pathogène identifié dans 30 % des mélanges de LBA positifs vis-à-vis du coronavirus (Meyer 2015).

Conclusion

Parallèlement à la mise en évidence fréquente d'agents infectieux non viraux lors d'épisode respiratoire aigu chez les veaux (pasteurelles en particulier), le coronavirus a été l'agent viral le plus fréquemment mis en évidence par PCR sur mélanges de LBA dans les élevages inclus dans l'étude.

Sa présence a été reconnue statistiquement liée dans l'étude à celle de Mannheimia haemolytica, suggérant une participation conjointe dans les troubles observés.

* BPIE : bronchopneumonie infectieuse enzootique.

Références

Ellis J. What is the evidence that bovine coronavirus is a biologically significant respiratory pathogen in cattle ? Can Vet J, 2019, 60, 147-152.

Meyer G. et al. Vers une identification de nouveaux virus respiratoires bovins, Nouveau Praticien Vétérinaire, 2015, 31, 8-14.

Pardon B. et al. Pathogen-specific risk factors in acute outbreaks of respiratory disease in calves, J. Dairy Sci., 2019, 103, 2556-2566.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1679

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