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Administration d'oligo-éléments et vaccination chez le veau

© Hoyos-Jaramillo et al., 2019

Pierre BESSIERE

L'auteur de cet article déclare ne pas avoir de lien d'intérêt avec le sujet traité.

Les oligo-éléments (ou éléments minéraux traces) jouent un rôle fondamental dans la physiologie animale. Ils font partie des constituants de centaines de métallo-protéines, elles-mêmes impliquées dans de très nombreux processus, allant de la production d'énergie à la réplication et la transcription de l'ADN, en passant par la multiplication cellulaire et la réponse inflammatoire. Au cours de ces dernières années, la recherche autour de la modulation de la réponse vaccinale par ces éléments a connu un intérêt grandissant.
Les bronchopneumonies infectieuses (BPI) bovines sont causées par un large panel d'agents pathogènes : des virus, tels que le BRSV (virus respiratoire syncytial bovin), le BCoV (coronavirus bovin), ou celui de la BVD (diarrhée virale bovine), mais également des bactéries, comme Pasteurella multocida ou Mannheimia haemolytica. Leur impact économique est majeur, notamment chez les animaux destinés à l'engraissement (la mortalité due aux BPI représente jusqu'à 60 % de la mortalité en atelier d'engraissement). 
L'implication des oligo-éléments dans l'homéostasie cellulaire et dans la modulation de la réponse immunitaire a donc poussé une équipe de recherche américaine à étudier les effets d'une supplémentation par ces derniers sur la réponse à la vaccination contre les principaux agents des BPI.

Oligo-éléments particulièrement étudiés en médecine vétérinaire

Le zinc

Le zinc participe au fonctionnement de centaines d'enzymes et de très nombreux processus biologiques. Cet oligo-élément est notamment impliqué dans la réplication de l'ADN, la différenciation des lymphocytes, la production d'anticorps et de cytokines, les voies de signalisation stimulant les macrophages et les neutrophiles, etc.

Le cuivre 

Le cuivre participe à la production d'ATP par les mitochondries, la neutralisation des espèces réactives de l'oxygène (peroxydes, radicaux libres, etc.) produites par certaines cellules inflammatoires (comme le zinc d'ailleurs), ou encore, la phagocytose. Par exemple, la céruléoplasmine est une enzyme anti-oxydante qui contient plusieurs atomes de cuivre ; sa production est accrue lors d'inflammation, afin de réguler le stress oxydatif (soit un déséquilibre entre radicaux oxydants et anti-oxydants).

Le sélénium 

Le sélénium possède deux rôles majeurs : comme le cuivre et le zinc, il permet de contrer les dégâts oxydatifs causés par l'inflammation (par exemple, via la glutathion peroxydase qui contient quatre atomes de sélénium) ; il est également impliqué dans certaines fonctions des lymphocytes.

Le manganèse 

Les rôles du manganèse sont, à ce jour, moins bien caractérisés, notamment dans l'immunité. Cet oligo-élément est également un cofacteur des superoxyde dismutases et il est donc impliqué dans la neutralisation des radicaux oxygénés.

Administration d'oligo-éléments et vaccination chez le veau en bonne santé

La première question était de déterminer si l'administration (par voie sous-cutanée) de ces oligo-éléments au même moment que la vaccination contre les agents pathogènes respiratoires augmentait la réponse vaccinale chez le veau laitier. 

Pour cela, deux paramètres ont été évalués : 
- les taux d'anticorps neutralisants (capables de prévenir l'infection en bloquant l'entrée du virus dans les cellules cibles - marqueur de l'immunité anticorps) et,
- la prolifération des lymphocytes (la capacité des lymphocytes à se multiplier lorsqu'ils sont stimulés par un antigène - marqueur de l'immunité à médiation cellulaire). 

Les animaux recevaient un vaccin atténué comprenant les valences BoHV-1 (l'agent de la rhinotrachéite infectieuse), BVDV-1 et BVDV-2 (les deux génotypes de la BVD), BPI3V (virus parainfluenza 3) et BRSV, ainsi qu'un vaccin comprenant des souches atténuées de Mannheimia haemolytica et Pasteurella multocida

Leurs résultats, présentés dans deux articles scientifiques (Palomares et al., 2016 ; Bittar et al., 2018), sont les suivants : comparés aux animaux vaccinés en l'absence d'apport d'oligo-éléments, les animaux supplémentés avaient des taux d'anticorps plus élevés contre le virus de la BVD (cf. fig. 1), et contre Mannheimia haemolitica, ainsi qu'une prolifération lymphocytaire plus élevée suite à la stimulation par le BVDV (cf. fig. 2), par le BRSV et par Pasteurella multocida

 

En revanche, aucune différence n'a été observée pour le BoHV-1. Par ailleurs, en raison de l'absence d'épreuve expérimentale, il était impossible de dire si les différences observées étaient réellement associées à une meilleure protection contre les maladies provoquées par ces agents. Ces résultats, bien que modestes, sont prometteurs et d'autres études seront nécessaires pour déterminer si la meilleure réponse vaccinale est associée à une meilleure protection ou de plus longue durée. 

Administration d'oligo-éléments et vaccination chez le veau avant infection expérimentale par le BVDV

Les résultats d'une autre étude, plus approfondie que les précédentes, ont été publiés l'année dernière (Bittar et al., 2020). 

Dans cette étude, des veaux âgés de sept mois étaient vaccinés avec un vaccin vivant atténué contenant les virus BoHV-1, BVDV-1, BVDV-2, BRSV et BPI3V. Cinq jours après la première injection de primo-vaccination, les animaux étaient infectés expérimentalement avec une souche de BVDV causant des signes cliniques d'intensité modérée. Si l'intervalle de temps entre la vaccination et l'infection était aussi court, c'est parce que les auteurs de l'étude souhaitaient se placer dans la situation où de jeunes animaux récemment vaccinés sont transportés dans un atelier d'engraissement où ils sont exposés au virus après contact avec d'autres bovins infectés. Dans un tel cas de figure, qu'une primo-vaccination apporte une protection en quelques jours serait particulièrement bénéfique, d'autant plus que le stress engendré par le sevrage, suivi du transport et des changements abrupts d'environnement et de ration, peuvent altérer la capacité de réponse des animaux et les rendre particulièrement sensibles aux infections.

Les animaux étaient répartis en trois groupes : un groupe témoin (ni vaccin, ni administration d'oligo-éléments), un groupe uniquement vacciné, et un groupe vacciné et recevant les oligo-éléments au même moment (cf. fig. 3). Lors de l'infection expérimentale, cinq jours plus tard, le virus était inoculé par voie nasale. Un score clinique (basé sur le comportement général des animaux, leur état d'hydratation, la présence de signes cliniques respiratoires ou digestifs, et la température rectale) était déterminé quotidiennement par des vétérinaires n'ayant pas connaissance de l'identité des groupes. Des prélèvements sanguins et des écouvillons nasaux étaient réalisés à intervalles réguliers.

Dans les jours suivant l'infection, les veaux non vaccinés ont présenté des signes cliniques modérés, associés à une leucopénie et à une thrombopénie. Si la protection offerte par le vaccin n'était pas optimale, le délai de cinq jours entre la primo-injection et l'infection était suffisant pour diminuer l'impact de la maladie. Par rapport aux animaux du groupe témoin, les animaux vaccinés avaient des signes cliniques moins marqués, sans leucopénie et une excrétion virale moindre. Les charges virales et le score clinique entre les animaux vaccinés et ceux ayant reçu une injection d'oligo-éléments en plus de la vaccination n'étaient pas statistiquement différents, bien que l'atteinte semblait moindre chez les animaux vaccinés et supplémentés. En revanche, des différences hématologiques significatives ont été observées. L'administration d'oligo-éléments était associée à l'absence de thrombopénie (qui est une anomalie hématologique courante en cas d'infection par le BVDV et à l'origine de troubles de la coagulation conduisant à des hémorragies multifocales si elle est marquée). De même, les taux d'anticorps neutralisants et de lymphocytes CD4+ (qui sont des effecteurs majeurs de la réponse immunitaire adaptative) étaient significativement plus élevés chez les animaux qui avaient reçu une injection d'oligo-éléments.

En conclusion, l'administration des oligo-éléments en parallèle de la vaccination a permis de réduire les conséquences cliniques et biologiques chez des animaux infectés par le BVDV. Dans cette étude, les veaux inclus étaient tous initialement en très bonne santé et vivaient dans un environnement dépourvu de facteurs responsables du stress. Il est donc possible que dans d'autres conditions plus proches de celles rencontrées dans les élevages, ou en utilisant une souche virale plus virulente, les effets observés eussent été différents. 

D'autres résultats prometteurs ont été présentés au Bovine Respiratory Disease Symposium, en 2019. Les chercheurs ont évalué par endoscopie l'inflammation de l'appareil respiratoire supérieur de veaux vaccinés contre les virus de la rhinotrachéite infectieuse et de la diarrhée virale bovine, puis infectés par ces mêmes agents. L'inflammation était nettement moins forte chez les animaux ayant reçu une injection d'oligo-éléments (cf. photo 1). Ces résultats n'ont pas encore été publiés et demandent à être validés.

Une protection en l'absence de carence

Dans toutes les études précédemment citées, les teneurs hépatiques de sélénium, cuivre, zinc et manganèse étaient initialement similaires entre les groupes et dans l'intervalle des valeurs usuelles chez tous les animaux. 

Cette information amène à deux conclusions : la première est que les effets bénéfiques ont été observés en l'absence de carence vis-à-vis des oligo-éléments ; la seconde est qu'un apport exogène d'oligo-éléments peut être bénéfique, alors même que les besoins en oligo¬éléments sont correctement pourvus.

Conclusion

La supplémentation en oligo-éléments semble donc être un moyen prometteur d'améliorer la réponse vaccinale des bovins. Rappelons que cette dernière peut être modulée par un certain nombre d'autres facteurs, comme la conduite globale de l'alimentation, la prise colostrale, la présence d'un microbiote sain, ou encore les conditions environnementales et climatiques. 

Il faut donc considérer la supplémentation ponctuelle en oligo-éléments (hors alimentation raisonnée et équilibrée) comme un élément supplémentaire dans l'arsenal prophylactique du vétérinaire praticien.

LES OLIGO-ELEMENTS INJECTABLES ? oui, mais avec modération, en prévention ou pendant des phases de stress.

Un excès d'apport en oligo-éléments peut se révéler toxique. C'est le cas du cuivre par exemple qui peut s'accumuler progressivement dans le foie ; lorsque celui-ci est saturé, il peut y avoir une libération massive dans la circulation sanguine, suite généralement à un épisode de stress sévère, entraînant une hémolyse intravasculaire. 

L'injection d'oligo-éléments doit être réservée aux situations carentielles où lors de phases dites de stress, quelle qu'en soit la nature ou l'origine (physiologique, pathologique ou zootechnique), comme lorsqu'il est nécessaire d'induire une réponse vaccinale rapide, chez des veaux nouvellement arrivés en atelier d'engraissement, par exemple. Elle ne se substitue pas à l'apport via l'alimentation, et elle peut pallier une demande accrue lors de ces phases critiques. 

Article paru dans La Dépêche Technique n° 187

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