BI Journée mondiale des vétérinaires

Aborder un cas de neurologie sans perdre ses nerfs

Le praticien généraliste peut être à même d'évaluer un patient neurologique, le niveau d'urgence et, si nécessaire, de le référer.

© Monkey Business

Fabrice CASTANET

Neurologie

L'examen neurologique est un outil essentiel de la démarche diagnostique lorsque l'on suspecte une lésion nerveuse. Il ne nécessite pas beaucoup de matériel et peut donc être utilisé par tout praticien, à condition d'employer une méthodologie rigoureuse.

A l'occasion de la journée Afvac* consacrée à « la neurologie au quotidien » , qui s'est tenue à Varetz, en Corrèze, en octobre, notre consoeur Stéphanie Piazza (CHV** Languedocia, Montpellier) a entrepris de démystifier l'examen neurologique et de présenter une méthodologie simple mais rigoureuse, applicable en cabinet/clinique vétérinaire par des non spécialistes, ne disposant ni d'IRM*** ni de scanner.

Le praticien généraliste peut être à même d'évaluer, en neurologie, un patient, le niveau d'urgence et, si nécessaire, de le référer, à la condition de respecter rigoureusement les étapes clés décrites ci-après, lors de la prise en charge de l'animal.

Historique et anamnèse

Le signalement est particulièrement important en neurologie. 

Les prédispositions raciales pour certaines maladies sont très nombreuses, qu'il s'agisse des races chondrodystrophiques (bouledogue français, shitzu, teckel) et des hernies discales, des chiens de petites taille/toys et des méningoencéphalites/méningomyélites, ou des bouviers bernois, boxers, beagles et méningites, pour ne citer que les principales.

Concernant l'âge, les jeunes animaux sont plus sujets à des signes cliniques de malformations (hydrocéphalie, instabilité atlanto-axiale...), d'atteintes métaboliques (hypoglycémie, encéphalose hépatique...) et inflammatoires (infectieuses, dysimmunitaires...).

Les animaux plus âgés sont davantage prédisposés aux atteintes néoplasiques ou dégénératives (hernie discale, myélopathie dégénérative, atrophie corticale...).

L'anamnèse doit être détaillée et précise. Il faut bien se renseigner sur les antécédents médicaux, la durée des signes, leur évolution dans le temps (stabilité, aggravation, amélioration), les circonstances d'apparition (brutale ou insidieuse), la réponse aux traitements précédents, la présence de douleurs, d'autres signes systémiques, si les symptômes sont épisodiques, à l'exemple de l'épilepsie où des vidéos peuvent s'avérer utiles.

Examen général et nerveux

L'examen général doit être systématique et complet à la recherche d'une atteinte systémique ou d'autres signes associés aux signes nerveux.

L'examen neurologique doit être complet et permettre de confirmer une atteinte du système nerveux et, par la suite, de localiser plus ou moins précisément la lésion dans le système nerveux. 

L'examen nerveux comprend plusieurs étapes.

Observation de l'animal  : il s'agit d'une étape incontournable de l'examen neurologique, trop souvent négligée aux yeux de notre consoeur. Elle se pratique à distance, en laissant l'animal libre dans la salle de consultation.

Cette étape permet, dans un même temps, le recueil des informations nécessaires via le propriétaire (anamnèse, historique).

Les éléments sur lesquels le vétérinaire devra être particulièrement attentif à ce stade sont :

- l'état de vigilance : le clinicien évalue la réactivité de l'animal à l'environnement; l'animal peut-être alerte, désorienté, déprimé, stuporeux ou comateux ; cet état dépend du prosencéphale ou du tronc cérébral ;

- le comportement : pousser au mur, démarche en cercle, compulsive, confusion, agressivité soudaine, syndrome d'héminégligence, perte de repères et d'habitudes ; il dépend du prosencéphale ;

- la posture et la symétrie du corps et de la tête : port de tête tournée (pleurotonus) versus tête penchée (syndrome vestibulaire), ventroflexion, dos courbé, position des membres sur le sol (extrémité à l'envers, augmentation du polygone de sustentation, décubitus : rigidité de décérébration ou décerebellation), Schiff-Sherington, opisthotonos, asymétrie faciale ;

- la démarche : si il est ambulatoire, l'animal doit être examiné en train de marcher, voire courir, monter/descendre des marches afin de mettre en évidence une boiterie****, une ataxie***** ou une parésie****** ; si l'animal est non ambulatoire, on le lève par stimulation, voire en supportant son poids (avec une serviette, un harnais) afin d'évaluer la présence (parésie) ou l'absence (plégie) de mouvements volontaires ; lors d'absence complète de mouvements volontaires, on parle de paralysie ;

- la vision : l'animal est observé au cours de ses déplacements (parcours d'obstacle), l'utilisation d'un laser peut s'avérer utile (chat) ; oeil, nerf optique et prosencéphale sont les localisations des éventuelles lésions ;

- la présence de mouvements anormaux : tremblements de la tête, du corps, myoclonies, tétanie, myokimies (ondulations sous la peau), trémulation des babines (épilepsie partielle) peuvent être observés.

Réactions posturales  : elles permettent d'évaluer, entre autres, la proprioception, c'est à dire la perception de la position du corps et des membres.

Cependant, la proprioception implique de nombreuses structures anatomiques et ne peut donc permettre une localisation précise des lésions (nerf, moelle épinière, encéphale).

En revanche, un déficit de réaction posturale signe avec certitude une atteinte du système nerveux. Ces réactions posturales comprennent :

- le placer proprioceptif : il doit être évalué sur un animal debout, en soutenant la quasi-totalité du poids du corps puis en soulevant l'extrémité du membre et en le reposant à l'envers, face dorsale au contact du sol ; un animal dont la proprioception est normale perçoit immédiatement l'anomalie de la position et replace sa patte en appui sur les coussinets ;

- le sautillement : ce test peut être réalisé lors de doutes sur le placer ou dans le cas d'un chat, en déséquilibrant l'animal dont on soutient le poids sur une seule patte ; la réaction normale consiste à se déplacer en sautant sur le membre testé dans la direction imposée.

Réflexes médullaires  : après stimulation, ils font intervenir les différents éléments de l'arc réflexe : nerfs sensitifs, segments de moelle épinière associés, nerf moteurs sans implication des centres supérieurs (moelle épinière en amont, encéphale).

Trois types de réponses sont possibles : une réponse normale ou augmentée, une réponse diminuée ou une réponse nulle.

Une réponse normale ou augmentée (ce qui, en pratique, est difficile à différencier) traduit l'intégrité des différentes parties de l'arc réflexe (nerf sensitif, segments médullaire, nerf moteur).

Si un déficit postural était présent sur ce membre testé, il s'agit d'une atteinte des structures inhibitrices en amont de la partie de la moelle explorée : on parle d'atteinte motoneurone central (MNC).

Pour le cas d'une réponse diminuée ou nulle, cela signifie une atteinte d'au moins un de ces éléments : on parle d'atteinte motoneurone périphérique (MNP).

Une diminution bilatérale est en faveur d'une lésion médullaire tandis qu'une diminution unilatérale oriente vers une lésion d'un nerf périphérique ou médullaire très latéralisé.

Les différents réflexes médullaires sont :

- le réflexe patellaire (tibio-rotulien) : une baisse ou absence de ce réflexe traduit une lésion du nerf fémoral ou des segments médullaires L4-L6, un réflexe normal ou augmenté traduisant une atteinte médullaire en amont de L4 (si le membre est déficitaire) ;

- les réflexes de retrait (flexion) des membres thoraciques et pelviens : ils sont très importants et doivent être systématiquement évalués ; pour ce qui concerne le membre pelvien, une réponse diminuée/absente traduit une atteinte du nerf sciatique ou des segments médullaires L6-S2 ; pour ce qui concerne le membre thoracique, une même réponse indique une lésion du plexus brachial ou une atteinte médullaire en C6-T2 ;

- le réflexe périnéal : après stimulation de la région périnéale, il permet l'exploration du nerf honteux et caudaux et des segments médullaires sacrés S1 à Cd5 (abaissement de la queue, contraction de l'anus) ;

- le réflexe cutané du tronc : la stimulation cutanée s'opère à partir de L5-L6 en remontant ; il fait intervenir l'arc réflexe C8-T1, le nerf thoracique latéral qui innerve les muscles cutanés du tronc ; il n'est pas toujours présent chez un animal sain.

Le tonus musculaire doit également être évalué (il peut être normal ou diminué).

Évaluation sensitive  : la recherche d'une douleur localisée constitue une aide primordiale au diagnostic.

Le praticien interroge le propriétaire, observe l'animal. La douleur peut se manifester sous la forme d'une réaction générale ou comportementale comme de la prostration, des plaintes, de l'agression (suite à la manipulation), une mydriase, de la tachycardie.

Le praticien palpe minutieusement le squelette axial (tête et colonne vertébrale). Si une douleur cervicale apparaît, notre consoeur déconseille de manipuler le cou, examen jugé inutile et dangereux.

La palpation peut mettre en évidence la douleur sous forme de plaintes, de mouvements échappatoires ou, plus fréquemment, d'une contracture musculaire.

L'évaluation de la nociception (sensibilité profonde) diffère du réflexe de retrait. Il s'agit ici d'une réponse/réaction consciente faisant intervenir le cortex.

En pratique, dans le but de susciter une réaction comportementale (l'animal se retourne pour mordre ou faire cesser la douleur) le clinicien pince l'extrémité de chaque patte (au moyen d'un clamp/forceps) avec la patte déjà repliée afin d'éviter la confusion avec le réflexe de retrait.

Ce test se pratique généralement sur un animal ne présentant plus de mouvements volontaires afin d'évaluer la sévérité des lésions et, de fait, le pronostic.

L'évaluation sensitive de la sensibilité cutanée présente peu d'intérêt selon notre consoeur. 

L'évaluation des réflexes et réponses des nerfs crâniens fera l'objet d'un futur article.

En conclusion, notre consoeur conseille de synthétiser et classer les informations recueillies : commémoratifs, examens général et neurologique, permettant ensuite la neurolocalisation.

L'auteur remercie la conférencière pour sa relecture.

* Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

** CHV : centre hospitalier vétérinaire.

*** IRM : imagerie par résonance magnétique.

**** La boiterie peut être due à une une anomalie mécanique, une douleur ou une incapacité à supporter le poids du corps.

***** L'ataxie se définit comme une incoordination dans la démarche, elle est d'origine sensitive et peut-être de trois types : propioceptive avec un animal qui ne sait pas où poser ses pattes ce qui peut entraîner des chutes (lésion de la moelle épinière, du tronc cérébral), cérébelleuse où la démarche est saccadée, s'accompagnant de tremblements et de chutes (cervelet) ou vestibulaire : elle est uni ou bilatérale avec chutes d'un côté (ou des deux), une tête penchée, une démarche en cercle ou enfin des mouvements amples de la tête en cas d'atteinte bilatérale.

****** La parésie est de deux types : motoneurone central (MNC) avec une difficulté à initier des mouvements volontaires se traduisant par une une baisse des mouvements et/ou un allongement des pas ou de type motoneurone périphérique (MNP), soit une difficulté à supporter le poids du corps se manifestant par un raccourcissement des pas. L'association des deux types est également possible sur le même animal (MNP membres thoraciques et MNC membres pelviens).

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1518

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