Tumeurs des glandes périanales du chien : connaître leurs particularités cytologiques

Amas de cellules hépatoïdes, montrant un caractère jointif, avec une organisation papillaire et trabéculaire. Noter l'aspect dense, tridimensionnel. (MGG, x200)

© CVet

Delphine RIVIÈRE

Laboratoire Inovie-CVet (34)

Site Internet : www.inovievet.com

Diagnostic

Les tumeurs des glandes périanales du chien sont essentiellement composées de cellules rappelant la morphologie des hépatocytes, d'où leur nom hépatoïdes. Deux articles récents apportent des précisions quant à l'analyse cytologique de ces tumeurs.

Les tumeurs des glandes périanales, également appelées tumeurs des glandes hépatoïdes ou circumanalome sont relativement fréquentes et proviennent de glandes sébacées modifiées.

Elles sont plutôt détectées chez les mâles entiers car elles expriment des récepteurs aux androgènes mais sont aussi rapportées chez les mâles castrés et les femelles.

D'un point de vue cytologique, ces tumeurs épithéliales sont essentiellement composées de cellules rappelant la morphologie des hépatocytes, d'où leur nom hépatoïdes (photos n° 1 et 2).

Elles comportent parfois un autre type de cellules, de petite taille et au rapport nucléo-cytoplasmique très élevé appelées cellules basales ou de réserve. Celles-ci étaient jusqu'à présent associées à un critère péjoratif de malignité.

Cytologiquement, la distinction entre une tumeur bénigne (adénome), intermédiaire (épithélioma) ou maligne (adénocarcinome) est très difficile à réaliser et l'histologie est toujours nécessaire. 

L'étude rétrospective présentée ici* s'intéresse à cette composante de cellules basales et tente de démontrer que leur présence est bien à considérer comme un facteur péjoratif et donc un critère intéressant pour le cytologiste. 

Matériel et méthode

Les cas ont été collectés sur deux sites : l'université de l'Etat du Colorado (de 2010 et 2016) et l'université de l'Illinois (de 2010 à 2017). Les cas sélectionnés devaient avoir eu un diagnostic cytologique de tumeur des glandes périanales, complété obligatoirement d'un examen histologique. Ont été exclus de l'étude tous les cas jugés insuffisamment cellulaires (moins de 300 cellules nucléées).

Chaque cas de cytologie a été relu à l'aveugle du diagnostic histologique par un cytopathologiste résident ou diplômé, réalisant un comptage de 500 cellules nucléées en distinguant les cellules hépatoïdes des cellules basales.

Les auteurs ont choisi de classer les lésions en deux catégories uniquement, bénignes ou malignes, en incluant les épithéliomas (catégorie intermédiaire) dans les tumeurs bénignes, sur la base d'un pronostic similaire entre épithélioma et adénome.

Résultats

Au total, 83 cas ont été recrutés sur la base d'une conclusion cytologique de tumeur des glandes périanales (50 pour le Colorado et 33 pour l'Illinois). Sur ces 83 cas, 6 ont été diagnostiqués comme des adénocarcinomes à l'histologie (7,2 %) et 77 comme tumeur bénigne, adénome ou épithélioma des glandes périanales (92,8 %).

La proportion de tumeurs malignes était similaire entre les deux universités, avec 8 % pour celle du Colorado et 6,1 % en Illinois. 

La proportion de cellules basales était de 24,6 % pour les tumeurs bénignes contre 24,1 % pour les tumeurs malignes. La différence n'était donc pas statistiquement significative.

La proportion des cellules basales a été également analysée selon le sexe et le statut stérilisé ou non. Aucune différence significative n'a été démontrée selon les différents groupes. 

Rapport de cas **

Un article récent** permet d'apporter une illustration sur un cas de tumeur périanale, qui décrit une métastase ganglionnaire sur une tumeur, cytologiquement et histologiquement bien différenciée.

Le cas clinique concerne un caniche mâle entier de 8 ans présenté pour ténesme qui montre à l'examen clinique une masse en région périanale droite et une masse abdominale caudale à la palpation.

L'examen cytologique de la masse périanale montre une prolifération hépatoïde sans critère de malignité contenant un très faible nombre de cellules basales.

Dans un second temps, des cytoponctions échoguidées de la masse abdominale sont réalisées, celle-ci correspondant à l'imagerie au noeud lymphatique iliaque médial gauche (4 cm).

L'aspect cytologique de celui-ci est strictement identique à la ponction de la masse tumorale, confirmant l'existence d'une métastase et conduisant donc à une hypothèse de carcinome malgré l'aspect bien différencié.

L'examen histologique de la masse et du noeud lymphatique confirme l'adénocarcinome et l'absence de critères de malignité d'un point de vue morphologique. 

Discussion

En raison de leur origine sébacée, les tumeurs des glandes hépatoïdes peuvent s'observer dans des zones autres que la marge anale : la queue, le prépuce, le tronc et les membres postérieurs.

Les tumeurs relèvent de trois types : les adénomes, les épithéliomas et les carcinomes.

L'étude américaine confirme la faible prévalence des tumeurs malignes puisque, selon cette étude, elles représentent moins de 10 % des cas. Une prévalence plus importante est rapportée dans des études plus anciennes de l'ordre de 20 (Martins, 2008) à 36 % (Pisani, 2006), avec possiblement une proportion plus importante chez les femelles.

Cette différence notable est à rapprocher en partie de la classification utilisée entre les différents histopathologistes, et en particulier sur la classification des épithéliomas, qui sont parfois classés parmi les tumeurs bénignes ou parmi les tumeurs malignes.

Dans cette étude*, les auteurs n'ont pas fait de distinction entre les adénomes et les épithéliomas, en les incluant dans les lésions bénignes, sur la base d'un comportement clinique similaire.

Cette étude infirme l'hypothèse, jusqu'ici jamais démontrée, que la proportion de cellules basales est un critère prédictif du caractère malin des tumeurs des glandes périanales.

La proportion des cellules basales ne semble donc pas être un outil fiable à utiliser en cytologie. Seule l'histologie permet de conclure sur l'agressivité de la lésion grâce, entre autres, à des critères non accessibles à la cytologie (architecture, infiltration, emboles...).

Le postulat utilisé jusqu'à présent reposant sur un pourcentage de cellules de réserve plus important dans les épithéliomas et carcinomes est donc remis en question. 

Enfin, les auteurs soulignent la difficulté de visualisation des cellule basales, qui sont en effet superposées ou intriquées au sein des amas hépatoïdes très denses (photo n° 3). Cette difficulté conduit donc inexorablement à un biais de comptage car elle intègre une part de subjectivité et d'incertitude.

A retenir

L'étude américaine et le cas clinique montrent ici plusieurs informations importantes :

- l'examen cytologique est un très bon outil dans le diagnostic des tumeurs des glandes hépatoïdes ; la confirmation cytologique est relativement facile ;

- l'examen cytologique est en revanche, peu sensible dans la discrimination des tumeurs bénignes versus malignes car la plupart des tumeurs malignes ont un aspect bien différencié et le critère du pourcentage des cellules basales ne semble pas être un critère fiable à utiliser.

* Basal cell enumeration does not predict malignancy in canine perianal gland tumor cytology. Samantha J. M. Evans, Sara L. Connolly, Paula A. Schaffer et al. Vet Clin Pathol (2018) ; 47:634-637.

** Metastatic disease in a dog with a well-differentiated perianal gland tumor. Maggie R. McCourt, Greg M. Levine, Melanie A. Breshears et al. Vet Clin Pathol (2018) ; 47:649-653.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1474

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