LOA : la délégation d'actes officiellement inscrite dans la loi
Vie de la profession 52730La délégation de certains actes vétérinaires aux ASV sera très encadrée.
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Maud LAFON
Exercice
Délégation de certains actes vétérinaires sous conditions et développement des stages tutorés ont été maintenus et figurent dans l'article 7 modifié du projet de loi d'orientation agricole tel que validé par la Commission mixte paritaire chargée de l'examiner le 18 février. Le rapport visant à évaluer la pertinence de la création d'une cinquième école nationale vétérinaire n'a par contre pas été retenu dans le texte de compromis qui a définitivement été adopté le 20 février et ouvre donc officiellement la voie à la délégation d'actes.
Après une adoption par le Sénat, le 18 février (à 218 voix contre 107), puis par une commission mixte parlementaire, composée de sept sénateurs et sept députés, dans la foulée (10 votes pour et 4 contre), le texte remanié de la loi d'orientation agricole (LOA) a été voté par l'Assemblée nationale (à 369 voix pour et 160 contre), le 19 février, puis par le Sénat, le 20 février. Il est donc définitivement adopté à l'issue d'un sprint final qui visait à cette promulgation avant l'ouverture du Salon international de l'agriculture comme le souhaitait la ministre de l'Agriculture Annie Genevard.
Plusieurs articles du projet initial concernaient les vétérinaires, à commencer par l'article 7 sur la délégation de certains actes aux auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) et à certains étudiants vétérinaires sous condition (lire DV n° 1711).
Cet article a été modifié dans sa deuxième partie mais concerne les mesures initiales et notamment celle qui vise à constituer « une commission des actes vétérinaires » au sein du Conseil national de l'Ordre vétérinaire pour qu'elle puisse être « consultée sur les demandes d'habilitation des centres de formation », cette mesure ayant trait à la délégation de certains actes confirmée dans l'alinéa suivant du texte.
Liste tenue par l'Ordre
Ainsi, la LOA dans sa version remaniée maintient la délégation de certains actes vétérinaires qui fera l'objet d'une certification pour certains étudiants, ASV et « ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles ».
Cette délégation reste très encadrée. Les personnes concernées devront être inscrites sur une liste tenue par l'Ordre, pratiquer sous la responsabilité d'au moins un vétérinaire présent dans l'établissement, pour des actes « figurant sur une liste définie par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et pour lesquels elles justifient de compétences certifiées par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires ».
La profession avait déjà collectivement travaillé à l'élaboration d'une telle liste qui serait donc prête (lire ci-après).
Les modalités d'application de cet article relatif à la délégation doivent désormais être définies par décret. En attendant ces décrets et arrêtés d'application, « la délégation n'est toujours pas possible dans nos établissements », insiste notre confrère David Quint, vice-président du SNVEL* en évoquant les travaux qui attendent le syndicat dans les prochaines semaines : conditions de reconnaissance des personnes déjà en poste et qui pourront réaliser ces actes délégués, liste des actes à finir de valider, condition de formation des futurs ASV délégataires, etc.
Deux niveaux de délégation
La LOA prévoit « au moins deux niveaux de délégation associés à des niveaux de formation distincts », les discussions avec la profession n'ayant juqu'à présent porté que sur le premier niveau.
Une deuxième partie du texte de l'article 7 concerne les stages tutorés.
L'article 7 bis A émet ainsi des dispositions particulières relatives aux études vétérinaires concernant les stages tutorés. Il précise qu'« au cours de la dernière année des études vétérinaires, les écoles vétérinaires organisent une offre de stages comprenant des mises en situation professionnelle de soins aux animaux d'élevage, sous un régime d'autonomie supervisée et sous l'autorité médicale d'un vétérinaire ou d'une société d'exercice vétérinaire inscrit au tableau de l'Ordre des vétérinaires, labellisé par une commission associant l'État et notamment des représentants de l'Ordre, de la profession et des écoles vétérinaires ».
Il ajoute que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent être associés à l'élaboration de l'offre de stages pour les étudiants se destinant à la profession de vétérinaire et à leur financement ».
Pas de rapport sur l'évolution du métier
L'article 7 bis qui prévoyait qu'« avant la fin de l'année 2025, le gouvernement (remette) un rapport au Parlement sur les perspectives d'évolution du métier de vétérinaire » a été supprimé. Ce même rapport aurait dû évaluer « notamment la viabilité du projet visant à créer une cinquième école vétérinaire publique pour répondre aux enjeux de souveraineté nationale en matière de formation des vétérinaires, de sécurité alimentaire et en matière de santé publique pour accompagner l'élevage, filière agricole et économique majeure, ainsi que de lutte contre la déprise vétérinaire en zones rurales » et faisait allusion au projet de création d'une cinquième école nationale vétérinaire à Limoges (lire DV n° 1669). ■
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
Gros Plan : SNVEL : « De nombreux points devront être éclaircis »
Engagé depuis presque 8 ans dans le projet de délégation d'actes vétérinaires aux auxiliaires spécialisés vétérinaires, le SNVEL* se félicite qu'il soit désormais inscrit dans la loi. Pour autant, de nombreux points restent en suspens et devront être éclaircis pour éviter que le texte ne soit vidé du sens que la profession y a collectivement mis, notamment en ce qui concerne le prérequis attendu pour être éligible à la délégation.
■ La Dépêche Vétérinaire : Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture a été adopté sous une forme remaniée suite à son passage en Commission mixte paritaire, le 18 février. Il conserve, en son article 7, les dispositions ouvrant la voie à la délégation de certains actes, au sein des établissements de soins et sous la responsabilité d'un vétérinaire, à des auxiliaires justifiant de compétences certifiées ainsi qu'à des étudiants vétérinaires et à des vétérinaires ressortissants d'autres pays de l'Union européenne ou d'autres pays. Cette nouvelle version vous convient-elle ?
David Quint et Jérôme Frasson, vice-présidents du SNVEL* : C'est une version que nous travaillons en collaboration avec les autres organisations professionnelles depuis plusieurs années. Nous sommes satisfaits que la rédaction de l'article 7 n'ait pas subi de modification, ni à l'Assemblée nationale, ni au Sénat.
■ D.V. : La liste positive des actes pouvant faire l'objet d'une délégation et sur laquelle vous avez travaillé avec les organismes techniques (Afvac**, Avef*** et SNGTV****) était finalisée lors de la dissolution de l'Assemblée nationale. Pourra-t-elle être conservée en l'état ou avez-vous prévu une nouvelle session de réflexion sur les actes éligibles ?
D.Q. et J.F. : Le décret distinguera au moins deux niveaux de délégation. Pour le premier, la liste définie ne devrait pas être modifiée et est stabilisée maintenant depuis plus d'un an auprès des organismes techniques qui l'ont bâtie. Pour un éventuel second niveau, les discussions n'ont pas débuté.
■ D.V. : Quels sont dorénavant vos points de vigilance pour prévenir les dérives potentielles ?
D.Q. et J.F. : De nombreux points restent en suspens et devront être éclaircis lors de la rédaction des décrets.
La composition de la « commission des actes vétérinaires » n'est pas définie. Nous souhaitons qu'elle intègre à la fois les organisations techniques vétérinaires mais également les membres de la commission paritaire de la branche qui sont concernés par l'évolution des métiers de notre branche.
Un autre point de vigilance est le prérequis attendu pour être éligible à la délégation. Cela fait plus de 15 ans que le SNVEL travaille aux côtés des syndicats de salariés pour que le niveau et la formation des auxiliaires correspondent aux besoins des établissements vétérinaires. Il s'agit d'une reconnaissance pour celles et ceux qui sont diplomés. Nous ne souhaitons pas que tout ce travail soit détruit par une délégation incohérente à tous les échelons de la classification.
L'acquisition de la certification est un autre sujet à préciser. Quelle formation ? Quels organismes de formation habilités ? Nous pensons qu'il faut absolument éviter les dérives du modèle des ostéopathes animaliers. Nous devrons être très vigilants sur la sélection des organismes de formation habilités ainsi que sur le cursus de formation. Nous souhaitons une formation qui n'éloigne pas longtemps les ASV en poste de leur structure et des coûts qui soient accessibles pour tout type d'établissement de soins vétérinaires.
■ D.V. : L'article 7 bis du projet de loi initial relatif au rapport sur l'évolution de la profession vétérinaire a été supprimé. Pourquoi à votre avis et qu'en pensez-vous ?
D.Q. et J.F. : On peut imaginer que le nombre de rapports et études prospectives récents auraient fait doublon avec ce rapport et que l'intérêt n'a pas paru fondamental aux parlementaires dans ce contexte. Nous avions déjà eu la sensation lors des auditions sur le projet de loi que cela ne paraissait pas indispensable. Ce ne sont que des hypothèses cependant.
■ D.V. : Quelles seront les prochaines étapes dans les mois à venir ?
D.Q. et J.F. : La loi donne un cadre qui devra être précisé par des textes réglementaires : décrets et arrêtés. La délégation d'actes pour les ASV ne sera accessible qu'après la finalisation de ces textes. Nous espérons que les travaux aboutiront d'ici à la fin de l'année. ■
* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
** Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.
*** Avef : Association vétérinaire équine française.
**** SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.