Covid-19 et profession vétérinaire : sortie ou entrée de crise ?

Durant le confinement, une hausse du nombre des consultations d'urgence a été rapportée.

© Eléonore H-Fotolia

Corinne DESCOURS-RENVIER

Exercice

Dédiée aux entreprises vétérinaires, aux praticiens et aux auxiliaires vétérinaires, la plate-forme collaborative Vet'Inspire a organisé, en juin, une webconférence consacrée à l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur la profession vétérinaire. A cette occasion, Lucile Frayssinet et Philippe Baralon, du cabinet de conseil en stratégie Phylum, ont fait le point sur une crise sanitaire qui se transforme aujourd'hui en crise économique et sociale.

A l'occasion d'une webconférence organisée, le 16 juin, nos confrères Lucile Frayssinet et Philippe Baralon, respectivement consultante et associé-gérant du cabinet de conseil en stratégie Phylum, ont fait le point sur les conséquences économiques de l'épidémie de Covid-19 pour la profession vétérinaire. Cette conférence a été organisée par Vet'Inspire, la plate-forme collaborative vétérinaire créée à l'initiative du laboratoire Boehringer et du SNVEL*, à l'issue du confinement**.

Une crise sanitaire sans précédent

Philippe Baralon a rappelé les principales étapes de la récente crise sanitaire. « Selon l'Insee***, la surmortalité en France est évidente au plus fort de l'épidémie de Covid-19, avec une augmentation de 70 % du nombre de décès toutes causes confondues par rapport à la même période l'an passé », a expliqué notre confrère.

En mars dernier, l'augmentation très rapide du nombre d'admissions dans les services de réanimation a même fait craindre un effondrement du système hospitalier français. L'inquiétude a atteint son apogée le 25 mars, justifiant la mise en place d'une période de confinement sur l'ensemble du territoire. « Comme prévu, le pic de l'épidémie a été atteint quinze jours après le début du confinement », a rappelé Philippe Baralon.

« Le retour à la normale s'est ensuite effectué progressivement jusqu'à début mai, ce qui a permis d'organiser le déconfinement. Actuellement, les autorités sanitaires observent seulement l'apparition de clusters qui demeurent sous contrôle. La seule exception est la Guyane, où la situation reste préoccupante. »

La crise sanitaire prend aujourd'hui un tournant économique et social.

Vers une crise économique et sociale inédite

« La crise économique qui s'annonce est sans précédent », a souligné notre confrère.  « Pour la première fois dans l'histoire mondiale, l'économie a volontairement été arrêtée durant le confinement et les conséquences de ce choix politique vont commencer à se faire sentir. Quelle sera l'ampleur de cette crise inédite ? ».

La Banque de France estime que les Français vont épargner en 2020, à la fois par manque d'occasions de dépenser et par crainte de l'avenir. Elle prévoit ensuite un rattrapage en 2021 et en 2022 (figure). Cet arbitrage des dépenses aura-t-il un impact sur le secteur vétérinaire ?

Philippe Baralon s'est voulu rassurant. « L'économie du secteur vétérinaire est extrêmement résiliente, comme en témoigne sa relative facilité à surmonter la crise économique de 2008 », a-t-il rappelé. « Il est probable qu'il en y ira de même en 2020. »

Animaux de compagnie, un secteur toujours porteur

« Le fait que les cliniques vétérinaires aient eu le droit de rester ouvertes durant le confinement marque l'évolution de la place des animaux de compagnie dans notre société », a expliqué Lucile Frayssinet. « Aujourd'hui, la majorité des propriétaires ont à coeur de prendre soin d'un animal qu'ils considèrent comme un membre de leur famille. Si la pandémie s'était produite il y a vingt ans, le choix des autorités sanitaires aurait sans doute été très différent... ».

Durant le confinement, une hausse du nombre des consultations d'urgence a été rapportée. Lucile Frayssinet a expliqué cette augmentation par les difficultés d'accès aux soins qu'ont rencontrées les propriétaires d'animaux durant cette période (cliniques et cabinets vétérinaires fermés, horaires réduites...). « Au cours du mois de mai, les vétérinaires ont observé un important phénomène de rattrapage qui confirme que les propriétaires veulent continuer à prendre soin de leur animal de compagnie malgré la crise », a précisé notre consoeur qui se réjouit d'une reprise économique que beaucoup de secteurs nous envient.

Animaux de rente et de loisirs, encore des fragilités

Les magasins d'alimentation étant restés ouverts durant le confinement, les pertes du secteur des productions animales ont été moindres que celles d'autres domaines. « On constate cependant des inégalités selon les filières », a expliqué Philippe Baralon . « Si l'impact de la crise sanitaire a été positif pour les produits de base comme la viande hachée, les produits plus festifs, comme le canard ou la pintade, ont connu un net recul.  »

Depuis le déconfinement, l'ensemble du secteur reste fragile. La reprise des exportations en particulier se fait attendre...

Quant au secteur équin, déjà en difficulté avant le confinement, il a beaucoup souffert. « Les compétitions sportives ne reprenant pas avant l'automne, c'est tout une saison qui est perdue », a déploré Lucile Frayssinet. « Heureusement, l'élevage équin a été relativement épargné. »

Quels moteurs pour sortir de la crise qui s'annonce ?

« Etant donné l'importance des animaux de compagnie dans notre société, il est peu probable que leurs propriétaires réduisent significativement les dépenses vétérinaires en 2020 », a estimé Lucile Frayssinet. Notre consoeur a même conseillé d'élargir dès maintenant la gamme des services proposés au cabinet ou à la clinique pour profiter pleinement de la reprise économique annoncée en 2021. « La première étape est de se mettre rapidement en conditions optimales de biosécurité pour protéger son équipe et ses clients », a précisé Philippe Baralon. « C'est seulement alors qu'il sera possible d'étoffer son offre de services en toute sécurité. »

Dans le secteur des animaux de rente, Lucile Frayssinet a rappelé que le rôle du vétérinaire est avant tout d'optimiser les systèmes de production. « Le praticien doit plus que jamais vérifier que son offre reste pertinente du point de vue économique », a conseillé notre consoeur.

Pour aider les vétérinaires à enrichir leur offre de services, Vet'Inspire a organisé une nouvelle webconférence, le 30 juin prochain, sur le thème « Sortie ou entrée de crise... Maintenant... on fait quoi ? ».

* SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

** Site Internet : https://vetinspire.fr/

*** Insee : Institut national de la statistique et des études économiques.

Projections macro-économiques en France
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Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1536

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