Covid-19 : données rassurantes pour les propriétaires de chats

© Pascale Bradier-Girardeau

Pas la peine d'avoir peur de votre animal, mais lui peut avoir peur de vous

Pierre Bessière, Jean-Luc Guérin et Marie-Christine Cadiergues

L'auteur principal de cet article, Piette Bessière, déclare ne pas avoir de lien d'intérêt avec le sujet traité.

Depuis son émergence à la fin 2019, le SARS-CoV-2 (l'agent étiologique de la COVID-19) a diffusé telle une traînée de poudre à la surface de la planète. Si ses origines demeurent obscures, il est admis qu'il a émergé à partir d'un réservoir animal, possiblement les chauves-souris, et pourrait avoir impliqué un hôte intermédiaire - un animal chez qui le virus aurait accumulé des mutations le rendant plus adapté à l'Homme.
Au cours de ces derniers mois, plusieurs épisodes de transmission de l'homme vers l'animal ont été décrits dans différents pays : ces épisodes concernaient principalement les chats mais également d'autres espèces, comme les chiens et les visons.
Expérimentalement, des chercheurs ont montré que le virus se multipliait facilement chez le furet et le hamster. D'autres espèces sensibles à l'infection sont donc susceptibles d'être découvertes.
L'actualité médiatique est fréquemment ponctuée par l'apparition de variants. Qu'un virus à ARN mute est sans grande surprise et la direction vers laquelle un virus va évoluer est généralement prédictible - c'est d'ailleurs grâce à cela que les vaccins antigrippaux sont actualisés chaque année.
Certains de ces variants prennent toutefois les scientifiques de court en évoluant brutalement dans une direction inattendue. Est-ce dû à des manquements dans la surveillance du virus ou cela signifie-t-il que le SARS-CoV-2 est capable de circuler inaperçu dans un réservoir animal avant de revenir vers l'Homme ? Dans tous les cas, la circulation de cet agent pathogène doit être attentivement examinée et il est important de comprendre le rôle que jouent les animaux dans l'épidémiologie de la maladie.

UNE SÉRIE DE CAS

L'excrétion virale de cinq chats vivant en intérieur strict a été suivie dans cinq foyers différents. Ces animaux appartenaient à des propriétaires testés positifs pour la COVID-19, appartenant à des clusters connus et ayant développé des symptômes. Durant toute la durée de l'étude, les chats ont été en contact avec les seuls membres du foyer, confinés dans leur logement.

Ces derniers ont réalisé, quotidiennement, pendant six jours consécutifs, des écouvillons oropharyngés (afin de prélever de la salive) et rectaux sur leurs animaux, ainsi que des écouvillonnages des gamelles afin d'évaluer la contamination de l'environnement. Plusieurs semaines plus tard, un prélèvement sanguin était réalisé afin de déterminer le statut sérologique des animaux. Les résultats sont récapitulés dans le tableau 1, les chats étant numérotés de 1 à 5.

L'ARN du SARS-CoV-2 a été détecté par RT-qPCR chez deux des cinq chats : deux jours consécutifs pour le chat n°3, un seul jour pour le n°5. L'écouvillonnage des gamelles de ces deux chats a également révélé la présence de génome viral. Dans tous les cas, les charges virales étaient faibles (les Ct de PCR -les mesures relatives de la concentration de la cible dans la réaction de PCR - sont indiqués dans le tableau). Le test sérologique pratiqué (un test ELISA commercialisé par ID-Vet) était positif pour un seul des deux chats. Aucun écouvillon, y compris les environnementaux, n'est revenu positif pour les trois autres chats, de même que les tests sérologiques. Ceci indique que ces trois animaux n'ont a priori jamais contracté le virus. Enfin, aucun des chats n'a développé de signes cliniques.

Les quantités d'ARN viral isolé à partir de l'écouvillon oropharyngé positif du chat n°3 ont été suffisantes pour séquencer la quasi-totalité du génome du virus, ce qui a permis de comparer sa séquence à celle du virus isolé chez le propriétaire. Les deux séquences étaient identiques, à l'exception de deux mutations, ce qui est en faveur d'une transmission homme - chat. Ces mutations n'étant pas retrouvées dans les autres séquences de virus isolés chez des chats et disponibles dans la littérature scientifique, elles sont probablement dues au hasard.

Ces résultats nous permettent de conclure que la transmission du SARS-CoV-2 de l'Homme vers le Chat n'est probablement pas un phénomène rare et est vraisemblablement sous-estimée. Toutefois, les animaux positifs ayant excrété de faibles charges virales dans un intervalle de temps très court, les chats pourraient ne jouer qu'un rôle très limité dans l'épidémiologie de la maladie.

QUELQUES LIMITES

Les propriétaires - des étudiants vétérinaires pour la plupart - ont réalisé les écouvillons sans supervision. Pour limiter au maximum les biais, ils ont reçu des instructions détaillées et les RT-qPCR incluaient des contrôles (la recherche d'un gène propre aux chats et celle d'un gène humain), de telle sorte à s'assurer que les écouvillons contenaient bien des cellules d'origine féline. Il reste malgré tout possible que les propriétaires, eux-mêmes malades, aient contaminé les échantillons via leurs mains ou projections de gouttelettes respiratoires. La présence d'anticorps chez un des chats permet toutefois d'affirmer qu'il avait bel et bien été infecté. La sensibilité de la RT-qPCR sur écouvillon oropharyngé n'a pas été évaluée chez le chat : toutefois, de nombreuses études ont montré chez l'Homme que la RT-qPCR sur prélèvement salivaire était tout aussi sensible (sinon plus) que celle sur écouvillon nasopharyngé, ce qui limite le risque que nous ayons eu des faux négatifs. Enfin, la taille limitée de notre échantillon ne permet pas l'extrapolation à la population féline toute entière.

LES CHATS INFECTÉS PAR LE SARS-COV-2 DÉVELOPPENT RAREMENT DES SIGNES CLINIQUES

Dans notre étude, aucun chat n'a développé de signes cliniques. Il en va de même dans les études où des chats ont été infectés expérimentalement avec le virus. Des cas où les animaux exprimaient de la toux, associée à de l'hyperthermie et de l'abattement ont néanmoins été rapportés. Un article publié par une équipe barcelonaise fait même part d'un cas clinique où l'atteinte respiratoire était telle que le chat a dû être euthanasié. La plupart de ces animaux symptomatiques avaient des comorbidités, comme des atteintes cardiaques ou respiratoires déjà connues : il est donc très difficile de savoir dans quelle mesure la symptomatologie observée était due à l'infection virale en elle-même. A l'image de la maladie chez l'Homme, l'âge et les comorbidités joueraient un rôle prépondérant. Chez des animaux jeunes et sans maladie sous-jacente, l'infection par le SARS-CoV-2 sera probablement de nature subclinique, voire asymptomatique.

UN RÔLE ÉPIDÉMIOLOGIQUE LIMITÉ

Au jour où cet article est rédigé, aucune transmission du chat vers l'homme n'a été rapportée. Dans cette série de cas, de même que dans plusieurs études, toutes les tentatives d'isolement du virus en culture cellulaire à partir des écouvillons positifs se sont révélées infructueuses : les chats auraient donc difficilement pu infecter qui que ce soit. Une transmission entre chats d'un même foyer a pourtant été rapportée dans un foyer chilien. Les infections félines sont donc pour le moment des cas sporadiques et indépendants.

PERSPECTIVES

Des études plus approfondies sont nécessaires afin de mieux caractériser la place des animaux de compagnie dans l'épidémiologie de la COVID-19. Si la recherche directe du virus par RT-qPCR n'est pas toujours évidente - l'excrétion virale pouvant être limitée dans le temps et passer inaperçue -, les tests sérologiques permettent de détecter les infections passées.

Une enquête de prévalence sérologique est actuellement en cours à l'ENVT. Que les vétérinaires souhaitant y participer n'hésitent pas à se faire connaître en envoyant un message à l'adresse mail suivante : covid-19-chat@envt.fr.

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