Covid-19 : des implications sur les baux commerciaux

L'ordonnance du 25 mars ne concerne que les baux commerciaux et non pas les baux à construction ou l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

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Pierre-Yves CERATO

Avocat associé

Barreau de Lyon

Pour Résovet

Droit

Une ordonnance du 25 mars prévoit des dispositions pour le loyer des baux commerciaux dans le contexte d'épidémie du Covid-19. Des critères d'éligibilité seront précisés par décret.

Des dispositions s'appliquent aux locataires bénéficiant de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19.

Quels baux ?

Cette ordonnance ne concerne que les baux commerciaux et non pas les baux à construction ou l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public (AOT).

Quels locataires ?

Il s'agit des personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1 er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée.

Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure.

Les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret qui n'est pas encore publié (donc il faut rester prudent) mais on peut supposer qu'il s'agit :

- des entreprises de moins de 10 salariés indépendantes (à l'exclusion de celles appartenant à un groupe de sociétés), quel que soit leur statut (entreprise individuelle, y compris micro-entrepreneur, indépendants et sociétés) et qui :

. ont un chiffre d'affaires (CA) en 2019 inférieur à 1 million d'euros ; pour les entreprises n'existant pas au 1 er  mars 2019, le CA à prendre en compte sera le CA mensuel moyen, qui devra être inférieur à 83 333 euros entre la création de l'entreprise et le 1 er mars 2020 ;

. auront fait l'objet d'une fermeture par décision de l'administration ou qui appartiennent à un secteur particulièrement touché (hébergement, restauration, activités culturelles et sportives, événementiel, foires et salons, transport-entreposage) ;

. auront subi une perte de CA durant la période comprise entre le 21 février et le 31 mars 2020, par rapport à l'année précédente, supérieure à 70 %*.

Quels sont les droits du locataire ?

Le locataire n'a pas un droit à ne plus payer son loyer et ses charges à partir du 12 mars. Il n'est pas exonéré du paiement.

Mais si le locataire ne règle pas, il n'encoure pas de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du Code de commerce.

Donc, si le locataire ne paie plus son loyer ou ses charges, son contrat de bail ne sera pas résilié et il n'aura pas de pénalités financières à payer.

Jusqu'à quand ?

Cela s'applique aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée.

Il s'agit donc de la période du 12 mars 2020 au deuxième mois suivant l'arrêt de l'état d'urgence sanitaire.

Que doit faire le locataire ?

Le locataire doit :

- prévenir son bailleur ;

- anticiper le règlement des loyers et charges « suspendus » à l'issue de la période d'urgence sanitaire.

Par exemple, si la période d'urgence sanitaire se termine le15 mai 2020, le locataire n'aura pas payé le loyer et les charges du 12 mars 2020 au 15 juillet 2020 (2 mois après le 15 mai 2020), soit pendant 5 mois.

Cela va donc représenter des montants importants et il ne faut pas attendre le 15 juillet pour négocier avec le bailleur.

Il faut donc anticiper cette négociation dès à présent en prévoyant une demande d'étalement par exemple sur 24 mois en prévoyant une réserve si des délais plus longs venaient à être prévus par ordonnance ou décret.

A côté des mesures légales, le locataire peut tenter de négocier par exemple une baisse du loyer ou un abandon des loyers pendant la période de l'état d'urgence sanitaire ou même une période plus longue.

On entend beaucoup parler de possibilités de négociations fondées sur :

- la force majeure : mais attention, en l'état de la jurisprudence, la force n'a jamais été appliquée au paiement d'une somme d'argent, ce qui est le cas en l'espèce ; le Covid-19 changera peut-être cela ;

- l'imprévision : cela ne pourrait concerner que les baux postérieurs au 1 er octobre 2016 et beaucoup de contrats excluent son application.

Il reste l'obligation de bonne foi qui devrait engendrer l'obligation de renégociation que la jurisprudence a consacrée dans des contrats ou ils existaient une situation de dépendance professionnelle, ce qui n'est pas le cas du bail, mais le Covid-19 sera peut-être à l'origine d'un élargissement de son application.

Comment ?

Il faut :

- écrire a son bailleur pour lui expliquer sa situation et formuler ses demandes ; votre avocat vous aidera dans l'élaboration des courriers ;

- en cas d'accord, prévoir la rédaction d'un protocole d'accord et votre avocat sera précieux pour le rédiger ;

- en cas d'échec de la négociation, se faire représenter par un avocat dans la procédure judiciaire que mettra en oeuvre le bailleur.

* Source impots-gouv.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1525

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