Amoxicilline-acide clavulanique : une association qui n'est pas sans conséquences

Notre confrère Jean-Yves Madec, directeur scientifique de l'axe transversal antibiorésistance à l'Anses, constate que cette association est également très utilisée en médecine humaine.

© D.R.

Antibiothérapie

Prescription sécurisante par son large spectre et sa bonne tolérance, l'association d'amoxicilline et d'acide clavulanique représente aujourd'hui près de la moitié des antibiotiques utilisés en médecine vétérinaire canine et est en augmentation constante. Pourtant, elle n'est pas anodine en termes de santé animale et de santé publique. Si elle n'est pas à bannir, elle nécessite d'être raisonnée, comme l'explique notre confrère Jean-Yves Madec, directeur scientifique de l'axe transversal antibiorésistance à l'Anses*.

La Dépêche Vétérinaire : Peut-on dater l'émergence de la prescription majoritaire de l'association amoxicilline-acide clavulanique en médecine vétérinaire canine ?

Jean-Yves Madec, directeur scientifique de l'axe transversal antibiorésistance à l'Anses* : A la mise en place du dispositif de suivi des ventes d'antibiotiques en 1999, la part de l'association amoxicilline-acide clavulanique dans l'exposition des chats et des chiens était de l'ordre de 6-7 %. Au démarrage du plan EcoAntibio 1 en 2011, elle était de 27 %. A la fin de ce premier plan (2016), elle était de 38 %.

Ces trois dernières années (2022, 2023, 2024), elle est en augmentation constante, au-dessus de 45 % (49 % en 2024).

D.V. : Quelles peuvent en être les raisons ?

J.-Y.M. : Il est toujours difficile d'expliquer une telle tendance. Il s'agit d'une prescription sécurisante (spectre très large) et très bien tolérée. On peut sans doute aussi évoquer un report sur cette association en conséquence des restrictions d'usage sur d'autres molécules mais cela reste une hypothèse qu'il est impossible d'objectiver infection par infection pour l'instant.

Nous pourrons probablement disposer d'éléments plus précis lorsque les praticiens canins renseigneront davantage CalypsoVet.

D.V. : Pourquoi est-elle à bannir ? Quels sont les mécanismes délétères en jeu ?

J.-Y.M. : Elle n'est pas à bannir. Aucun antibiotique n'est à bannir mais elle est à utiliser uniquement lorsque nécessaire. Or là, on observe plutôt une dérive. Elle est problématique car tout particulièrement génératrice de résistances en raison de son impact sur les flores commensales et de son action anti-anaérobie.

D.V. : Quelles pourraient être les conséquences en santé publique si cette prédominance perdure ? Sont-elles déjà visibles ?

J.-Y.M. : Cette association est très utilisée également en médecine humaine. Rappelons qu'en 2013, l'ANSM** avait déjà classé cette association comme particulièrement génératrice de résistances. Donc au-delà de l'impact direct sur les résistances en santé animale, la tendance observée en médecine vétérinaire pourrait aussi engager la médecine humaine vers un souhait de durcissement de l'usage de cette association chez les animaux.

D.V. : Quelles sont les solutions alternatives pour les vétérinaires canins ? Sont-elles réellement équivalentes en termes d'efficacité et de sécurité ?

J.-Y.M. : Il est difficile de répondre précisément à la question tant la diversité des sites infectieux et des bactéries en cause est grande. Par exemple, une alternative serait de privilégier l'amoxicilline seule dans toutes les situations où la présence de l'acide clavulanique n'est pas nécessaire. L'acide clavulanique est un puissant inhibiteur de bêta-lactamase, enzyme qui détruit les bêta-lactamines. Ce n'est donc qu'en présence d'un risque nettement accru de micro-organismes producteurs de β-lactamases que l'association amoxicilline-acide clavulanique a une valeur ajoutée.

* Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

** ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.


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