Covid-19 : transmission fort peu probable de l'animal de compagnie à l'Homme

Il importe de se laver fréquemment les mains lorsque l'on s'occupe d'un animal, surtout s'il a été caressé, et il ne faut pas le laisser lécher le visage.

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Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

Membre de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie vétérinaire
de France

Santé publique

L'Organisation mondiale de la santé animale a lancé, le 23 mars, une alerte sanitaire sur deux nouveaux chiens placés en quarantaine à Hong Kong, dont un porteur du virus Covid-19. La question de la contamination des animaux de compagnie par le Covid-19 et de leur rôle potentiel dans sa transmission a fait l'objet d'avis et de publications sans qu'on puisse officiellement conclure sur un risque de contamination avéré entre les animaux domestiques et leurs propriétaires. Le propriétaire positif au Covid-19 devrait être séparé de son animal de compagnie pendant la période où il peut être excréteur.

Les coronavirus connus classiquement chez les animaux de compagnie (comme chez les animaux de ferme) sont spécifiques d'espèces et sans aucun danger pour l'Homme. C'est le cas, par exemple, de la péritonite infectieuse féline. Seuls certains coronavirus ( Betacoronavirus ) sont zoonotiques : l'origine est la chauve-souris avec transmission directe à l'Homme ou par l'intermédiaire éventuel d'un autre animal réservoir : civette palmiste masquée ( Paguma larvata ) pour le Sras ou dromadaire pour le Mers.

Recombinaison génétique

Dans le cas particulier du Sars-CoV-2, responsable de l'épidémie de Covid-19, seul le pangolin est actuellement suspecté comme hôte intermédiaire possible entre la chauve-souris et l'Homme.

Une étude toute récente, dont les conclusions sont encore en cours d'expertise, suggère que le Sars-CoV-2 résulterait d'une recombinaison génétique entre un coronavirus de pangolin et celui d'une chauve-souris. On ne peut donc pas écarter la possibilité, bien que peu probable, de recombinaisons possibles avec des coronavirus provenant d'autres espèces animales, dont des animaux de compagnie.

En l'absence de données sur le risque de contamination de l'Homme par le Sars-CoV-2 à partir des animaux domestiques, on peut se rapporter à l'épidémie de Sras de 2003, dont le virus Sars-CoV est proche du Sars-CoV-2.

Autres animaux infectés expérimentalement

Lors de cette épidémie, certaines espèces animales présentes sur les marchés chinois d'animaux vivants ont été contaminées par le Sars-CoV, sans pour autant être retenues en tant qu'hôtes intermédiaires à l'origine de la maladie : le chien viverrin ( Nyctereutes procyonoides ), le blaireau furet ( Melogale moschata ), les renards roux, les chats domestiques et les rats, ces espèces ayant pu avoir été contaminées par les civettes palmistes masquées, voire par l'Homme sur les marchés (ou inversement).

D'autres animaux ont pu être infectés expérimentalement par le Sars-CoV : singes, chats, furets, souris, cobayes et hamsters.

Comme il avait été montré que des chats domestiques à Hong Kong avaient pu être porteurs du Sars-CoV, l'équipe hollandaise d'Osterhaus a infecté expérimentalement 4 chats et 6 furets en 2003 ( Nature , 425, 915).

Cette expérience a permis de noter que le virus pouvait se répliquer sans signes cliniques chez les chats et avec symptômes chez les furets (présence du virus dans l'appareil respiratoire et l'intestin). Il a été aussi noté la contamination possible de deux chats et de deux furets ayant été mis en contact avec les animaux inoculés.

Le faible nombre d'animaux inoculés ou en contact avec ces derniers, ainsi que l'absence d'autres études sur ce sujet, ne permet pas de conclure sur un risque de contamination avéré entre les animaux domestiques chez leurs propriétaires. 

Éventuel portage

La possibilité d'un éventuel portage du Sars-CoV-2 par les animaux de compagnie a été évoquée lorsque l'on a découvert, à Hong Kong, le 26 février , un chien de race spitz nain (poméranien) positif dont la propriétaire, positive au Sars-CoV-2, était hospitalisée.

Le suivi de ce chien placé en quarantaine pendant 14 jours et testé à six reprises a permis de noter un très faible taux de virus dans les premières voies respiratoires et la cavité buccale, puis des résultats négatifs ainsi que l'absence d'anticorps sériques témoignant d'une infection transitoire.

Il n'a pas été démontré la présence du virus dans les déjections alors que celles-ci sont souvent riches en coronavirus chez les animaux réservoirs. Il est permis de penser que la contamination s'est effectuée de la propriétaire vers le chien.

Le chien n'a jamais présenté de signes cliniques mais est décédé deux jours après son retour de quarantaine chez sa propriétaire (celle-ci a refusé une autopsie pour connaître la cause de ce décès). Il est vraisemblable que la mort du chien, très âgé pour sa race (17 ans), a été causée par le stress de la quarantaine loin de sa propriétaire.

Transmission au chien

Un second chien de compagnie, de race berger allemand, dont le propriétaire était contaminé, a été également découvert positif et a été placé en quarantaine à Hong Kong, le 18 mars dernier. Comme le chien précédent, il ne présente aucun signe clinique. Un chien de la même résidence est aussi en quarantaine et sous surveillance, bien que négatif.

Ceci démontre que le virus semble bien se transmettre aux chiens à partir du propriétaire contaminé. Néanmoins, rien n'indique, pour le moment, que les chiens peuvent, à leur tour, contaminer, par des aérosols ou la salive, des personnes non infectées ou d'autres animaux rencontrés (par exemple dans la rue). 

Il faut aussi noter que les animaux porteurs du Sars-CoV ou du Sars-CoV-2 n'ont jamais présenté de symptômes (en dehors des furets inoculés expérimentalement avec le Sars-CoV en 2003).

Comme l'ont souligné, dans leurs avis, l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE,
9 mars 2020) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses, avis du 11 mars 2020, lire DV n° 1521), il n'a jamais été observé que le Sars-CoV pouvait être transmis d'un animal de compagnie vers l'Homme et la transmission du Sars-CoV-2 est fort peu probable de l'animal à l'animal ou de l'animal vers l'Homme.

Entreprendre une étude sérieuse

En conclusion, les données concernant les coronavirus zoonotiques sur un risque éventuel lié aux différents animaux de compagnie (chien, chat, furet, rongeurs notamment) sont très limitées et justifient totalement qu'une étude épidémiologique et virologique sérieuse soit entreprise sur ces animaux de manière générale dans le contexte actuel de la pandémie, compte-tenu de l'observation du portage transitoire du Sars-CoV-2 par deux chiens contaminés par leur propriétaire.

Dans ce contexte, même si le risque d'une contamination animal-Homme par le Sars-CoV-2 est considérée par l'OIE et l'Anses comme peu probable, il est justifié de renforcer plus strictement les mesures de biosécurité classiquement recommandées pour lutter contre de nombreux agents pathogènes pouvant être transmis par les animaux de compagnie (aérosols, salive, déjections) et souvent ignorés du propriétaire.

Il importe de se laver fréquemment les mains lorsque l'on s'occupe de l'animal (litière, promenade, alimentation, etc.), surtout s'il a été caressé, et il ne faut pas le laisser lécher le visage.

Le propriétaire positif au Covid-19 devrait être séparé de son animal de compagnie pendant la période où il peut être excréteur. Il faudrait instaurer une quarantaine permettant de limiter tout contact rapproché de l'animal avec les autres membres de la famille (animal dans la chambre, par exemple).

Mais rappelons que dans un foyer où une personne est positive, le facteur de risque pour l'Homme sera surtout cette personne par comparaison avec l'animal de compagnie.

L'auteur remercie Eric Leroy et à Jean-Luc Angot pour leur relecture critique de cet avis.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1522

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